Dans son édition du 14 juin 2017, le quotidien Le Populaire du Centre stigmatise le 1er opérateur français, après plusieurs condamnations pour distribution d’eau non conforme. Une « couverture » journalistique à charge, qui occulte d’autres responsabilités…
Avertissement
Nous allons en faire sursauter plus d’un mais au cas d’espèce le traitement journalistique d’innombrables dysfonctionnements appelle quelques observations.
Nous reproduisons ci-après à dessein la couverture « à charge » du quotidien local.
L’affaire semble entendue : le grand méchant loup Veolia a tout faux.
Ce qui permet de laisser dans l’ombre l’impéritie scandaleuse du syndicat mixte qui avait confié une DSP à Veolia, qui, mis en demeure dès 2011 par le Préfet de construire une usine de potabilisation obsolète, aura donc traîné des pieds (le syndicat) durant quinze ou vingt ans, avant que d’investir pour se remettre aux normes.
Impéritie de l’Etat, qui aura tout su depuis aussi longtemps et laissé faire, au mépris de la santé des usagers.
Malignité d’Agur qui, dans ce contexte, n’aura pas eu trop de peine pour faire une offre « low-cost » à coût canon, sachant que si elle emportait le morceau, elle « hériterait » d’une usine flambant neuve, gage d’un zéro investissement qui permet d’éblouir les élus avec un tarif à la Tati…
Autant d’éléments qui attestent à nouveau combien la question de l’eau demeure un gigantesque théâtre d’ombres…
L’article du Populaire du centre
« Après plusieurs jugements similaires, un couple de Saint-Bonnet-de-Bellac, dans le Limousin, vient à nouveau de gagner son procès en appel contre Veolia, en charge de la distribution d’eau potable sur son secteur.
Depuis 1999, un couple et leurs deux enfants, installés à Saint-Bonnet- de-Bellac, refusaient de boire l’eau du robinet. C’est cher et contraignant, mais la famille ne buvait et ne cuisinait qu’avec de l’eau en bouteille.
En 2014, un voisin habitant Azat-le-Ris leur apprend qu’il est dans la même situation qu’eux. Il saisit la justice pour demander la condamnation de Veolia, en charge de la distribution d’eau sur le secteur, pour non-respect des normes sanitaires et le remboursement des frais engendrés par l’achat des bouteilles d’eau.
Il a obtenu gain de cause en février 2014 puis en janvier 2017. Un autre couple résidant à Magnac-Laval a également obtenu réparation devant le tribunal d’instance de Limoges.
Les trois petites villes font partie des trente communes du nord de la Haute-Vienne alimentées en eau par une usine de potabilisation obsolète implantée sur la commune de Beissat.
Le couple décide de saisir la justice à son tour en décembre 2014. Représenté par Me Michel Martin, il vient de gagner son procès devant la cour d’appel de Limoges qui a rendu son arrêt le 11 mai dernier.
Comme le tribunal d’instance avant elle, la cour a constaté que, liée par un contrat d’affermage au SIDEPA (Syndicat intercommunal de distribution d’eau potable et d’assainissement) de la Gartempe, Veolia « est responsable de la qualité de l’eau et des dommages causés et doit prendre toute mesure nécessaire ».
Après avoir étudié les analyses de l’Agence régionale de santé fournies par les requérants et la lettre du préfet adressée au président du SIDEPA en mars 2011 indiquant que « malgré les travaux réalisés jusqu’en 1990, l’état actuel de cette station ne permet plus de produire en permanence une eau conforme aux exigences de qualité de l’eau destinées à la consommation humaine », la cour a tranché.
Veolia doit rembourser 2.800 € pour une période de cinq ans
« Dès lors que l’eau livrée ne répond pas aux exigences de qualité requises par les normes légales et réglementaires, la société Veolia Eau, tenue à une obligation de résultat, est responsable et doit indemniser l’usager pour l’ensemble de la période concernée dans la mesure où il est établi plusieurs non-conformités au cours des années 2011, 2013 et 2014 ».
Calculant le préjudice sur la base de trois litres d’eau par jour et par adulte et tenant compte du fait que la famille n’a pas résidé en permanence à Saint-Bonnet- de-Bellac, la cour a estimé que Veolia devait leur rembourser 2.800 € sur la période de cinq ans que couvre la procédure.
Une centaine de dépassements
Maître Michel Martin se réjouit de ces décisions de justice importantes au regard de l’enjeu sanitaire.
« Certaines analyses ont mis en exergue des teneurs anormales en aluminium, en fer et en carbone organique total dit COT, précise le défenseur du couple.
Les propres rapports de Veolia mettent en évidence au moins six dépassements chaque année des limites de qualité et cent à cent vingt dépassements chaque année des références de qualité.
Associé à des surdosages réguliers de chlore, le COT produit des trihalométhanes qui favorisent le cancer du colon et de la vessie »…
L’avocat suit actuellement quatre procédures en cours d’examen. Quant aux défenseurs de Veolia, interrogés par le quotidien local Le Populaire du centre, ils n’ont pas souhaité indiquer s’ils allaient se pourvoir en cassation.
Une nouvelle usine
Les problèmes de qualité de l’eau dans le nord du département ne devraient bientôt plus être qu’un mauvais souvenir pour les particuliers.
Le SIDEPA (Syndicat intercommunal de distribution d’eau potable et d’assainissement La Gartempe), en charge de l’eau potable sur une trentaine de communes du nord du département pour 20 000 habitants, a fait construire une nouvelle usine de traitement, à deux pas de l’ancienne devenue obsolète (elle datait de 1958).
Sise à Peyrat-de-Bellac au lieu-dit Beissat, elle est actuellement en phase de test. Elle va entrer en fonction dans les prochains jours. L’ancienne sera démolie. Les travaux, d’un montant de 7 millions d’euros environ, ont pris du retard puisqu’elle aurait dû entrer en service en 2016.
Le SIDEPA a en outre changé de prestataire suite à un appel d’offres : Agur, dont le siège est à Bayonne, remplace Veolia, dont les prestations ont été jugées « insuffisantes » par le SIDEPA. On le comprend aisément.
L’interview de Michel Baudu, directeur du GRESE(1)
Ce laboratoire important (40 enseignants-chercheurs et 20 doctorants) a récemment mis au point un dispositif original permettant de détecter puis d’analyser, même à de très faibles concentrations, les micropolluants présents dans les eaux.
– Des particuliers du nord du département ont mis en exergue lors de différentes procédures judiciaires intentées contre Veolia Eau, la présence anormale de carbone organique totale (COT). De quoi s’agit-il exactement et d’où vient-il ?
« N’importe quel composé chimique peut entrer dans la composition du COT. Ce sont des résidus naturels, comme des micro-algues, des substances organoleptiques, lesquelles vont modifier l’apparence, l’odeur, le goût de l’eau. L’usine de traitement est là pour éliminer ce COT. S’il en reste malgré tout, le producteur javellise encore plus, ce qui évidemment pose problème. La provenance du COT est due à plusieurs facteurs : des intrants (engrais, pesticides, etc.) toujours plus importants, des changements climatiques, par exemple. Reste que certaines eaux sont plus faciles à traiter que d’autres. »
Des teneurs élevées en aluminium et en fer ont également été relevées…
« Cela vient surtout de la ressource elle-même. Ce sont des métaux qui existent à l’état naturel, dans les sols. Mais comme l’on considère qu’à certains niveaux ils peuvent être dangereux pour la santé, les usines de traitement doivent les éliminer. Visiblement, dans le cas judiciaire dont vous parlez, cette usine ne remplissait plus cette mission. Dans notre région, les plantations de résineux ont entraîné une acidification des sols, laquelle à son tour favorise la prolifération de l’aluminium. Ceci dit, il faut savoir que l’on utilise souvent des sels d’aluminiums dans le processus de traitement, pour ses vertus coagulantes et floculantes (*). Le fer aussi remplit ces fonctions, mais cela entraîne souvent une coloration de l’eau et une modification de son goût, ce dont le consommateur s’accommode de plus en plus mal même si elle est très bonne. Il y a débat sur l’utilisation des sels d’aluminium, pour raisons sanitaires donc. De fait, des producteurs d’eau potable ont cessé d’en utiliser. Il existe des alternatives, notamment des biopolymères (grosses molécules présentes naturellement dans l’environnement), comme la cellulose et l’amidon, qui remplissent aussi ces fonctions, sans les inconvénients de l’aluminium. Seulement cela coûte plus cher… Pour autant, je pense qu’on y viendra tôt ou tard et qu’on arrêtera l’aluminium. »
– Veolia se défend en arguant que même si son eau ne correspond pas aux références de qualité, elle reste potable puisque ces références n’ont aucun caractère obligatoire et qu’elle respecte les normes sanitaires en vigueur. « Une eau peut être trouble et avoir une odeur et être consommable », ajoute Veolia. Qu’en pensez-vous ?
« C’est vrai : trouble et odorante ne veut pas dire impropre à la consommation. Mais on veut aujourd’hui une eau inodore et incolore. »
– Que pensez-vous de l’eau du robinet en Limousin ?
« Par rapport à d’autres régions, comme la Bretagne, elle est de bonne qualité. Mais, elle s’est dégradée depuis dix ans, comme toutes les eaux en général. Ceci dit, on a aussi fait beaucoup de progrès dans la potabilisation en multipliant les opérations de traitement. »
(*) Ce qui permet « d’emprisonner » les matières de tout petit volume afin de former des « flocons » plus volumineux qui se déposent par sédimentation et peuvent être plus facilement arrêtés par les filtres.
1. (Groupement de recherche eau, sol, environnement) à l’université de Limoges.
Source : Le Populaire du Centre, 14 juin 2017.