Le blocage des trois usines de production d’eau potable du Sedif qui alimentent plus de 4 millions de Franciliens, effectif depuis le 17 novembre, et témoignage d’un durcissement de la grève qui a débuté le 8 novembre dernier, est reparti de plus belle après un premier round de négociations, jugé infructueux par l’intersyndicale CGT-FO. Au-delà de la remise en cause d’un certain nombre de dispositions anciennes (salaires et primes notamment), comme de l’incertitude qui pèse sur la reprise de l’intégralité du personnel attaché au contrat actuel, dans le cadre du futur contrat de régie intéressée de Veolia qui va débuter le 1er janvier 2011, les personnels s’inquiètent surtout des considérables « gains de productivité » promis par Veolia pour emporter le nouveau contrat, qui vont à l’évidence se traduire par de très importantes réductions d’emploi…
Après une courte trêve vendredi, dix salariés de Veolia bloquent à nouveau l’accès à l’usine de production d’eau de Choisy-le-Roi qui alimente 30 communes du Val-de-Marne. « On ne laisse passer aucun camion de produits chimiques pour purifier l’eau », indiquait M.Carlos Russo, élu CGT, à l’édition locale du Parisien. Les négociations entamées avec la direction sur les rémunérations et les conditions de travail n’ont pas donné satisfaction aux syndicats.
Le blocage se poursuivra donc au moins jusqu’à lundi matin, comme sur les sites de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) ou de Méry-sur-Oise (Val-d’Oise).
Logique puisque la prochaine réunion du Comité d’établissement Ile-de-France Centre de l’UES Veolia Eau - Générale des eaux, ne se tiendra que le jeudi 25 novembre à 9h30 rue de la Boétie, dans le VIIIème arrondissement de Paris.
Et que c’est à cette occasion que sera évoquée la question sensible, qui figure au point 5 de l’Ordre du jour, de « l’Information du CE sur le projet présenté devant le CCE d’ajustement des périmètres des régions de l’UES Veolia Eau – Générale des eaux sur ceux des délégations de Veolia Environnement ».
Qui va payer les « gains de productivité » promis par Veolia ?
Sur le fond, c’est la discrète annonce par le quotidien économique Les Echos le 24 août dernier que les réseaux du Sedif « allaient faire peau neuve » d’ici à 2015, qui a tout à fait légitimement inquiété les personnels. Surtout qu’elle a immédiatement été suivie à la rentrée par l’annonce par Veolia que le « changement de périmètre » du nouveau contrat l’exonérait de reprendre l’intégralité du personnel aujourd’hui en place, alors que le Code général des collectivités territoriales fait obligation à tout nouveau titulaire d’un contrat de DSP de reprendre ces personnels.
Outre que sur ce point la ficelle est grosse et qu’il n’est pas avéré, en laissant à part le dossier d’Est Ensemble, que le retrait de la communauté des Lacs de l’Essonne, et les deux autres modifications intervenues au printemps dans les Yvelines soient de nature à convaincre un tribunal du bien fondé de l’argumentaire de Veolia, les résultats de la conjonction de ces deux annonces sont en effet aisément prévisibles, sous la forme d’une réduction drastique des effectifs…
Car ce seraient rien moins qu’environ 575 millions d’euros qui seraient investis entre 2011 et 2015 par le Sedif pour le rajeunissement des installations franciliennes, annonçaient donc Les Echos dans leur édition du 24 août 2010.
« Les sommes seront essentiellement affectées aux trois sites de Choisy-le-Roi, Méry-sur-Oise et Neuilly-sur-Marne, soit 95 % des activités de traitement et de distribution de l’eau », précisait le quotidien.
« Il s’agira dans un premier temps de rénover les sites vieillissants (70 % de l’investissement total), ceux-ci ayant une durée de vie de 45 ans. Cette moyenne devrait passer à 43 ans en 2025. De nouvelles opérations seront également financées, notamment pour sécuriser les sites de production contre les inondations. »
Pour qui a suivi la « saga » du Sedif ces dernières années, et entendu à d’innombrables reprises son président vanter les qualités incomparables du service des eaux « le plus moderne d’Europe », voire du monde, l’annonce laisse pour le moins rêveur.
Ainsi les sites seraient « vieillissants » et menacés par d’éventuelles inondations ?
On ne saurait mieux dire que Veolia a donc, comme nous le soutenons depuis le début, préféré allouer les bénéfices colossaux qu’il retire de cette rente de situation qu’il détient depuis 1923, à rémunérer ses actionnaires plutôt qu’à entretenir et rénover le réseau qui lui est confié…
Et il est donc parfaitement logique que la seule variable d’ajustement dont dispose désormais l’entreprise pour continuer à allouer des dividendes colossaux à ses actionnaires soient les personnels qui n’en peuvent mais…
On notera que, toujours prompt à poursuivre de ses courriers furieux la moindre personne qui ose remettre en cause son pouvoir sans partage, en la circonstance le président du Sedif, et son bureau, n’ont pas daigné se manifester et témoigner d’un quelconque intérêt pour le plus grave conflit qu’ait connu le Syndicat des eaux d’Ile-de-France depuis 1923…
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