Le colloque organisé les 7 et 8 juillet à Saint-Maur-des-Fossés autour de la GEMAPI et de la protection contre les inondations dans le cadre de la Métropole du Grand Paris a dès son ouverture témoigné de ses bienfaits, avec l’annonce surprise par Patrick Ollier, président de la MGP, de l’octroi d’une subvention de 250 000 euros à la réfection d’une vanne-secteur sur le canal Saint-Maur-Joinville…
Notre colloque s’intitulait « GEMAPI : enjeux & gouvernance. Sécurité, biodiversité, santé et cadre de vie. Comment gérer demain nos rivières sur le territoire de la Métropole du Grand Paris ? ».
Le jeudi 7, toute la journée, on allait examiner « La gestion de l’eau en Ile-de-France : les acteurs, leurs missions, les défis futurs. »
Le lendemain, en matinée, ce serait « L’impact de la compétence « GEMAPI » sur la gestion des rivières de demain ».
Autrement dit, avant de parler de la GEMAPI, qui était quand même le prétexte officiel des festivités, on allait avoir droit à la danse du scalp, en forme de pré-positionnement des « acteurs », ce qui devait permettre à tout esprit, même moyennement affûté, de comprendre de quoi il en retourne… pour l’après 2017, ce qui était bien évidemment la seule chose sérieuse dans le festival d’auto-promotion, de marquage du territoire et de belles promesses qui allait s’ensuivre. Tant il est vrai que c’est là la fonction ultime, principielle, de ce genre de manifestation au cours de laquelle chacun(e) analyse soigneusement la seule chose qui compte : l’état des forces en présence et les grandes manœuvres qui se préparent.
Nonobstant, et comme rien ne se passe jamais comme prévu (François Hollande dans le texte), l’ordonnancement de notre raout va être passablement bouleversé par l’hommage national rendu à Michel Rocard aux Invalides. Exit Barbara Pompili et Anne Hidalgo, déjà un rien suspicieuses face à ce "traquenard ourdi par la droite", comme le résumera ("off") un collaborateur d’élu (de gauche)...
Un cadeau de 250 000 euros avec de l’argent qui n’existe pas…
L’affaire démarrait très fort dès l’ouverture le jeudi matin avec deux annonces choc de Patrick Ollier, président (LR) de la Métropole du Grand Paris. D’une part celle-ci, qui a vu le jour le 1er janvier 2016, sans attendre la date du 1er janvier 2018, fixée par les lois NOTRe et MAPTAM, allait délibérer dès septembre prochain, pour prendre la compétence GEMAPI dès le 1er janvier 2017, afin d’engager au plus tôt études et travaux pour faire face au risque d’inondation. On y reviendra.
Dans la foulée Patrick Ollier, grand seigneur, annonçait sous les vivats que la Métropole allait signer un chèque de 250 000 euros pour soutenir la réalisation des travaux programmés sur la « vanne-secteur » Saint-Maur-Joinville, issue provisoire d’un affrontement haut en couleurs autour d’un ouvrage… de protection des inondations.
En 1841, dans sa « Nouvelle histoire de Paris », Julien de Gaulle décrivait le percement du Canal de Saint-Maur, qui visait à abréger de trois lieues la navigation sur la Marne. Ayant coûté 1 760 000 francs de l’époque, le canal en deux parties, une section souterraine de 600 mètres, et de 500 mètres à ciel ouvert, construit par Louis Bruyère, sera ouvert à la navigation le 10 octobre 1825.
Une vanne construite dans les années trente, après la fameuse inondation centennale de 1910, située sur le canal Saint-Maur-Joinville entre deux bras de la rivière, ne fonctionnait plus depuis les années 2000.
« Lors des inondations de 1955, l’usage de la vanne a permis de baisser le niveau des eaux de 55 centimètres », expliquait au quotidien Le Parisien le 16 octobre 2015 le maire LR de Joinville, Olivier Dosne.
Vieillissante, la vanne n’était plus utilisée. Au terme de négociations qui s’enlisaient depuis des années, le Conseil départemental (PC) du Val-de-Marne prenait le mors aux dents en 2015, organisant une visite afin de présenter aux élus l’impressionnant chantier qui devait permettre l’installation d’une vanne flambant neuve, qui protégerait les habitants de 15 villes du Val-de-Marne et de Seine-Saint-Denis des crues de la Marne, en permettant d’évacuer de l’eau par l’écluse, la montée des eaux pouvant être réduite de plusieurs dizaines de centimètres en cas d’inondations.
Les travaux allaient bon train en octobre 2015. Afin de démonter la vanne existante, l’ouvrage et ses pièces d’acier pesant plusieurs tonnes, le canal avait été asséché et la navigation - une vingtaine de péniches quotidiennes - interdite. Après la remise en eau prévue pour le 21 octobre 2015, les agents du Conseil départemental ne devaient plus toucher à rien jusqu’à 2017.
Touchez pas au grisbi
La remise en état avait été chiffrée à environ 3,6M€, une somme prise en charge par le fonds de prévention des risques naturels (dit « Fonds Barnier »), et les conseils départementaux du 94 et 93.
Les villes concernées (Bonneuil, Bry, Champigny, Chennevières, Créteil, Joinville, Le Perreux, Nogent, Saint-Maur et Sucy. Et dans le 93 : Gagny, Gournay, Neuilly-Plaisance, Neuilly-sur-Marne et Noisy-le-Grand), avaient également été sollicitées.
Elles devaient se répartir un budget de 500 000€ en fonction de l’impact sur la montée des eaux.
« Cela représente entre 5000€ et 170 000€ », précisait au Parisien Didier Guillaume, vice-président du conseil départemental du Val-de-Marne, et maire PCF de Choisy-le-Roi (où est implantée l’une des trois usines du SEDIF), ajoutant que : « L’Etat doit prendre ses responsabilités mais chacun doit faire son effort et préserver la vie des gens si un événement malheureux devait se produire ».
Sur les 3,6M€ nécessaires à la réhabilitation de la vanne de Joinville, les villes devaient donc régler 500 000€ de la note.
Saint-Maur, commune la plus concernée en termes d’hectares inondables, avait d’abord acté sa participation le 5 mars 2015.
Mais Sylvain Berrios, notre député-maire LR, revenait sur sa position le 16 octobre 2015, en interpellant le gouvernement :
« Dans un contexte de baisse des dotations de l’État, les communes n’ont plus les moyens de financer un tel ouvrage, dont l’entretien et la mise aux normes relèvent directement de l’Etat. »
Et Sylvain « Gatsby » Berrios de demander au gouvernement « de débloquer rapidement les fonds nécessaires ».
Une position qui ne faisait pas l’unanimité parmi les élus, l’un d’entre eux évoquant « une posture politique » : « 3M€, ce n’est rien par rapport à l’enjeu. »
On appréciera dès lors tout le sel de l’annonce tonitruante de Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris, en ouverture de notre colloque. Un chèque de 250 000 euros pour la fameuse vanne-secteur qui va mettre à l’abri les habitants de Saint-Maur, la ville dirigée par Sylvain “Gatsby” Berrios, nouveau Vice-président de la MGP en charge de la GEMAPI…
Le monde est bien fait. Enfin pas totalement comme le soulignera in petto Patrick Ollier, emporté par son élan, s’adressant à Thomas Degos, le nouveau DGS de la MGP, un jeune préfet promis à un brillant avenir, qui travaillait déjà avec Jean-François Carenco, (le nouveau préfet de la Région Ile-de-France, que nous retrouverons plus avant dans notre colloque), quand ce dernier était dircab de Jean-Louis Borloo au ministère de l’Ecologie.
Bref, magnifique conclusion de son intervention, Patrick Ollier s’adresse donc au DGS de la MGP et lui dit en substance : “Bon, je sais qu’on n’a pas le budget, pas l’argent, et pas la compétence, mais bon, pour les 250 000 euros, faites au mieux, je compte sur vous !”, déclenchant un nouveau tonnerre d’applaudissements dans la majestueuse grande salle du premier étage de la mairie de Saint-Maur.
A suivre.