Un membre de l’Association de sauvegarde des moulins et rivières de la Sarthe (ASMR 72) dénonce le véritable forcing opéré ces dernières années par les représentants de l’Etat, des collectivités locales, les Agences de l’eau et l’Onema, qui initient des travaux aussi critiquables qu’onéreux pour « rétablir la continuité écologique » des cours d’eau. Sur fond de non atteinte programmée des objectifs de la DCE en 2015, ce « tout continuité écologique » peut aussi s’apprécier comme une stratégie d’occultation délibérée de l’échec cinglant de reconquête d’un bon état chimique des masses d’eau gravement polluées, dont les données publiques françaises sur la qualité de l’eau dissimulent sciemment l’ampleur, comme l’a révélé le scandale de l’Onema.
« L’ASMR 72, créée il y a plus de 20 ans, a pour objectif la sauvegarde des moulins et rivières. A l’origine, les membres étaient essentiellement des propriétaires de moulins. De nombreux riverains, agriculteurs, pêcheurs, maires et autre élus nous ont rejoints. Alors que le Département mène une politique cohérente concernant le patrimoine sarthois, la politique de gestion des cours d’eau est tout à fait incohérente, mettant en danger les ouvrages construits au cours des siècles (moulins, seuils-déversoirs, canaux de dérivation, étangs de retenue …) contribuant à l’instauration d’un rapport harmonieux de l’homme avec la nature.
Les investissements programmés pour la construction de passes à poissons sont indécents en regard des besoins et du contexte économique.
Un vrai gâchis sur Sarthe Aval avec des investissements énormes et injustifiés
D’après les nombreuses et récentes informations du service hydraulique, 16 passes à poissons de 400.000 € chacune et spécifiques à l’alose, la lamproie et l’anguille, sont construites ou programmées sur Sarthe Aval.
En ajoutant les 2 passes à poissons semblables déjà installées sur le Loir, cela correspond à un investissement de 7.200.000 €.
Cette somme correspondrait à environ la construction de deux stations d’épuration semblables à celle récemment réalisée à Beaumont sur Sarthe et capable d’assurer l’épuration des eaux usées de 1000 équivalents habitants.
L’Europe montrée du doigt : « Bruxelles impose des passes à poissons » !
Cette formulation est mensongère : la Directive Cadre Européenne impose le retour à un bon état écologique, la qualité de l’état écologique étant définie par des paramètres biologiques, hydrologiques et chimiques.
Concernant les polluants, l’objectif est de réduire, voire de supprimer le rejet de substances prioritaires (41 à ce jour).
Construire des passes à poissons spécifiques et onéreuses ne correspond en aucun cas à « une norme imposée par Bruxelles » ; c’est le choix de l’Agence de l’Eau.
Une telle fausse information, attribuée à l’Europe, est dangereuse car elle risque d’inciter les citoyens à vouloir en sortir.
Poissons fantômes !
Si l’anguille est bien présente dans nos cours d’eau, l’alose poisson de la famille de la sardine et du hareng a disparu depuis près de deux siècles et il ne semble pas qu’il y ait de preuves de la présence de la lamproie dans nos cours d’eau, les édits royaux n’y faisant pas référence.
L’anguille qui a pullulé dans nos cours d’eau avant le développement de la pollution, a démontré depuis longtemps sa capacité à franchir nos petits ouvrages Sarthois.
Le silure fait fi des ouvrages et se répand actuellement sur l’ensemble de nos cours d’eau. Les crues saisonnières permettent à tous les poissons de circuler d’un bassin à l’autre.
Par ailleurs, au niveau des moulins installés sur les rivières, il existe des canaux de décharge et/ou de dérivation que ne manquent pas d’emprunter les poissons qui y trouvent d’ailleurs refuge pour se reproduire.
La lamproie dont les tissus sont riches en lipides, fixe facilement les substances toxiques et serait probablement impropre à la consommation si elle se développait dans un milieu pollué.
Ni les objectifs espérés, ni la possibilité de subventions ne justifient de tels investissements
Dans l’article du Maine libre du 20 octobre 2013 intitulé « Trois millions pour les poissons », Mr Levasseur, agent du service hydraulique du Conseil Général, indique : « La plupart du temps, de simples échancrures pratiquées ou quelques vannes ouvertes suffiront à adapter les ouvrages aux exigences Européennes »
D’une part, cette technique d’abaissement des niveaux d’eau par effacement des barrages est en contradiction avec la Directive Cadre Européenne spécifiant qu’« il est nécessaire d’intégrer la protection et la gestion écologique viable des eaux dans les autres activités communautaires telles que l’énergie, la politique agricole, celle de la pêche, la politique régionale et celle du tourisme ».
D’autre part, le 21 mai 2013 à l’Assemblée Nationale, Madame Batho alors Ministre de l’Ecologie, interpellée par Madame Dubois Députée indiquait « Les projets de destruction des barrages devraient être instruits avec discernement mettant fin à la logique aveugle de la continuité écologique ».
Pour un bon usage des fonds
Les fonds en provenance de l’Agence de l’Eau, du Département, voire de l’Europe, sont des fonds abondés par les particuliers et les contribuables. Par conséquent, ils ne doivent pas être détournés des missions qui les justifient (assainissement, épuration, distribution, lutte contre les inondations …).
Les élus devront justifier devant leurs électeurs des investissements aberrants en regard des véritables besoins et enjeux économiques, énergétiques et patrimoniaux du département.
Aussi, ce type de communication publique sur un sujet sensible de la politique de l’eau devrait-il être réservé aux élus responsables de la politique de l’eau sans avoir besoin de se défausser sur l’Europe par des affirmations erronées. »