L’issue politique d’élections municipales aux allures de naufrage va peser dans des proportions insoupçonnées sur deux compartiments stratégiques de la gestion de l’eau. Les orientations générales des politiques publiques de l’eau, déjà très sévèrement mises à mal depuis un an, et les choix en matière de mode de gestion, arrêtés pour l’essentiel aujourd’hui au niveau intercommunal, échelon du mille feuille territorial qui va connaître un coup de barre à droite sans précédent, qui mettra mécaniquement à mal l’option de la gestion publique de l’eau.
Depuis un an, « cornerisé » dans l’attente d’une croissance introuvable (et qui ne reviendra jamais dans les formes connues antérieurement), le gouvernement a, par paliers, avec une accélération frénétique depuis la rentrée 2013, mis à bas des pans entiers de la construction législative et réglementaire édifiée depuis un demi siècle pour protéger l’environnement.
Une hubris mortifère qui donne le vertige, avec, au bas mot, une cinquantaine de décisions qui visent à donner pleine et entière satisfaction, et de plus en plus souvent avant même qu’ils l’aient demandé, à tous les lobbies offrant le spectacle d’une danse du scalp effrénée devant l’Elysée et Matignon, à qui administrations centrales et grands corps enjoignent de tout lâcher sans barguigner. Ce qui est fait avec une célérité époustouflante.
Concernant les politiques publiques de l’eau, après la pantalonnade de la Conférence environnementale, les lobbies qui font la pluie et le beau temps au Comité national de l’eau ont enterré toute velléité de réforme, et obtenu tout ce qu’ils voulaient, soit continuer comme avant, en pire. La situation, déjà désastreuse sur tous les plans, pollutions, irrigation, DCE, DERU, inondations, Ecophyto, captages, etc, etc, va dès lors continuer à se dégrader à vitesse grand V, puisque les clientèles traditionnelles de la droite à qui tout a été cédé : FNSEA, industriels, énergéticiens, grands élus « barons de l’eau », vont sous peu, effet boomerang des municipales, voir une vague (bleue) d’élus de droite truster, renouvellement post électoral oblige, tous les centres de décision de la politique de l’eau. La gauche gouvernementale ayant fait le sale boulot et liquidé les digues de la défense de l’environnement, la droite, ravie, va reprendre les commandes d’un bateau ivre, débarassée de toutes les contraintes qu’elle n’avait jamais osé faire sauter…
Deuxième effet boomerang, une nouvelle offensive à venir contre la gestion publique des compétences eau potable et assainissement par les collectivités locales.
Rapportées au nombre d’usagers desservis, et non à celui des services existants (plus de 36 000 avec l’ANC), ces compétences sont aujourd’hui exercées à hauteur de près de 80% par les syndicats de communes et intercommunalités pour l’eau potable et près de 50% pour l’assainissement.
Or syndicats et intercos vont être massivement repris en main par la droite, sous l’effet mécanique de la perte d’innombrables villes par la gauche de gouvernement.
La gestion intercommunale, à l’égal de celle des villes, s’est depuis fort longtemps, technicisée, dépolitisée, au point d’apparaître comme un hinterland a-politique, où le consensus obligatoire promeut des choix « techniques » qui sortent du champ de la délibération démocratique.
Dans la période les intercos vont concentrer tous les pouvoirs puisque ce sont elles qui vont battre monnaie, via la fiscalité locale, pour pallier (mission impossible), les désengagements de l’Etat, et la mise à la diète forcée des collectivités par le même Etat.
Etonnamment nul n’en parle. La semaine prochaine ?
Dans un article en date du 24 mars, notre consoeur de Mediapart, Enaïg Bredoux, écrit que :
« Les résultats du premier tour des municipales signent, sans surprise, le divorce d’une partie de l’électorat de gauche avec la politique du gouvernement. Une rupture progressive depuis deux ans, à laquelle l’exécutif veut répondre par plus de « justice sociale », tout en préparant 50 milliards d’euros d’économies. »
Avant de dessiner l’impasse sans laquelle se trouve l’exécutif :
« (…) Mais l’espace politique est étroit. Pour financer son « pacte de responsabilité », François Hollande a déjà annoncé 50 milliards d’économies. Les ministères sont en train de racler les fonds de tiroir et le choc, pour les ménages et les collectivités, sera forcément massif. « C’est digne des plans d’ajustement structurel du FMI », soupire un conseiller ministériel. Les mesures doivent être annoncées le 15 avril, en même temps que la France doit les présenter à Bruxelles. À moins de renverser la table, ce que l’Élysée se refuse d’envisager, les critères européens empêchent durablement le gouvernement de songer à des mesures de redistribution sociale. »
L’impact sur les collectivités locales va être ravageur. Massivement reprises en main par la droite, les intercos, déjà à la peine pour équilibrer leurs budgets, qui ont de plus en plus de mal à financer leurs emprunts pour construire une usine d’eau potable ou une STEP, parce que les banques, circonvenues par Veolia et Suez, rechignent à prêter, mais sont toutes disposées à financer des PPP, les intercos donc, vont être évidemment beaucoup plus enclines, sous l’égide de la droite, à céder aux sirènes des opérateurs privés leur assurant, contre toute évidence, qu’ils feront bien mieux le job qu’une régie, trop chère, pas capable, et qui ne peut être constituée parcequ’il « faudrait embaucher des fonctionnaires », et autres mensonges éhontés habituels…
Ceci sans rien dire des Métropoles, qui vont se révéler comme les tombeaux des ambitions de la gauche de gouvernement, qui a cru qu’en misant tout sur les QSP+ des espaces métropolitains, abandonnant le lumpen des banlieues et les déclassés du péri-urbain à leur triste sort, elle reconstituerait une clientèle « sociétale » new-look qui lui permettrait de persévérer dans son être, avec cette nouvelle mutation de ses bastions électoraux issus de la première décentralisation.
Y ajouter la théorie des dominos : les européennes en mai, les régionales en 2015, la perte inéluctable du Sénat, les législatives en 2017... Une majorité absolue qui ne tient plus qu’à deux sièges à l’Assemblée, ce qui explique les ronds de jambe à EELV...
De profundis.
commentaires
Ne pourrait-on pas demander un effort financier de la part de nos élus souvent cumulards
sur la remunicipalisation avortée, les technos des Finances avaient en plus tenté de freiner le "mouvement" : http://www.financespubliques.cgt.fr/IMG/pdf/gestion_des_services_publics_territoriaux.pdf