Imaginons une commune propriétaire riverain d’un cours d’eau. Elles sont des milliers. Comme la Gemapi qui lui a été collée sur le dos par le législateur a été dans le même mouvement transférée à l’EPCI-FP auquel elle appartient, notre commune est-elle délivrée de l’entretien dudit cours d’eau en sa qualité de propriétaire riverain ? En même temps, oui mais non, répond le ministère à un parlementaire. Nouvel exemple de l’accident industriel imposé aux collectivités par une haute administration acharnée à se débarrasser à toute force d’une compétence qui lui brûlait les doigts.
- La question écrite n° 07242 de M. Hervé Maurey (Eure - UC), publiée dans le JO Sénat du 18/10/2018 - page 5234 :
« M. Hervé Maurey attire l’attention de M. le Premier ministre sur l’entretien régulier du cours d’eau dont le propriétaire riverain est une commune.
Aux termes de l’article L. 214-15 du code de l’environnement, l’entretien régulier du cours d’eau revient en principe aux propriétaires riverains, qu’il s’agisse de l’État, d’une collectivité locale ou d’un particulier (réponse à la question écrite n°738, JO Sénat, 2 août 2018, p. 4037).
Ainsi, lorsque le propriétaire riverain d’un cours d’eau est une commune, il reviendrait à cette dernière de réaliser son entretien régulier.
Depuis le 1er janvier 2018, les missions d’entretien et d’aménagement des cours d’eau relèvent des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), l’attribution de cette compétence ne modifiant pas l’obligation d’entretien régulier qui incombe aux propriétaires riverains (article 59 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles).
Or, dans le même temps, les communes ont été contraintes de mettre à disposition des EPCI les biens nécessaires à l’exercice des missions d’entretien et d’aménagement des cours d’eau, aux termes de l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales.
Aussi, il souhaiterait savoir si une commune, propriétaire riverain d’un cours d’eau, est donc tenue à réaliser l’entretien régulier du cours d’eau et, si c’est le cas, comment cette obligation s’articule avec la mise à disposition des biens nécessaires à l’exercice des missions d’entretien et d’aménagement des cours d’eau. »
- La réponse du Ministère de la transition écologique et solidaire, publiée dans le JO Sénat du 06/12/2018 - page 6293 :
« L’entretien courant des cours d’eau ne fait pas partie de la GEMAPI à proprement parler, à défaut d’être expressément visé par les textes.
(Ca commence très fort ! C’est bien la peine d’organiser des milliards de colloques et séminaires pour expliquer aux élus qu’ils vont devoir s’occuper des rivières, et surtout cracher au bassinet ! Note Eaux glacées.)
« Il demeure à la charge des propriétaires, que ceux-ci soient des personnes publiques (autres que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en charge de la GEMAPI) ou des personnes privées.
Les interventions en la matière se limitent ainsi à la mise en œuvre de la procédure de déclaration d’intérêt général (DIG) prévue par l’article L. 211-7 du code de l’environnement (L. 151-36 à L. 151-40 du code rural), en cas d’intérêt général ou de carence des propriétaires des terrains riverains du cours d’eau.
S’agissant de l’effet du transfert intercommunal de la compétence GEMAPI sur les parcelles de propriété communale riveraines d’un cours d’eau, la doctrine sur les cours d’eau demeure inchangée.
Ainsi, leur entretien continue de relever de la responsabilité des propriétaires (que ces propriétaires soient des communes ou tout autre personne publique ou privée), l’EPCI à fiscalité propre (EPCI-FP) ne devant intervenir qu’en cas de carence des propriétaires (conformément à l’article L. 215-14 du code de l’environnement).
En effet, le propriétaire est toujours responsable de l’entretien courant du cours d’eau (libre écoulement des eaux) et de la préservation des milieux aquatiques situés sur ses terrains au titre du code de l’environnement (notamment l’article L. 215-2 du code de l’environnement), en contrepartie du droit d’usage de l’eau et du droit de pêche.
Le propriétaire est toujours responsable de la gestion de ses eaux de ruissellement au titre de la servitude naturelle d’écoulement des eaux instaurée par les articles 640 et 641 du code civil.
Autrement dit, les terrains relevant du domaine des communes demeurent leur propriété, sur laquelle les communes sont libres de réaliser les actions de leur choix (elles peuvent choisir de restaurer les milieux aquatiques, ou pas).
(On croit rêver ! Note Eaux Glacées.)
Il n’y a donc pas de mise à disposition des cours d’eau à l’EPCI-FP, mais seulement mise à disposition des moyens (humains et matériels) permettant d’intervenir en cas de carence d’un propriétaire.
Il faut également considérer que, s’agissant des 1°, 2°, 5° et 8° de l’article L. 211-7 du code de l’environnement, le transfert intercommunal de la compétence GEMAPI a pour objet de confier aux seuls EPCI-FP (au détriment de toute autre personne publique) la possibilité de « mettre en œuvre les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l’étude, l’exécution et l’exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d’intérêt général ou d’urgence, dans le cadre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, s’il existe, et visant [les items 1°, 2°, 5° et 8°] ».
Les autres personnes publiques visées au début de l’article L. 211-7 (« les collectivités territoriales et leurs groupements ») peuvent, quant à elles, continuer à mettre en œuvre la procédure de DIG pour les autres items (hors GEMAPI).
Ainsi, ce raisonnement doit être appliqué aux articles L. 1321-1 à L. 1321-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : dès lors, les moyens qui seraient mis à disposition des EPCI-FP, pour l’exercice de la compétence GEMAPI, seraient les seuls moyens humains et matériels pour réaliser la procédure administrative de la DIG et réaliser les travaux prévus par elle (et non les éléments « physiques » concernés, tels que les cours d’eau et les zones humides…).
En d’autres termes, il ne doit pas avoir de mise à disposition ou de transfert de propriété au profit des EPCI-FP des éléments physiques naturels (cours d’eau, plan d’eau, zones humides, etc.) et biens immeubles sur lesquels la gestion des milieux aquatiques pourrait s’exercer, puisque ces biens sont l’objet de l’exercice de cette compétence et non l’outil de cette compétence.
Le propriétaire (quel qu’il soit) reste donc le premier compétent pour les gérer.
Bien entendu, les ouvrages de lutte contre les inondations font pour leur part l’objet d’un régime spécifique : une mise à disposition de ces derniers est prévue sur le fondement de l’article L. 566 -12-1 du code de l’environnement. »