La Cour de cassation vient de décider par un arrêt du 23 octobre 2007 que la défense du mode d’exploitation d’un service public constitue un motif légitime permettant de recourir à la grève. Cette décision ouvre des perspectives inespérées à l’heure où le retour en gestion publique de l’eau et de l’assainissement suscite de fortes mobilisations partout en France. Hasard du calendrier, l’Institut de la gestion déléguée vient par ailleurs de rendre publiques une étude portant sur la situation des personnels lors d’un changement de mode de gestion.
Les fonctionnaires et agents contractuels qui travaillent pour le compte d’un service public jouissent du droit de grève reconnu à tout citoyen par la Constitution française.
Afin d’assurer la continuité du service public, le législateur a encadré strictement les modalités de la grève dans ce secteur. D’une part, l’article L.521-4 du Code du travail prohibe certaines formes de grèves comme les grèves tournantes, par roulement concerté ou par échelonnement successif.
D’autre part, l’article L.521-3 exige que la cessation concertée du travail soit précédée du dépôt, cinq jours francs auparavant, d’un préavis émanant d’une organisation syndicale représentative.
Ce préavis doit fixer le lieu, la date, l’heure du début de la grève ainsi que, le cas échéant, la durée de celle-ci et préciser le motif du recours à la grève.
Pour ce qui est de cette dernière condition, il est de jurisprudence constante que seules des revendications professionnelles peuvent légitimer le recours à la grève, à l’exclusion de toute revendication politique ou totalement étrangère à la relation de travail.
Mais dans son arrêt du 23 octobre 2007, (Cass.soc., 23 octobre 2007, n°06-17.802 ; articles L.521-2 et suivants du Code du travail), la Cour de cassation considère que la défense du mode d’exploitation d’un service public (régie ou DSP) constitue bien une revendication d’ordre professionnel.
Elle précise en outre que le fait que l’employeur n’ait pas juridiquement la capacité de satisfaire à ces revendications est sans incidence sur la légitimité du droit de grève.
Elle considère ainsi que les agents de la régie des transports de Marseille (EPIC) pouvaient légitimement faire grève pour protester contre la décision de la communauté urbaine de soumettre l’exploitation du futur tramway à la procédure de délégation de service public.
On attend avec impatience de voir fonctionnaires et contractuels se mobiliser par ce biais, aux côtés des citoyens qui se battent partout en France pour un retour à une gestion publique de l’eau et de l’assainissement…
La situation des personnels lors d’un changement de mode de gestion
Hasard du calendrier, le mercredi 7 novembre 2007, l’Institut de gestion déléguée rendait publiques, en présence de M. Jacques Pélissard, président de l’AMF, les conclusions des travaux d’un groupe de réflexion mis en place en juin 2005, et qui a planché depuis lors sur la "Situation des personnels à l’occasion d’un changement de mode de gestion d’un service public" (passage de la gestion directe à la gestion déléguée et réciproquement).
Présidé par M. Gilles Le Chatelier, conseiller d’État et directeur général des services de la région Rhône-Alpes, le groupe de travail était composé de 25 membres dont les deux rapporteurs : M. Antoine Lyon-Caen, professeur de droit de l’université Paris X, M. Gilles Letort, secrétaire du comité d’entreprise européen de la société Eiffage.
Lors de la présentation du rapport, M. Antoine Lyon-Caen insistait sur l’importance des règles d’information des agents lors du changement de mode de gestion (fixation de calendriers et de modalités pratiques de consultation) et sur le fait que, dans l’hypothèse du passage d’une gestion directe à une gestion déléguée, la position de détachement paraissant être la plus opérationnelle, il serait peut-être intéressant d’harmoniser les règles du détachement dans les trois fonctions publiques.
La question du transfert des personnels dans l’hypothèse inverse - passage d’une gestion déléguée à une gestion directe - a également été abordée.
En effet, lorsqu’il s’agit d’un service public administratif, la personne publique est tenue de proposer aux salariés de droit privé un contrat de droit public à durée déterminée ou indéterminée (1).
Il est nécessaire, selon l’IGD, de réfléchir sur les modalités pratiques de ce transfert et notamment sur le contenu du contrat de droit public proposé.
D’une manière générale, les autres propositions du groupe visent à améliorer l’information des représentants du personnel, faciliter la mobilité des fonctionnaires, garantir la situation des agents non titulaires en cas de délégation d’un service public, offrir des perspectives de carrière aux agents titulaires d’un CDI de droit public, préciser les règles juridiques applicables en cas de passage en gestion directe.
(1) Loi n° 2005-843, 26 juillet 2005.
Lire :
Le rapport « Situation des personnels et changement de mode de gestion d’un service public »
Une petite remarque de forme, le fond de l’article n’étant pas modifié par les changements de codification du Code du Travail : Les articles L.521-1 et suivants ont été abrogés le 12 mars 2007, remplacés par les articles L.2511-1, L.2512-1 et suivants.
L’entrée en vigueur de cette nouvelle partie Législative (à droits constants, parait-il) du Code étant prévue pour Janvier 2007, autant s’y habituer dès maintenant.
Cordialement,
Patrick