FR3 diffusera dans la nuit du lundi 18 au mardi 19 octobre 2010, à 0h10, heure par trop tardive, dans l’émission « La case de l’oncle Doc », un documentaire de 49 minutes que son auteur, Yves Entenich, aura mis près de cinq années à réaliser. L’occasion de comprendre, au fil d’un patient travail d’enquête, les enjeux cachés de la gestion de l’eau, publique ou privée, trop souvent réduits à des slogans par trop simplistes. L’occasion aussi, à côté des exemples de Paris, Lille et Barcelone, de revivre par le menu l’histoire de la remunicipalisation de l’eau à Neufchâteau dans les Vosges, initiée en 2001. Un cas exemplaire, récemment encore caricaturé, mais qu’un rapport de la Chambre régionale des comptes, publié en 2009, passé sous silence, restitue lui aussi loin des clichés…
« En 2001, Jacques Drapier, le maire de Neufchâteau, constate une surtaxe du prix de l’eau de ses administrés en même temps que le délabrement de son réseau de distribution et décide de rompre le contrat qui lie sa ville à la multinationale Veolia, en charge de la distribution de l’eau. Les habitants de Neufchâteau ne s’en plaignent pas car son initiative a fait diminuer leur facture d’eau d’une somme évaluée à près de 1000 euros par foyer, pour la période de 2001 à 2007...
« Cet exemple réussi de passage à une régie publique nous montre que le service public peut être plus performant qu’une multinationale et nous invite à prendre conscience des dangers qui nous guettent. Bien vital, l’eau peut-elle être traitée comme n’importe quel bien de consommation ?
« Est-il raisonnable de laisser à des entreprises à but lucratif la gestion de l’eau, son contrôle et sa facturation ? De Neufchâteau à Paris, en passant par Lille et Barcelone, une passionnante enquête nous initie au monde opaque de la gestion de l’eau et nous invite à agir, en tant que citoyens, pour la protection et le contrôle de la gestion de cet élément indispensable qui est notre bien commun. »
L’incipit de France 3 ne trahit pas le film d’une durée de 49 minutes d’Yves Entenich, produit par Real Productions, qui sera diffusé une première fois le samedi 16 octobre 2010 à 15h25 sur France 3 Lorraine et Bourgogne, avant une seconde diffusion le lundi 18 octobre 2010 à 0h10 sur France 3 national dans la « Case de l’Oncle Doc ».
Retour à Neufchâteau
Le film d’Yves Entenich évoque les longues années durant lesquelles l’ex-maire (PS) de Neufchâteau, Jacques Drapier, qui n’a pas été réélu lors des dernières municipales, a engagé avec son équipe et le soutien vite acquis des habitants de la ville, la furieuse bagarre qui l’aura opposé des années durant à Veolia.
Un rappel bienvenu car il y a quelques mois une campagne de presse orientée laissait accroire que la ville de Neufchâteau, dont le nouveau maire UMP a conservé la régie municipale mise en place par Jacques Drapier et son équipe, avait « perdu » le procés que lui avait intenté Veolia, après la rupture unilatérale du contrat liant la ville à l’entreprise…
En réalité il n’en était rien. Lors même que Veolia avait chiffré son « manque à gagner » à la somme phénoménale de 7 millions et demi d’euros, la Cour administrative d’Appel de Nancy, en sa grande sagesse, avait en fait jugé que la rupture unilatérale du contrat, qui a permis à la Ville d’économiser des millions d’euros, l’engageait à indemniser Veolia… à hauteur du préjudice réellement encouru, soit un montant de 1 287 567 euros, ce qui n’est pas du tout la même chose…
Comme le rappelait une dépêche de l’AFP en date du 21 juin 2010 :
« La commune de Neufchâteau (Vosges) a été condamnée par la cour administrative d’appel (CAA) de Nancy à verser près de 1,3 million d’euros à une filiale du groupe Veolia, après la résiliation en 2001 d’un contrat de gestion de l’eau, a-t-on appris lundi de la mairie.
« La CAA a condamné la ville à verser 1.287.567 euros à la Compagnie des eaux et de l’ozone (CEO), a indiqué à l’AFP le maire de Neufchâteau, Simon Leclerc (UMP), soit près de 600 000 euros de moins qu’en première instance.
"C’est plus d’un tiers de la somme en moins, à ce titre, cela nous satisfait", a indiqué le maire.
« En 2001, jugeant la gestion de la CEO "opaque", le maire de l’époque, Jacques Drapier (PS), avait rompu "unilatéralement" en 2001 les contrats d’affermage signés dans les années 1990 et qui liaient pour une période de trente ans la commune à la CEO pour la distribution et l’assainissement de l’eau, a expliqué Simon Leclerc.
« La CEO, qui réclamait initialement quelque 7,5 millions d’euros d’indemnisation à la commune pour la perte du marché, avait été déboutée de certaines de ses revendications financières lors d’une première audience devant le tribunal administratif en mai 2006.
« Depuis 2001, la distribution et l’assainissement des eaux sont assurés par une Régie autonome de l’eau et de l’assainissement de Neufchâteau (Réane). »
Un rapport éclairant de la Chambre régionale des comptes
On prendra par ailleurs connaissance avec intérêt du rapport d’observations définitives que la Chambre régionale des comptes de Lorraine adressait à la ville le 10 septembre 2009, et qui relate par le menu, tant les innombrables chausse-trappes opposés, non seulement par Veolia, mais hélas par l’administration et des élus voisins, à une remunicipalisation dont le bilan apparaît, sans équivoque, aujourd’hui encore, des plus positif…
Car ainsi que l’écrivait la CRC en conclusion de son rapport :
« La régie a financé sur une courte période d’importants investissements, notamment la construction du bâtiment abritant les services (344 800 € HT), la station d’épuration (3 635 200 € HT) et la station de traitement de l’eau (1 959 700 €) actuellement en cours.
« Elle a, de plus, indemnisé l’ancien délégataire à hauteur de 1 881 200 €. Si le service de l’assainissement peut supporter la part qui lui revient (19 %), en revanche celui de l’eau devra effectuer des arbitrages entre le prix de l’eau et les investissements à venir, sachant, notamment, que le taux de rendement du réseau de 75 % en 2007 serait à améliorer. Des incertitudes pèsent sur l’évolution du prix de l’eau, notamment en raison du poids de l’endettement.
« En ce qui concerne l’activité de la REANE, les différents rapports de contrôle
concluent à un bon fonctionnement des installations et l’analyse des comptes révèle une gestion bien maîtrisée. Les mesures d’entretien, de surveillance et de continuité du service sont organisées avec soin. A cet égard, les rapports annuels mériteraient, toutefois, d’être enrichis.
« En termes de personnel, la REANE devra préciser le régime indemnitaire de son personnel, la délibération de régularisation du 19 décembre 2007 n’étant pas complète, au regard des indemnités versées, et les conséquences juridiques de la création d’une régie en termes de rémunération du personnel n’étant pas prises en compte.
« Enfin, la REANE, disposant statutairement de la personnalité morale, devra rendre effective son autonomie par rapport à la ville de Neufchâteau, en précisant ses statuts pour ce qui concerne ses activités annexes, en fixant la rémunération du directeur et en validant ses propres procédures d’achat en cours d’adoption. »
Pour visionner le documentaire, cliquez sur ce lien. Arnaud.
http://lorraine-champagne-ardenne.france3.fr/emissions/documentaires/index.php?page=article&numsite=5555&id_rubrique=5561&id_article=16265