Commencée en 2008, la défense de la tête de bassin versant de Saint Gengoux le National, en Bourgogne, se retrouve au coeur d’une importante évolution en cours.
- Premier éveil en 2009 avec un document diffusé par le Ministère de l’Environnement :
– Le ruissellement urbain et les inondations soudaines
Le rapport pointe la responsabilité de l’aggravation du risque : "la rurbanisation des agglomérations et l’urbanisation des fonds de vallées" et la réduction des lits des ruisseaux, voire leur destruction, comme à Saint Gengoux le National.
- En 2012, l’ONEMA publie :
par Rémi Nguyen Van.
Cette excellente étude souligne d’emblée que "la grande majorité des politiques de l’eau omettent cependant un élément essentiel du réseau hydrographique, les têtes de bassin versant. Ces petits cours d’eau à l’amont des bassins versant représentent pourtant entre 60 et 80% du linéaire total (...). Cette omission est particulièrement motivée par le manque de connaissance sur ces milieux.
Alors qu’il est supposé que ces espaces ont été intensément dégradés depuis le début des années cinquante, l’inexistence d’état des lieux et l’inadaptation des protocoles existants à leurs petits gabarits contribuent fortement à un immobilisme latent. L’ignorance ne pouvant se justifier à elle-même, des études au niveau national commencent progressivement à voir le jour sur les têtes de bassin versant. Actuellement, les gestionnaires s’interrogent sur la meilleure manière d’appréhender, de gérer et de connaître ces milieux. Cette étude s’interroge sur le rôle et l’état des têtes de bassin, la manière d’améliorer la connaissance de ces milieux et les meilleurs moyens de les gérer. (...)"
Tout y est, y compris le problème de la dégradation cartographique que l’on observe aussi à Saint Gengoux le National : " (...) il existe de nombreuses eaux de surface qui ne sont pas prises en compte par les politiques de l’eau (...) La FDPPMA 56 lors d’inventaires de cours d’eau a également trouvé (que sur un bassin) près de 37% des cours d’eau sont manquant, ces chiffres vont jusqu’à 50% sur certains bassins. Plus tard, Le Bihan (2009) pousse son analyse plus loin en effectuant des tests expérimentaux sur certaines zones. Il met ainsi en évidence que dans le cas analysé, près de la commune de Bermering (57), il existe des différences de tracés à la fois entre les cartes IGN de 2006 et les orthophotos de 2006 et entre les cartes IGN de 2006 et celles de 1950 (Le Bihan, 2009).
Il souligne l’intérêt des anciens référentiels cartographiques et d’une manière plus générale des documents de mémoire, qui montrent en l’occurrence la disparition de 86,7% du réseau hydrographique. (...) "
- En novembre 2014, actualisation du
Plan submersions rapides
" Le PSR s’articule en quatre axes : maîtrise de l’urbanisation et adaptation du bâti existant ; amélioration de la connaissance des aléas et des systèmes de surveillance ou de prévision, de vigilance et d’alerte ; fiabilité des ouvrages et des systèmes de protection ; amélioration de la résilience des populations. Il s’appuie sur 71 actions thématiques et 9 actions structurantes, dont plusieurs sont déjà réalisées, telle que la mise en place par Météo-France du volet « Vigilance Vague Submersion » de la vigilance météorologique et du service d’avertissement sur les pluies intenses (APIC) à l’échelle des communes, le référentiel technique de la construction en zone inondable, l’intégration des axes d’évacuation dans les plans communaux de sauvegarde.
Le PSR est doté par l’État, sur 6 ans, d’une enveloppe de subvention de 500 M€ provenant essentiellement du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, auxquels s’ajoutent les financements des collectivités territoriales. Il doit notamment permettre de conforter 1 200 kilomètres de digues. Ces financements s’articulent avec ceux des programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI), programmes globaux mobilisant à l’échelle d’un bassin de risque l’ensemble des outils de prévention des risques d’inondation, que l’Etat s’est engagé à aider à hauteur de 350 M€ sur la même période."
Très logiquement, on y lit : "La maîtrise de l’urbanisation dans les zones à fort risque, et en particulier l’arrêt de l’ouverture à l’urbanisation de zones basses aujourd’hui non urbanisées, est à poser comme un des fondamentaux du plan. (...)"
- En janvier 2015, le CEPRI (Centre Européen de Prévention du Risque d’Inondation) publie un guide pour stimuler la prise en compte des inondations par ruissellement (inondations soudaines, éclair, etc.) :
« Gérer les inondations par ruissellement pluvial »
Inondations caractéristiques des petites têtes de bassin versant, comme à Saint Gengoux le National par deux fois classé en "état de catastrophe naturelle" pour "coulées de boue" (82 et 83).
A ne pas confondre avec les débordements des réseaux ! Mais aussi, à distinguer des crues soudaines, voire torrentielles (crues éclair) : "Il n’est cependant pas rare qu’un même territoire soit touché en même temps par les deux types d’inondation (...), ce qui rend difficile la catégorisation des événements ainsi causés et l’évaluation de la part de chacun des phénomènes dans les dommages subis."
Il y est souligné que "L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des précipitations, liée au changement climatique, envisagée par certains experts, pourrait à l’avenir accroître encore ce risque sur certaines parties du territoire français."
- En mars 2015, l’Onema, l’OIEau et le ministère en charge de l’écologie organisent le colloque :
Têtes de bassin : comment concilier les enjeux sur ces territoires hors du commun ?
En France métropolitaine, les têtes de bassin versant appelées aussi petits chevelus occupent un rôle primordial dans le fonctionnement du cycle de l’eau et représentent près de 70% du linéaire de cours d’eau. Les cours d’eau et les zones humides qui constituent ce réseau participent à l’approvisionnement en eau et à la régulation des crues, au transport et la rétention des sédiments, à l’épuration de l’eau et sont de véritables réservoirs de biodiversité. Le rôle primordial de ces milieux est actuellement peu évalué voir ignoré par notre société.
Les têtes de bassin sont des espaces d’une grande diversité paysagère et ont été, bien souvent, modelés par la main de l’Homme au fil du temps. L’évolution actuelle des activités humaines et des changements globaux peuvent altérer le fonctionnement de ces milieux. Du fait de leur petit gabarit les cours d’eau en tête de bassin sont fortement influencés par les conditions locales (géologie, relief, climat …). Ces milieux sont donc particulièrement vulnérables. De mauvaises pratiques peuvent ainsi entraîner leurs dégradations et la perte de fonctions et services pour la société.
L’aménagement des têtes de bassin de plaine résultent principalement de l’expansion urbaine et l’intensification de l’agriculture. D’autres usages économiques tels que la forêt sont également présents. Sur les secteurs de montagne, la déprise agricole a entraîné progressivement la fermeture des milieux ainsi que la diminution de la qualité de l’eau et de la biodiversité.
Sur ces territoires présentant d’importants enjeux environnementaux et économiques, il n’est pas toujours facile pour les gestionnaires et usagers, les syndicats de rivières, les collectivités, les associations… d’articuler les différentes politiques et directives européennes que sont la politique agricole commune, la directive cadre sur l’eau, la directive habitat, la directive inondation, voire la directive énergie.
L’objectif du colloque est donc de :
– permettre de mieux comprendre les enjeux et le fonctionnement des cours d’eau et des zones humides des têtes de bassin versant ;
– connaître des projets territoriaux de gestion et de restauration de ces milieux, conciliant préservation de l’eau, de la biodiversité et des activités économiques ;
– réussir à concilier les obligations réglementaires européennes et nationales.
A l’heure des changements globaux, il est primordial de communiquer, d’échanger nos points de vue et nos expériences afin de préserver, gérer et restaurer les cours d’eau et zones humides de ces territoires.
Le devenir de la tête de bassin versant de Saint Gengoux le National témoignera de la traduction dans les faits de l’évolution législative et des volontés politiques affichées.