Pendant que les gazettes, chloroformées par la « com » de Jean-Louis « Houdini » Borloo, l’homme qui ordonnait de projeter « Home » dans les préfectures à la veille des élections européennes, s’extasient sur l’adoption consensuelle du « Grenelle », en coulisses les grandes manœuvres s’accélèrent afin d’engager la privatisation à marches forcées de l’énergie hydraulique et des barrages français.
Les 399 grands barrages français enregistrant une puissance supérieure à 4,5 mégawatts – aujourd’hui exploités à 80 % par EDF et à 20 % par GDF-Suez, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydro-électrique du Midi (SHEM), autres filiales de Suez, – vont-ils pour partie se retrouver entre les mains d’opérateurs européens dans les prochains mois ?
L’hypothèse mettrait un terme à une saga née à la fin du XIXème siècle, qui participait pourtant pleinement de l’historiographie nationale chère à M. Guaino…
Mais l’horloge tourne : plus que quelques semaines avant que cet automne soient ouverts les appels à candidature pour l’ouverture à la concurrence des grands ouvrages hydroélectriques en concession, fleuron patrimonial d’EDF. Et remise des offres en 2010.
Une perspective qui a déjà suscité des remous…
Etrangement, ce véritable tremblement de terre a pourtant pudiquement été passé sous silence quand M. Gadonneix a déclenché une furieuse bronca en annonçant il y a peu qu’EDF souhaitait augmenter ses tarifs de 20% dès les prochaines années…
Le marché est alléchant. Le bas coût de production d’électricité dans les centrales électriques et barrages permet en effet, les investissements (publics !) étant amortis depuis des lustres, de dégager des marges considérables. Par ailleurs l’activité permet une souplesse intéressante lors des pics de consommation, dix minutes suffisant à mobiliser les capacités d’EDF.
Reste que l’affaire fait du bruit dans le Landerneau : le niveau de redevance applicable aux concessions fait débat puisque le projet de loi Grenelle a déplafonné le montant de cette redevance, provoquant la colère des opérateurs français…
Un « partenariat-public-privé » pour Voies Navigables de France, avant liquidation ?
Pour ne rien arranger, au prétexte que Voies Navigables de France s’avouait dans l’incapacité de rénover une trentaine de barrages en mauvais état dont elle a la charge, Bercy vient benoîtement de l’engager à conclure un PPP pour y pourvoir… Une idée lumineuse que mentionnait le « Plan de relance » de M. Devedjian, mais qui était passée un peu inapercue, occultée par le débat sur le Canal Seine-Nord-Europe.
C’est la Mission d’appui à la réalisation de partenariats publics privés (Mappp), bras armé de Bercy qui a convolé depuis peu en justes noces avec l’Institut de la gestion déléguée (IGD), qui a délivré à Voies Navigables de France un avis favorable pour la réhabilitation de 6 barrages sur l’Aisne et 23 sur la Meuse, en ayant recours à un PPP, relatif à la reconstruction, l’entretien et l’exploitation de ces 29 barrages.
Les barrages en question sont manœuvrés à la main. Datant de la fin du 19ème siècle, ils sont certes pénibles et dangereux à faire fonctionner.
Ne pouvant les moderniser, VNF a donc décidé de les reconstruire.
Pour justifier son avis favorable (au PPP), la Mappp indique qu’elle a retenu la « complexité du projet ».
Histoire sans doute d’être dans les clous de la pointilleuse jurisprudence du Conseil d’Etat, qui a déjà douché l’enthousiasme des zélateurs de l’ordonnance des nouveaux « Contrats de partenariat » de 2004.
En comparaison d’une maîtrise d’ouvrage publique pour la conception et la construction, associée à une exploitation et une maintenance assurées par VNF en régie, la Mappp estime que le recours à un contrat de partenariat présente l’avantage de « standardiser les ouvrages ».
Ce qui garantirait une « réduction des délais de construction et l’optimisation des coûts de réalisation et de maintenance ».
Ben voyons !
Le contrat devrait s’étaler sur une période de trente ans.
Comme annoncé dès l’origine du projet par M. Thierry Duclaux, dirigeant de VNF, les candidats devront étudier l’intégration éventuelle de microcentrales hydroélectriques aux barrages. Une solution qui ne sera retenue que si elle permet d’optimiser le coût de l’ensemble du projet.
En termes de calendrier, l’établissement public indique qu’il « va poursuivre la procédure de contrat de partenariat et définir l’ensemble des pièces nécessaires au lancement de la procédure, prévu début 2010 ».
VNF n’avait guère le choix.
Interrogé par le Figaro du 7 juillet 2009 sur la « réduction du train de vie de l’Etat », le ministre du Budget, M. Eric Woerth (alias M. RGPP), a annoncé son intention de supprimer des organismes parapublics, et confirmé qu’un certain nombre d’entre eux, dont VNF, étaient d’ores et déjà sous audit.
"Il existe 655 "opérateurs", qui représentent 292 000 emplois et 28 milliards de crédits budgétaires. Nous allons continuer à en supprimer." 20 audits ont été lancés, a ajouté le ministre, "parmi les plus gros, comme les Voies Navigables de France (VNF), l’Etablissement français du sang ou l’Agence française de développement (AFD)".
On devine la suite.
Et nous aurons l’occasion de reparler de l’AFD, surtout maintenant que nous savons que Marseille accueillera le 6ème Forum mondial de l’eau en mars 2012…