Plus d’une cinquantaine de retours en gestion directe de l’eau et/ou de l’assainissement ont été enregistrés en France ces dernières années et tout laisse à croire que ce mouvement va s’intensifier. L’expérience témoigne qu’un certain nombre de conditions doivent être remplies afin que la volonté, souvent minoritaire, de promouvoir le retour en régie finisse par susciter une forte adhésion. Au premier rang de ces conditions, la maîtrise du temps. Il faut s’y prendre de 3 à 5 ans à l’avance pour mettre le maximum de chances de son côté.
Etablir un argumentaire qui décrit le contexte.
Une situation de monopole.
Le service public de l’eau et de l’assainissement qui était assuré en France jusque dans les années 1950 à hauteur de 70% par des régies publiques communales a peu à peu été "confisqué" par trois grandes entreprises, Vivendi, Suez et Saur. Elles détiennent aujourd’hui 80% du "marché" de l’eau potable et plus de 55% de celui de l’assainissement. Et sont devenues les leaders mondiaux du secteur.
De graves dérives.
Cette appropriation d’un service public essentiel a donné lieu à d’innombrables dérives, qui pénalisent gravement l’usager et le citoyen. Quand un service d’eau ou d’assainissement est confié par une collectivité à une entreprise privée, celle-ci facture par exemple en moyenne ses services 30% plus cher qu’une régie publique.
Des menaces environnementales et sanitaires.
Aujourd’hui les ressources en eau sont aussi de plus en plus polluées. [L’eau potable va donc coûter de plus en plus cher]. On prévoit ainsi qu’une centaine de milliards d’euros vont devoir être investis dans les 10 prochaines années pour lutter contre les conséquences des pollutions d’origine agricole et industrielle, sans pour autant s’attaquer à leur source. Des sommes considérables qui seront essentiellement payées par l’usager et le contribuable.
Mais cette situation n’est pas irréversible : on peut déplacer les lieux de captage, et surtout les protéger, comme l’exige la loi. L’eau ainsi produite sera moins chère que si l’on se borne à traiter les conséquences de la pollution.
Un inquiétant déficit démocratique.
Opacité, faillite des politiques publiques, abus financiers, pollution croissante, risques sanitaires : le service public de l’eau est de plus en plus menacé. Dans les formes actuelles de la délégation d’un service public à des entreprises privées, des pans entiers de la gestion comptable échappent ainsi au contrôle des usagers, comme le souligne régulièrement la Cour et les Chambres régionales des comptes.
Mobilisation citoyenne.
Partout en France des citoyens, des usagers et des collectivités se mobilisent pour défendre et se réapproprier le service public de l’eau. La question de la gestion publique de l’eau est désormais un véritable phénomène de société.
Analyser les effets de la délégation de service public.
La durée des contrats de délégation du service public de l’eau à des entreprises privées favorise les abus de position dominante de ces entreprises. Cette situation est aggravée par l’impossibilité de mise en concurrence directe réelle des postulants car il n’existe très souvent que trois candidats possibles (Vivendi, Suez, Saur). Exactement 3,4 candidats et 2,1 offres, selon une étude datant de l’année 2000 et portant sur 220 renégociations de contrats. On constate aussi qu’existent des ententes sous la forme de filiales communes à ces groupes, qui limitent encore le champ de la concurrence.
Un grand nombre des contrats actuellement en cours ont été établis pour 20, 25 ou 30 ans, et parfois davantage encore. Chaque nouvelle équipe d’élus "hérite" donc du contrat en cours, sans pouvoir ou vouloir le remettre en cause. Il est extrêmement rare qu’une équipe municipale décide d’y mettre fin avant son terme, ce qu’elle pourrait pourtant faire lorsque des abus flagrants sont constatés.
Ce qui s’avère très fréquent puisque le prix négocié au début de mandat "explose" littéralement après deux mandats en moyenne, par le biais d’une formule de réévaluation des tarifs pour le moins absconse. De même pour les rachats de dettes, emprunts déguisés, dont le TEG explose au delà de la visibilité moyenne de l’élu (5 à 10 ans).
Or il est possible de rompre unilatéralement un contrat léonin. Les pénalités dues à l’entreprise privée étant évaluées sur la base des profits qu’elle prévoyait de réaliser, du jour de son annulation jusqu’à son terme prévu, le calcul de ces indemnités mettra d’ailleurs à jour les profits abusifs de l’entreprise. Ce qui peut la conduire à abandonner certaines de ses prétentions.
Exiger une étude exhaustive des dysfonctionnements qui mettent en lumière les éventuels abus de l’entreprise privée contraint donc les élus co-signataires du contrat incriminé à le réviser ou à le rompre, sous peine de se faire les complices d’abus perpétrés au détriment de l’usager.
Il faut aussi savoir que, lors d’un renouvellement de contrat, même si la loi "Sapin" impose de lancer un appel d’offres pour ensuite désigner l’entreprise qui poursuivra l’exploitation du contrat - alors qu’on aura auparavant écarté la régie directe en catimini, sans débat ni consultation des administrés -, la réglementation des marchés publics ne s’applique pas aux contrats de délégation d’eau et d’assainissement. Ce qui signifie que le gagnant ne sera pas forcément celui qui a fait la meilleure offre, mais celui qui inspire le plus de confiance ou qui plaît le mieux à la commission. C’est le principe de "l’intuiti personae".
Tout se joue donc dans la première phase : celle du choix entre l’exploitation du service en régie publique, ou la délégation à une entreprise privée. Des études préalables doivent donc permettre d’apprécier clairement les avantages et inconvénients des deux formules. Ces études sont obligatoires. Leur absence dans le dossier présenté aux élus participant au vote qui décidera de ce choix, comme dans celui présenté à la Commission consultative des services publics locaux (quand elle existe), entraînant l’annulation de la décision.
L’absence de transparence
Aussi bien dans le cas de "l’affermage" que dans celui de la "concession", les documents comptables présentés à la collectivité et aux usagers ne permettent pas de connaître la rémunération de l’entreprise privée. Ils ne permettent donc pas non plus de connaître le coût réel de l’eau. L’usager et les élus sont dès lors dans l’impossibilité de comparer le coût de la gestion déléguée de leur service des eaux, et donc le prix de l’eau, à ce qu’il serait en gestion directe (une gestion "publique" dans un cadre communal ou intercommunal). Une situation trop fréquente, qui ne devrait plus être acceptée.
Ce manque de transparence de la gestion apparaît souvent lorsqu’on essaie d’obtenir un minimum d’explications de la part du président de la collectivité (commune, syndicat ou groupement de communes) qui gère le service. Si l’on demande par exemple à consulter des documents administratifs (textes des contrats, compte rendu technique et financier du délégataire... ) il n’est pas rare de s’entendre répondre par la négative, au motif que "ce ne serait pas légal".
Or cela est faux. Tous les documents administratifs sont communicables au public. En cas de refus définitif les documents doivent être réclamés, sous forme d’une mise en demeure adressée à la collectivité par voie de lettre recommandée avec accusé de réception. Sans réponse dans un délai légal de 2 mois, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pourra être saisie. Elle se chargera de se procurer, puis de transmettre les documents au demandeur.
Parmi les dysfonctionnements et abus de toutes sortes dont sont coutumières les entreprises privées, épinglés par les Chambres régionales des comptes et les Tribunaux administratifs et d’instance, on rencontre très souvent ceux relatifs aux coûts des renouvellements des installations et réseaux, fréquemment appelés "garantie de renouvellement", le coût exorbitant de l’exploitation des compteurs, celui des travaux exclusifs exécutés par l’entreprises sans mise en concurrence, les facturations de "frais de siège" sans justificatif..., et nombre d’autres abus liés à l’imagination sans limite des entreprises lorsqu’il s’agit d’augmenter abusivement les charges d’exploitation, et de diminuer d’autant le résultat du compte d’exploitation. Ni l’Etat ni les usagers n’y retrouvent leur compte.
Ajoutons un échelon important dans l’opacité : celui des cabinets d’audit, réputés "indépendants", auxquels font appel les collectivités qui souffrent d’un déficit d’expertise. Peu nombreux ils témoignent trop souvent, comme le soulignent de nombreux élus, d’une fâcheuse complaisance à l’égard des entreprises privées délégataires, qui ont depuis belle date imposé leurs normes à l’ensemble du secteur... Dans le même ordre d’idée, les services déconcentrés de l’Etat (les DDAF conseillent aujourd’hui près de 60% des collectivités délégantes) se montrent souvent peu critiques ou peu disponibles pour aider les municipalités à se faire leur propre opinion.
La "garantie de renouvellement" mérite spécialement que l’on s’y arrête. Ce poste permet en effet de facturer un montant de travaux calculé comme une prime d’assurance, et de ce fait bien supérieur au prix réel des travaux effectifs correspondants. Ce qui aurait du relever d’un compte de provisions pour travaux de renouvellement, et dont l’excédent éventuel aurait, de ce fait, été réintégré chaque année dans la comptabilité, est alors encaissé définitivement par les entreprises, sans contrepartie. Suivant la pratique des assureurs qui ne reversent jamais la différence entre les primes qu’il perçoivent et les remboursements de sinistres auxquels ils font face. Les sommes qui ont été ainsi prélevées sur les usagers sont considérables. Des centaines de millions d’euros chaque année à l’échelle nationale. Leur récupération devrait donc être une préoccupation constante pour les élus locaux et nationaux.
Il existe une bibliographie abondante de ces dysfonctionnements, disponible notamment auprès des Chambres régionales des comptes, et accessible par le biais de leur site Internet. On peut aussi consulter le rapport de la Cour des comptes publié en 1997, et se procurer pour un coût très modique auprès de la Documentation Française de nombreux rapports parlementaires consacrés à la gestion des services d’eau et d’assainissement.
Site de la Cour et des Chambres régionales des comptes :
http://www.ccomptes.fr/recherche/recherche.htm
La responsabilité des élus
De quelque côté que l’on prenne le problème, la faute originelle a souvent été commise par des élus qui ont signé des contrats léonins, et s’entêtent à ne pas vouloir se rendre à l’évidence : nombre de gestions déléguées à des entreprises privées pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires afin de récupérer de l’argent "évaporé" au détriment des usagers.
Mais, en application de la loi "Sapin" de 1993, environ 700 contrats d’eau et d’assainissement parviennent désormais à expiration chaque année. La période est donc propice à une mobilisation accrue des citoyens et usagers des services publics de l’eau et de l’assainissement.
L’obtention de documents
Il est relativement aisé de connaître le mode de gestion d’un service d’eau et/ou d’assainissement. Ainsi que le "fermier", si le service est délégué à une entreprise privée, le mode de regroupement et sa constitution. Ces renseignements sont portés sur la facture d’eau. On peut aussi obtenir de plus amples précisions, pour toutes les communes de France, en consultant le site internet de l’agence de l’eau de la région. Chacune des 6 agences de l’eau dispose en effet d’un tableau départemental des services d’eau et d’assainissement.
Agences de l’eau :
Agence de l’eau Adour-Garonne,
90, rue du Férétra
31078 Toulouse Cedex 04
tél : 05 61 36 37 38
http://www.eau-adour-garonne.fr
Agence de l’eau Artois-Picardie,
Centre tertiaire de l’Arsenal
200, rue Marceline
BP 818, 59508 Douai Cedex
tél : 03 27 99 90 00
http://www.eau-artois-picardie.fr
Agence de l’eau Loire-Bretagne,
Avenue de Buffon
BP 6339
45063 Orléans cedex 02
tél. : 02 38 51 73 73
http://www.eau-loire-bretagne.fr
Agence de l’eau Rhin-Meuse,
Route de Lessy - Rozérieulles
BP 30019
57161 Moulin-les-Metz Cedex
tél. : 03 87 34 47 00
http://www.eau-rhin-meuse.fr
Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse,
2-4, allée de Lodz
69363 Lyon Cedex 07
tél : 04 72 71 26 00
http://www.eau-rhone-mediterranee-corse.environnement.gouv.fr
Agence de l’eau Seine-Normandie,
51, rue Salvador Allende
92097 Nanterre Cedex
tél. : 01 41 20 16 00
http://www.aesn.fr
Pour les contrats, il faudra s’ adresser à chaque collectivité qui a la compétence de la gestion du service public de l’eau et de l’assainissement pour la ville concernée. On peut lui demander communication du Rapport du président aux élus sur la qualité et le prix des services (dit Rapport Barnier). Ou/et mieux, le rapport technique et financier du délégataire avec son Compte d’exploitation pour l’exercice écoulé. Ainsi que les budgets annexes de l’eau et de l’assainissement et les comptes administratifs correspondants.
Tout ceci, bien sur, par écrit, par voie de courrier recommandé avec A.R.
Il est important à ce stade de savoir que la collectivité doit avoir décidé de tout ce qui a trait à ces services par délibération, entérinée par un vote formel. Le prix de l’eau et de l’assainissement doit donc être justifié.
La communication de ces documents ne peut pas être refusée. Mais elle peut être facturée au maximum 0.18 euro la photocopie (Voir site de la CADA : Commission d’accès aux documents administratifs qui dépend du Premier ministre).
Les DDAF peuvent aussi fournir les prix pratiqués par chaque collectivité, hors redevances diverses qui peuvent varier d’une commune à l’autre suivant de savants et très complexes calculs.
Le droit à l’information
Une éventuelle décision de non publication de données ou rapports concernant les services d’eau et d’assainissement, notamment pour cause de protection du secret industriel et commercial, serait infondée. A Lyon par exemple, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), saisie par une association d’usagers, a conseillé à la Courly (Communauté urbaine de Lyon), la communication des documents administratifs concernant l’eau et l’assainissement suivants :
– le fichier des garanties de renouvellement,
– le fichier des amortissements des investissements,
– le rapport des commissaires au comptes,
– le fichier des travaux d’entretien détenu par l’entreprise délégataire,
– le fichier des travaux exclusifs, uniquement détenus par l’entreprise,
– le fichier des travaux de renouvellement et des investissements effectués sur le budget annexe.
Ceci au motif, selon la CADA, que : "L’ensemble de ces documents revêt le caractère de documents administratifs, au sens de la loi du 17 juillet 1978 modifiée par celle du 12 avril 2000."
Elle ajoute : ... "sans que l’on puisse opposer à ce droit à communication le secret en matière industrielle et commerciale, compte tenu du coût du service public qu’ils reflètent."
Les modalités de renégociation des contrats
Les associations de consommateurs d’eau, dont 120 sont aujourd’hui réunies au sein de la CACE (Coordination des Associations de Consommateurs d’Eau : www.seaus.org), ont une expérience en la matière.
La renégociation, au bénéfice de l’usager, en cours de contrat, est extrêmement difficile, voire impossible. Or le prix de l’eau est fixé le jour de la signature du contrat, et pour toute sa durée, via une formule de révision. Pour les contrats les plus longs ces révisions, notamment "quinquennales", peuvent avoir été prévues pour tenir compte des dérives possibles, elles-mêmes souvent dues à l’imperfection de la formule de révision choisie. L’issue des discussions demeure donc incertaine. Elles se traduisent souvent par un compromis défavorable aux usagers. Soit une baisse minime des tarifs, qui ne mettra pas un terme à des abus manifestes. En fait les élus manquent le plus souvent de la volonté politique d’aller à la rupture. Lors même qu’ils peuvent dans ce cas obtenir le soutien de leurs administrés, comme en témoignent plusieurs expériences ces dernières années.
En général, la question se pose donc de la manière suivante :
– Une commune, un groupement de communes, un syndicat (Sivom, Sivu) se trouvent "prisonniers" d’un contrat de délégation de service public à caractère fortement léonin, pour de multiples raisons souvent liées, soit à l’incompétence, soit à la complaisance des élus envers l’entreprise délégataire. L’exploitation a donc des conséquences néfastes pour les usagers. D’autant que souvent l’entreprise, ne respectant pas les conditions du contrat pourtant léonin, aggrave encore ces conséquences néfastes. Les usagers et leurs associations veulent donc inverser la situation. Que peuvent-ils faire ?
– Tenter de convaincre leurs élus que cet état de fait ne peut durer plus longtemps. Souvent plus facile à dire et écrire qu’à faire. Car les élus qui ont signé ce contrat rechignent souvent à se déjuger, ou à déjuger leurs prédécesseurs. La confrontation tourne donc parfois au rapport de force entre les élus et leurs électeurs.
Comment agir
– Préalable majeur : être conscient que l’action ne portera ses fruits que dans la durée (jusqu’à 10 ou 15 ans parfois). Se constituer en association d’usagers apparaît donc indispensable. Il conviendra aussi de veiller à ce que l’objet social de l’association englobe bien le champ, très vaste, de toutes les actions qu’elle sera conduite à mener, notamment en justice.
Les Commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL), créées par une loi de 1992 ont un grand rôle à jouer. A l’origine elles devaient être créées dans toutes les villes de plus de 3500 habitants. Un seuil qui a été ultérieurement porté à 10 000 habitants.
Il est primordial de tout faire pour en obtenir la création, même dans les villes de moins de 10 000 habitants. Car si leur création est obligatoire à partir de ce seuil, rien n’interdit de les créer aussi dans une ville de moins de 10 000 habitants. L’existence d’une CCSPL facilite en effet grandement l’obtention des informations et des documents relatifs à la gestion du service public de l’eau et de l’assainissement.
En fait la loi qui a modifié le seuil au delà duquel la création d’une CCSPL devient obligatoire fait donc passer de 3186 (nombre de villes de plus de 3 000 habitants) à 957 (nombre de villes de plus de 10 000 habitants) le nombre de CCSPL dont la création s’impose désormais. Si les commissions peuvent évidemment être créées même en deçà du seuil de 10 000 habitants, dans n’importe quelle commune, il sera donc malaisé, voire impossible, d’en réclamer formellement la création dans de très nombreux cas.
Cependant il convient de relativiser. Nombre de CCSPL concernant des villes de moins de 10 000 habitants vont en fait être créées, notamment quand ces villes (de moins de 10 000 habitants), sont regroupées en intercommunalité avec des villes de plus de 10 000 habitants, voire de plus de 50 000 habitants. Dans ce cas de figure, il reste bien évidemment à s’assurer au préalable que les services publics de la distribution de l’eau et de l’assainissement ont formellement été transférés, à l’égal d’autres compétences, à l’intercommunalité...
– Etudier le contrat pour établir la preuve de son caractère léonin (notamment sa durée). Pour cela demander communication du contrat à la collectivité : commune, groupement de commune, syndicat,
– Etudier, ligne à ligne, la gestion des services en demandant communication des "rapports techniques et financiers des délégataires" et du rapport dit "Barnier", ainsi que "le rapport du président aux élus sur le prix et la qualité du service",
– Etudier, ligne à ligne, les rapports des Chambres Régionales des Comptes ou des experts-auditeurs commandités par la collectivité, s’ils existent, sur la qualité de la gestion des services de l’eau et de l’assainissement en question,
– Se procurer des statistiques, répondant au fait que l’eau est trop chère localement, auprès de l’agence de l’eau, ou directement auprès de collectivités voisines qui gérent directement en régie publique leur service de l’eau,
– Demander une rencontre officielle avec les élus sur le contenu de ces rapports,
– Rendre publiques vos conclusions de manière à engager l’épreuve de force,
– Au passage, contrôler la légalité des contrats car un contrat, même léonin, peut-être légal. Et donc difficile à annuler, alors qu’un contrat ne respectant pas les conditions de légalité peut être plus facilement annulé,
– La légalité se fonde sur le respect des procédures : légalité des débats des assemblées délibérantes, affichages, composition des dites assemblées et commissions des marchés... Les délibérations doivent bien avoir eu lieu avant la signature des contrats, etc.
Dès le départ doivent être pris en compte les paramètres suivants.
Le contrat arrive à échéance dans un délai de 3 à 5 ans
Il convient alors de surveiller l’attitude de la collectivité qui sera obligée (loi Sapin) de lancer une procédure d’appel d’offre pour renouveler le contrat, ou voter le retour à la régie directe (la meilleure solution pour les usagers). Et c’est à ce moment que le rapport de force doit être au paroxysme. La rupture du contrat est légale donc sans pénalité. C’est le moment idéal.
Bien mesurer toutefois que le retour en régie nécessite, pour être conduit à bien, de deux à trois années de préparation soutenue. Le retour effectif pourra donc être plus long. Mais on peut alors demander au fermier (l’entreprise privée), d’assurer transitoirement le service.
Le contrat arrive à échéance dans un délai supérieur à 5 ans
Il faut alors étudier des conditions de rupture conduisant aux pénalités les plus faibles. On peut essayer de mettre à jour des fautes de l’entreprise dans le respect des clauses du contrat. Ou dire simplement qu’il est plus avantageux de payer les pénalités avec un passage en gestion directe, que de continuer sur des bases désastreuses pour les usagers (cas de Grenoble, de Saint-Etienne, de Castres, de Neufchateau, de Saint-Dizier…).
Si nombre de charges paraissent injustifiées, si des doutes surgissent sur l’état du réseau, il est dès lors probable que le retour en régie dévoilera des manquements, irrégularités et fautes diverses graves dans la gestion précédente. Ce qui mettra évidemment l’entreprise dans l’embarras si elle songe à engager un procès. Elle essaiera dès lors de faire peur, en invoquant notamment le versement d’indemnités astronomiques pour faire renoncer au projet. Une équipe technique compétente, voire des contacts parmi les salariés du fermier (l’entreprise privée), s’avèreront alors un atout essentiel.
Il s’agit donc de construire un rapport de force. Pour cela il est indispensable d’étudier et de posséder son sujet.
Il faut donc s’y préparer soigneusement, et très à l’avance. Au minimum trois ans avant la fin d’un contrat.
Et se préparer à affronter les pressions et le lobbying qu’exercera l’entreprise sur les élus et les usagers. Qu’il s’agisse de campagnes par voie de presse ou de l’instrumentalisation de certaines composantes de la société civile, qui peuvent parfois se prononcer en faveur de la perpétuation de l’état des choses existant.
Exemples de retour à la régie directe
– Grenoble qui a l’eau la moins chère de France. Raymond Avrillier, maire-adjoint de la Communauté urbaine de Grenoble, leader d’une grande bataille contre une filiale de la Lyonnaise, a soldé les dérives d’une gestion dont s’était rendu complice la précédente équipe municipale. La nouvelle équipe a notamment obtenu, après dix années de combat, le retour en régie directe de la distribution d’eau et de l’assainissement.
– La ville de Neufchateau a mis un terme, unilatéralement, à un contrat signé avec la Générale des eaux (Vivendi) pour revenir en régie directe. L’entreprise a attaqué en justice cette rupture du contrat, mais la ville, prudemment, a provisionné des sommes importantes pour pouvoir faire face à toute éventualité.
– La mairie de Chatellerault et la communauté d’agglomération de Chatellerault ont transféré la gestion de l’assainissement, confiée à Vivendi, à un syndicat intercommunal (Siveer), actuellement en procès avec Vivendi qui leur reproche de ne pas avoir réalisé d’appel d’offre.
– Le Sivom de Cavaillon est un syndicat intercommunal regroupant 8 communes, qui sont revenues en régie directe récemment.
– Le Sivom Durance-Luberon-Pertuis est un syndicat intercommunal regroupant 23 communes revenues elles aussi en régie directe récemment.
– Castres, à l’initiative de son maire UMP, qui a rompu le contrat signé avec la Lyonnaise des eaux, appuyé par les élus PC et Verts, alors que les élus PS s’abstenaient !
– St-Etienne en partie,
– Oyonnax,
– Bourg en Bresse,
– Hauteville,
– Alès...
Citons aussi les régies publiques de ville importantes : Strasbourg, Nancy, Reims, Amiens, Nantes, Tours, Limoges, Angers, Saint Brieuc, Grenoble, Rochefort, Apt...
Contacts
– Association Démocratie, Ecologie, Solidarité (ADES).
C’est ce groupe écologiste qui a conduit le combat pour l’eau à Grenoble dès le début des années 90. Au terme de dix années de lutte l’ADES a obtenu le remunicipalisation des services des eaux de Grenoble. Son site internet propose des dossiers exhaustifs et très pédagogiques sur tous les problèmes liés aux délégations de service public et un historique détaillé de l’évolution du dossier de l’eau à Grenoble :
http://www.france-asso.com/ades/dossiers/eau/index.html
– Coordination des associations de consommateurs d’eau (CACE).
Ce site collectif rassemble l’expérience accumulée par les usagers et sympathisants des Réseaux d’échanges pour la transparence subaquatique (RETS) afin d’améliorer le fonctionnement et le contrôle des services publics de l’eau et de l’assainissement. 180 associations de toute la France y présentent leurs combats :
http://www.seaus.org/association/cace.html
– ACER (Association des consommateurs d’eau du Rhône).
linosse@wanadoo.fr
Groupe Eau Attac :
eau@attac.org
– ACME France. Association pour un contrat mondial de l’eau.
Le dossier des municipales :
Les mobilisations pour l’eau dans plusieurs dizaines de villes françaises