La gestion publique de l’eau est fondée sur des principes traduits par le législateur dans des dispositions réglementaires dont la compréhension éclaire le débat politique sur le choix d’un mode de gestion. Choisir la gestion publique c’est soustraire un service essentiel à l’avidité des grandes entreprises privées du secteur, et à la rapacité de leurs actionnaires. C’est aussi faire le choix de la transparence et de l’équité.
Pourquoi choisir la gestion en régie publique ?
– 1. A cause de son coût.
Parce ce mode de gestion est le moins coûteux pour les usagers : entre 25 et 44 %.
Dans le palmarès des prix, noter que l’argument de l’effet d’échelle n’a pas tenu face à la réalité alors qu’il prévalait il y a quelques dizaines d’années. On constate à l’usage que les meilleures gestions sont celles des petites entités.
– 2. Pour la transparence de la gestion.
Parce qu’il est plus facilement contrôlable par les élus et les usagers citoyens qui ont accès à tous les documents administratifs de gestion.
La régie n’est pas un mode de gestion marginal, un résidu du passé. Ce mode de gestion concerne près de 50 % des services d’eau et d’assainissement en France, mais la gestion déléguée s’est concentrée sur les plus importantes collectivités, ce qui explique le monopole écrasant du cartel de l’eau, si l’on rapporte ces contrats, environ 9000, au nombre des usagers esservis.
Les régies constituent donc actuellement environ la moitié des services publics d’eau et d’assainissement. Elles sont même plus nombreuses dans le domaine de l’assainissement, où la technicité requise est la plus pointue. Ce qui prouve, au passage, le caractère très relatif, voire fallacieux, de l’argument selon lequel les collectivités seraient incapables de gérer les services par elles-mêmes. Remarquer aussi que la taille de l’intercommunalité n’a pas d’influence et que les petites s’en tirent plutôt mieux que les grosses.
Contre l’opacité et les idées reçues
L’article L.1411-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que pour faire leur choix les collectivités statuent au vu d’un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire.
Et le guide de l’élu n°8 édité par le ministère de l’Intérieur va plus loin en fixant le contenu de ce rapport, notamment en demandant à ce qu’il contienne une comparaison des deux modes de gestion : régie et délégation. Or ceci est rarement respecté et quand il l’est, c’est sous forme d’une caricature.
– Les élus n’auraient pas les compétences nécessaires :
La réponse est contenue en grande partie dans le paragraphe précédent. Si plus de la moitié des collectivités s’avèrent compétentes pourquoi toutes ne le seraient-elles pas ?
– Le passage en régie n’augmente pas la charge de travail des élus :
Le personnel de la délégation peut être repris avec son statut privé.
La gestion comptable et le recouvrement des factures des usagers sont assurés par le percepteur.
Un ou plusieurs ingénieurs ou cadres peuvent être recrutés pour diriger le service sur le plan technique.
La collectivité peut s’appuyer sur les entreprises locales et passer des marchés, tout comme le faisait le délégataire en prenant une marge supplémentaire…
Le rôle des élus est de définir la politique des services et de s’assurer que la direction salariée l’applique.
Des audits peuvent être assurés, comme pour la délégation, par de experts privés ou publics : les DDAF notamment.
Le choix de la gestion directe
Ce choix doit être décidé par l’organe délibérant et il implique une décision de cet organe sur la forme de gestion.
Il existe trois formes de régie :
– la régie dite « directe », que l’on ne peut plus mettre en place depuis 1926, mais dont celles créées avant 1926 peuvent fonctionner encore sous leur forme originelle ;
– la régie dotée de l’autonomie financière ;
– la régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière.
Les principes fondamentaux
– 1. La collectivité est responsable des investissements et de l’exploitation du service ;
– 2. La régie, quelle que soit sa forme juridique, est un service public à caractère industriel et commercial (SPCI) soumis à l’instruction comptable M49 et aux règles comptables des SPCI : équilibre des comptes entre recettes et dépenses, séparation des budgets du budget général et séparation des budgets de l’eau et de l’assainissement.
– 3. La création de la régie et l’adoption de son règlement intérieur sont soumis à la décision de l’assemblée délibérante ;
– 4. A l’exception du directeur et du comptable public, le personnel est soumis au droit privé quant à ses statuts.
Comment fonctionne une régie ?
– Article L.2221-1 du CGCT : les communes et les syndicats de communes peuvent exploiter directement des services publics d’intérêt public à caractère industriel ou commercial.
Sont considérées comme industrielles ou commerciales les exploitations susceptibles d’être gérées par des entreprises privées soit par application de la loi des 2-17 mars 1791 (loi Le Chapelier), soit, en ce qui concerne l’exploitation des services publics communaux, en vertu des contrats de concession ou d’affermage.
– Article L. 2221-8 : Les communes qui avaient des régies municipales avant le 28 décembre 1926 ont la faculté de conserver la forme de régie simple ou directe en vigueur à moins qu’elles ne préfèrent accepter les dispositions du présent chapitre.
Les dispositions de l’article L.2221-6 sont applicables à ces régies.
– Article L.2221-6 : Les régies municipales sont soumises, dans toutes les parties de leur service, aux vérifications des corps d’inspection habilités à cet effet.
– Article L.2221-5 : Les règles de la comptabilité des communes sont applicables aux régies municipales, sous réserve des modifications prévues par les décrets en Conseil d’Etat mentionnées aux articles L.2221-10 et L.2221-14.
Les recettes et les dépenses de chaque régie sont effectuées par un comptable dont les comptes sont jugés, quel que soit le revenu de la régie, par la juridiction qui juge les comptes de la commune.
Il existe donc trois formes de régie : à autonomie financière, à autonomie morale et financière, en dehors de la régie directe, impossible à installer maintenant, mais qui courent toujours pour celles installées avant 1926.
La régie dite « directe »
Un service public est géré en régie directe lorsque la collectivité territoriale gère elle-même ce service avec ses moyens personnels.
Attention à l’article L.2221-2 : 1
Fonctionnement :
– Définition : service communal ou intercommunal sans aucune autonomie.
– Le rôle de la collectivité : toutes les activités sont confondues.
– Organe de gestion : le Maire et son Conseil Municipal ou le Président de l’Intercommunalité.
– Budget : budget annexe obligatoire.
– Le tarif : il est fixé par le Conseil Municipal ou de l’intercommunalité.
– Le comptable est le receveur municipal.
– Le patrimoine est communal ou intercommunal.
La régie à autonomie financière
Les recettes et les dépenses de l’exploitation sont retracées dans un budget annexe de la collectivité de rattachement.
Seul le propriétaire des biens qui sont affectés, la collectivité, demeure entièrement maîtresse de la gestion du patrimoine qu’elle a affecté à la régie.
Fonctionnement :
– Définition : organe de gestion distinct de celui de la collectivité qui conserve le contrôle du service
– Le rôle de la collectivité :
Le conseil municipal ou d’intercommunalité délibère sur :
– La création de la régie ;
− L’organisation administrative et financière de la régie ;
– La composition du Conseil de gestion ;
– Le choix de son directeur.
Le maire ou le président de l’intercommunalité :
– présente le budget à son conseil,
– engage la régie à l’extérieur,
– propose les membres du conseil d’exploitation et le directeur de la régie.
Fonctionnement :
– Organe de gestion : le conseil de gestion
– Budget : budget annexe voté par le Conseil Municipal ou d’intercommunalité
– Ordonnateur : le maire ou le président de l’intercommunalité
– Comptable : le comptable municipal ou comptable spécial
– Patrimoine : communal ou intercommunal.
La régie à personnalité morale et autonomie financière
Dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, elle peut avoir une vie juridique, économique, financière et administrative indépendante de la collectivité concernée.
– Définition : établissement public sur lequel la collectivité exerce un contrôle périodique
– Rôle de la collectivité :
Le Conseil municipal ou d’intercommunalité délibère sur :
– La création de la régie ;
– La composition du Conseil d’administration ;
– Le choix du directeur.
Le maire ou le président de l’intercommunalité :
– propose les membres du CA ;
– propose le directeur.
Fonctionnement :
− Οrgane de gestion : le CA
– Budget : voté par le CA
– Le tarif : voté par le CA
– Ordonnateur : le directeur
– Comptable : comptable du trésor ou comptable spécial
– Patrimoine : communal, intercommunal ou patrimoine propre.
Note : ces éléments de base peuvent être aisément précisés en consultant le Code général des collectivités territoriales (CGCT), et pour les innovations récentes le texte de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 et ses très nombreux textes d’application, dont une partie seulement ont déjà été publiés au JO.
Le dossier des municipales :
Les mobilisations pour l’eau dans plusieurs dizaines de villes françaises