Nombre de nos lecteurs et lectrices se sont inquiété(e)s d’un ralentissement sensible de nos publications depuis cet été. Ni lassitude, ni censure. Un soudain problème de santé, en vérité apocalyptique. Aujourd’hui en voie de résolution, avant la reprise de nos programmes habituels.
Nous nous étions réfugié début août chez nos amis au fin fond de la Creuse dans un minuscule village de 50 habitants, cinq heures de voyage, une paille.
Comme à l’accoutumée nous étions aux fourneaux pour mitonner une recette de notre invention. D’un coup une absence, alors que les blancs de poulet mijotaient dans la poêle.
Pierre me prend par le bras et me conduit dans le canapé du salon qui jouxte la cuisine. Vertige. Christian s’assoit en face de moi et me pose des questions « C‘est comment ton prénom, qui est président de la République ? Je ne sais pas… » Brouillard.
Au bout de quelques minutes Martine appelle les pompiers du SDIS, installé à dix kilomètres.
Je me souviens à peine de les voir arriver. Et c’est là, m’a-t-on raconté ensuite, que j’ai commencé à convulser. Le Haut-mal, retour au Moyen-Age.
Les pompiers appellent un hélico. Il y avait un hélico, miracle. A peine deux trois images dans l’hélico, en plein trou noir.
Je me réveille une éternité plus tard au CHU de Montluçon, me dit-on.
Deux jours se passent. IRM, c’est un melengiome au cerveau, une boule de graisse un peu plus grosse qu’une balle de ping-pong qui a provoqué la crise d’épilepsie.
Transfert en ambulance au CHU de Clermont-Ferrand. Un sympathique neuro-chirurgien « J’ai 35 opérations programmées et je suis tout seul, je vous renvoie à Paris avec un courrier pour votre médecin traitant, qui vous enverra à la Pitié-Salpétrière, c’est le centre de référence français. »
Le lendemain, je repars de Montluçon, changement à Riom. Trois heures de correspondance, je repense au procès, à la biographie de Leon Blum que j’ai relue il y a quelques mois.
A Clermont j’avais aussi repensé à la plaque sur le mur de l’ancien prieuré hopital pénitentiaire, sur la route qui descend à la gare. C’était l’année dernière quand j’avais raté le bus pour revenir de la Creuse à Clermont puis Paris. Elle rappelle l’évasion de Pierre Mendes-Feance, qui y était interné, en 1941.
Yanis, mon grand fils, m’attend à Paris-Bercy, retour à casa.
Je suis déjà sous médocs, mais pas encore dans le coltar, comme après l’opération.
S’ensuit la ronde infernale, La Pitié, OK pour l’opération dans un mois, cardio, scanner et là miracle, ce n’est pas cancéreux… Le tout en Uber, moi qui avais juré que, mais comment faire autrement ?
Les médocs commencent à faire de l’effet, troubles de l’équilibre, de la latéralisation, perte d’appétit, etc, etc…
Et vint le grand jour après une énième rencontre avec l’anesthésiste.
Après avoir enfilé la blouse de cosmonaute, la charlotte, brancard pour la salle d’op. Dernier sourire avant le trou noir, on me demande si je veux écouter de la musique pendant qu’on m’endort.
Puis 24 heures dans la salle de réveil, je sympathise avec l’infirmière en chef, à qui je fourgue mon dernier ebook sur la crise de l’eau.
Yanis et Michaêl, son demi-grand frère passent me voir avant le retour a casa, avec 40 agrafes dans le crâne. On rejoue Au revoir là haut, ou presque...
J’ai un énorme pansement en forme de bonnet tibétain sur la tête. On ne voit que mes yeux. Michael : « Ca y est, on dirait le prof de Walking dead qui fabrique de la meth… »
Bon, j’ai un manuscrit à rendre en mars, des piges, des conférences. On annule tout. Pas le choix avec le traitement de choc post-opératoire, si je veux taper o sur le clavier, mon doigt appuie sur le y ou le p… Idem au téléphone, et puis je somnole 24 heures sur 24.
Me voilà Oblomov allongé sur mon lit. Je relis les 24 tomes de la Comédie humaine, que Le Monde avait réédité il y a quelques années, l’édition « Furne corrigé », parue du vivant de Balzac.
En fait je me trompais, Macron ce n’est pas Napoléon III, mais la Restauration.
Avant-hier mon chirurgien a revu à la baisse ma dose de Keepra, le temps que la duremère retrouve sa place initiale dans la boite cranienne, mais m’en a collé pour six mois.
Je me suis fendu de cartes postales de remerciements aux pompiers, aux médecins, aux infirmières et à toutes celles et ceux, admirables, qui m’ont accompagné.
Et la nave va.
Nos programmes habituels ne vont plus trop tarder à reprendre.