SEQUENCE CORPORATE (1) : En amont du Forum Mondial de l’Eau, PwC (1) publie un rapport sur les dynamiques et les modèles de gestion de l’eau. Objectif : tirer les enseignements, cerner les enjeux et formuler des pistes sur les modèles de demain.
"Les données structurelles relatives à l’eau, la démographie et l’activité humaine en ont fait une ressource rare. Sa gestion devient un exercice difficile et complexe. Difficile, car il faut désormais offrir un accès à l’eau potable à 7 milliards d’habitants.
Complexe, car dans ce contexte, les défis de l’accès à l’eau concernent les modèles de financement, la transparence des prix de l’eau, la continuité des décisions politiques, l’innovation technologique, la gestion du savoir et la question de l’application du droit à l’eau.
Dans un secteur en redéploiement et une montée en puissance des acteurs des pays émergents, le grand enjeu de l’eau reste celui de la capacité à trouver les ressources financières et des modèles efficaces de gestion permettant des prises de risque équilibrées pour les opérateurs.
Un contexte structurel lourd, un secteur en redéploiement, une gestion en question. Quels défis pour l’accès à l’eau et quels modèles pour demain ?
L’urbanisation et l’activité humaine démultiplient les besoins en prélèvement :
5 000 km3 seront à prélever à l’horizon 2025, la barre des 4 000 km3 a été dépassée en 2000 [2].
L’eau est une ressource rare et abondante. Rare, car l’eau douce représente 2,75% de la masse d’eau sur terre et 75% de cette masse d’eau est située dans les glaciers et les glaces. Abondante, car la terre compte plus de 1 400 millions de km3 d’eau dont 97,25 % dans les océans et les mers. La complexité de l’acheminement de l’eau nécessite un approvisionnement local, de sorte que les économies des uns ne peuvent répondre aux besoins des autres.
L’utilisation de points d’eau reste faible dans de nombreux pays d’Afrique à l’inverse des territoires de l’hémisphère Nord, d’une majeure partie de l’Amérique du Sud et de l’Australie. Enfin, 50% de la population mondiale utiliseraient une eau de qualité dangereuse ou incertaine tandis que 4 milliards d’habitants n’ont pas accès à l’assainissement collectif et que 2,4 milliards n’ont aucun assainissement de base [3].
L’urbanisation et l’activité humaine accentuent la pression sur les besoins en eau. Les besoins de l’agriculture, de l’industrie et de l’usage domestique atteindront 5 000 km3 à l’horizon 2025. Les prélèvements mondiaux ont passé la barre des 4000 km3 en 2000.
« L’eau est devenue un des grands enjeux contemporains en ce début de troisième millénaire. D’abord dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement qui visent à réduire de moitié la proportion des êtres humains qui n’ont pas accès à l’eau potable entre 2000 et 2015 avant d’envisager ultérieurement la couverture universelle. Ensuite, parce que l’époque de l’eau potable gratuite en quantité illimitée est révolue. La démographie et l’activité humaine ont fait passer l’eau au cours des dernières décennies d’une situation d’abondance dans de nombreuses régions du monde à un statut de ressource rare » souligne Thierry Raes, associé en charge de l’activité développement durable chez PwC.
Un secteur marqué par la montée en puissance des opérateurs privés et publics des pays émergents et la chute des grandes compagnies traditionnelles de l’eau
A l’horizon 2025, les acteurs privés seront susceptibles d’assurer 21% des besoins mondiaux en eau (+ 8%), l’essentiel des besoins étant couvert par des opérateurs publics souvent caractérisés par un manque structurel d’autonomie financière et une faible incitation à la performance.
La filière privée a considérablement évolué ces dernières années : les grandes compagnies, Suez, Veolia, Saur, RWE et Agbar ont vu leurs parts de marché chuter de 42% entre 2001 et 2011, tandis que les acteurs privés des pays émergents ont gagné du terrain. Ils couvrent 40% de la population de ces pays.
Face à cette situation, les acteurs traditionnels adoptent des stratégies différentes : Veolia est en quête d’un rééquilibrage entre croissance et rentabilité au travers d’une grande sélectivité de ses investissements ; Suez poursuit une stratégie de faible risque et de faible exposition de son capital ; RWE se concentre désormais sur le marché européen.
Parallèlement, de petits opérateurs privés formels ou informels répondent à une demande des populations en zones périurbaine et rurale non desservies par les opérateurs traditionnels.
Le grand cycle de l’Eau
PwC identifie six défis pour un accès à l’eau pour tous :
– 1. Le financement : il y a une impérieuse nécessité d’identifier des financements innovants, d’accroître les financements publics et les aides internationales pour satisfaire les besoins des populations car ils seront seuls susceptibles d’assurer un véritable développement durable du secteur.
– 2. La transparence : la mise en place de mécanismes de contrôle, afin de se prémunir de la corruption, et une information sur le prix et la qualité de l’eau sont nécessaires pour assurer une bonne gestion du secteur et protéger les consommateurs.
– 3. La continuité des décisions politiques : une bonne gouvernance implique une vision inscrite dans le temps et l’espace, notamment en termes de financement et d’investissement, pour voir aboutir des projets de long terme.
– 4. L’innovation technologique : c’est un domaine qui peut puissamment contribuer à l’amélioration de l’accès à l’eau, notamment avec deux technologies, la réutilisation des eaux usées et le dessalement, qui offrent un potentiel intéressant à exploiter.
– 5. La gestion du savoir : d’innombrables expériences ont été menées dans le domaine de l’eau mais l’information reste encore fragmentée. Les nouvelles technologies sont une véritable opportunité d’agir dans ce domaine pour consolider ce savoir et le rendre accessible à un grand nombre.
– 6. Le droit à l’eau : après avoir été reconnu au niveau des Nations Unies, il faut désormais réaliser sa transposition juridique et sa mise en œuvre au niveau de chaque Etat.
Quel financement et quels modèles pour demain ?
En matière de financement, un équilibre doit être trouvé entre les trois sources de financement que sont les 3T (tarif, taxes, transfert), à savoir le prix de l’eau, les impôts et les aides publiques au développement.
– Pour l’essentiel des pays matures, les prix et les impôts assurent le financement de l’eau. Pour les consommateurs les plus démunis résidant dans ces pays, des mécanismes de prise en charge restent à identifier pour livrer un volume minimum d’eau, à titre gratuit.
– Concernant les pays intermédiaires (Europe centrale et orientale, Europe du Sud) : les aides publiques dédiées au développement des infrastructures contribuent significativement au financement des investissements dans l’eau sous forme de fonds européens, comme les fonds de cohésion et les fonds structurels. Le prix de l’eau sera néanmoins, à terme, une composante de plus en plus importante du financement du secteur de l’eau et de l’assainissement dans l’ensemble de ces pays.
– Concernant les pays en développement : l’enjeu de l’accès à l’eau est crucial et les ressources que sont « le prix » et « les impôts » resteront insuffisantes. L’augmentation de l’aide publique internationale sera un passage obligatoire. Elle pourrait aussi être accompagnée de la mise en œuvre de mécanismes originaux comme, par exemple, la tarification spécifique du prix de l’eau, au minimum au prix coûtant, pour l’industrie hôtelière dans les pays touristiques. Une contribution des pays riches destinée à financer les infrastructures des pays les plus pauvres devrait également être étudiée. Ainsi des mécanismes innovants, comme le prélèvement d’une redevance sur les m3 consommés dans les pays riches qui serait destinée à contribuer au financement des infrastructures des pays pauvres, constitueraient un levier financier important tout en ayant un impact faible sur les ménages et les industries des pays développés.
« Le développement durable dans le secteur de l’eau passe par des investissements considérables, dans l’assainissement mais aussi dans le pluvial, la prévention des inondations et les réservoirs que sont les barrages, petits ou grands, partout où il est nécessaire de stocker l’eau. Ce sont plusieurs milliers de milliards d’euros qui sont en cause sur une longue période » précise Thierry Raes.
« La question de la performance technique et de l’efficacité managériale sont également centrales pour l’avenir de la filière Eau. C’est dans cette perspective qu’il serait souhaitable de poser, selon nous, la question du modèle de gestion public / privé. L‘intervention du secteur privé pourrait être envisagée afin de permettre un meilleur accès à l’eau potable et à l’assainissement via une approche progressive de la prise de risque des opérateurs ainsi qu’une tarification des services transparente et équilibrée » conclut Guy Leclerc, Directeur PwC spécialiste du marché de l’eau.
L’ étude intégrale et sa synthèse
PwC développe en France des missions d’audit, d’expertise comptable et de conseil créatrices de valeur pour ses clients, en privilégiant des approches sectorielles.
Plus de 169 000 personnes dans 158 pays à travers le réseau PwC partagent idées, expertises et perspectives innovantes au bénéfice de leurs clients et partenaires. Les entités françaises membres de PwC rassemblent 4 000 personnes dans 25 bureaux."
[1] PwC est membre du Conseil mondial de l’eau, membre de l’Académie de l’eau et membre du Partenariat français pour l’eau
[2] FA0 2010, UN Water 2009, World Bank 2008
[3] OMS et Unicef – Rapport 2010 sur les progrès de l’assainissement et de l’alimentation en eau
NOTE : Eaux glacées n’a contracté aucune relation marchande avec PwC...