Plusieurs rapports récents replacent la question de l’eau au cœur de toutes les réflexions sur un avenir soutenable de la planète.
Un changement hydrologique majeur
Pendant une quinzaine d’années, une équipe de chercheurs de la NASA, l’agence spatiale américaine, a observé l’évolution de la répartition de l’eau douce dans 34 régions du monde. Son diagnostic est on ne peut plus clair : on assiste aujourd’hui à un "changement hydrologique majeur". Les zones humides de la Terre deviennent de plus en plus humides et les zones sèches deviennent plus sèches. Entre autres raisons : les cycles naturels, l’impact des modes de gestion des ressources en eau et le changement climatique.
http://www.aqueduc.info/La-carte-mondiale-de-l-eau-est-en-train-de-changer
L’Europe à la peine
Selon un rapport sur l’état de l’eau publié par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), malgré les progrès réalisés au cours des dernières décennies dans l’amélioration de la qualité environnementale des nombreux lacs, rivières, eaux côtières et eaux souterraines en Europe, la pollution, les structures telles que les barrages et la surexploitation représentent toujours des menaces majeures pour leur santé à long terme. La grande majorité des masses d’eau européennes ne parviennent toujours pas à atteindre l’objectif minimum de « bon état » fixé par l’Union européenne.
https://www.eea.europa.eu/fr/highlights/l2019eau-en-europe-devient-plus
La question agricole
Selon un rapport publié le 20 juin 2018, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la pollution de l’eau liée à des pratiques agricoles non durables menace la santé humaine et les écosystèmes de la planète. Un phénomène que sous-estiment souvent les décideurs politiques et les agriculteurs dénonce la FAO.
L’agriculture est la plus importante cause de pollution de l’eau, selon la publication « More People, More Food, Worse Water ? A Global Review of Water Pollution from Agriculture » publié par la FAO et l’Institut international de gestion de l’eau à l’occasion d’une conférence qui s’est tenue au Tadjikistan du 19 au 22 juin.
Compilant les études scientifiques produites sur le sujet, le rapport indique que les nitrates d’origine agricole sont le contaminant chimique le plus fréquemment détecté dans les aquifères.
L’agriculture « moderne » libère en effet de grandes quantités de produits agrochimiques, de matière organique, de sédiments et de solution saline qui se déversent ensuite dans les plans d’eau.
Une pollution qui affecte des milliards de personnes et engendre des frais qui atteignent chaque année des milliards de dollars.
« L’agriculture est le secteur produisant le plus d’eaux usées, en termes de volumes, et le bétail génère beaucoup plus d’excréments que les êtres humains. Alors que l’utilisation des terres s’est intensifiée, on constate que les pays utilisent de plus en plus de pesticides synthétiques, d’engrais et d’autres intrants », écrivent Eduardo Mansur, directeur de la division des terres et des eaux de la FAO, et Claudia Sadoff, directrice générale de l’Institut international de gestion de l’eau (IWMI), dans leur introduction.
Ces intrants, s’ils ont permis de stimuler la production alimentaire, ont aussi contribué à augmenter les risques de menaces environnementales et ceux sur la santé humaine.
Comme sources de pollution, le rapport cite l’utilisation massive d’engrais minéraux (multipliée par dix depuis 1960), les pesticides (dont les ventes sont passées en une cinquantaine d’années d’un milliard de dollars par an à 35 milliards), les polluants liés à l’élevage (matières organiques mais aussi antibiotiques, vaccins et autres hormones de croissance dont les résidus finissent dans les milieux aquatiques), et enfin l’aquaculture (dont l’importance a été multipliée par vingt depuis 1980) qui relargue des excréments, de la nourriture non consommée, des antibiotiques, des fongicides et des agents antisalissures dans les eaux de surface.
Au-delà du constat, le rapport propose des solutions, même s’il juge le défi complexe à relever. Réduire les polluants à la source se révèle le plus efficace. La première manière d’y parvenir est, selon les auteurs, de développer des politiques et des motivations pour faire évoluer les régimes alimentaires des populations vers des régimes plus durables et de limiter la hausse de la demande alimentaire.
Au niveau du consommateur, la lutte contre le gaspillage alimentaire peut y contribuer.
Les instruments réglementaires « traditionnels » continueront à être essentiels, note le rapport.
Et de citer la mise en place de normes sur la qualité de l’eau et de permis de rejets de polluants, l’obligation de bonnes pratiques, l’évaluation des impacts environnementaux de certaines activités agricoles, l’installation de zones tampons autour des exploitations, de restrictions sur les pratiques agricoles ou sur le lieu d’implantation des exploitations ou encore des limites sur la commercialisation et la vente de produits dangereux.
Toutefois, le rapport reconnait que certains principes appliqués actuellement, tels que celui du pollueur-payeur, sont difficilement applicables à la pollution diffuse d’origine agricole, car il est compliqué d’identifier le responsable.
Par contre, les mesures destinées à susciter l’adhésion des agriculteurs au principe de la réduction à la source sont essentielles (exemptions fiscales pour l’adoption de bonnes pratiques, paiement à l’entretien du paysage).
Le rapport cite par ailleurs plusieurs bonnes pratiques visant à réduire l’exportation de nutriments et de pesticides dans les écosystèmes, la meilleure étant d’en réduire l’usage. De même, la lutte antiparasitaire intégrée, qui associe l’utilisation de variétés agricoles résistantes aux ravageurs au système de rotation des cultures, est également présentée comme utile. En ce qui concerne les élevages, les techniques traditionnelles telles que la restauration des pâturages dégradés, une meilleure gestion des régimes alimentaires des animaux, des additifs alimentaires ou encore des médicaments sont essentielles.
Néanmoins, les auteurs avancent que davantage doit être fait, notamment en matière de techniques de recyclage des nutriments et dans le développement de nouvelles technologies, comme la méthanisation des déchets agricoles.
Climat et agricultures
En décembre 2014, à l’occasion d’un Forum climat organisé dans le cadre d’Alternatiba Léman à Genève, le chercheur E. Lierdeman présentait un exposé sur les relations entre Climat et Agricultures.
Le bio est plus performant face aux attaques d’agents pathogènes
L’agriculture biologique favorise la régulation naturelle et la maîtrise des « bioagresseurs » – ravageurs, pathogènes et autres plantes adventices. C’est ce que met en évidence une étude internationale, à laquelle ont contribué des chercheurs français de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l’Université de Rennes.
Publié au cœur de l’été dans la revue Nature Sustainability, ce travail est demeuré relativement confidentiel, alors même qu’il bat en brèche l’idée communément admise selon laquelle l’agriculture biologique, si elle est bénéfique pour la biodiversité, l’environnement et la santé, est en revanche moins bien armée pour résister aux agressions naturelles.
Les chercheurs ont procédé à une vaste analyse de la littérature scientifique sur ce sujet, en recensant 177 études qui comparent les performances respectives des systèmes agricoles biologiques et conventionnels, au regard, d’une part, de leur potentiel de régulation naturelle des agresseurs, d’autre part, des niveaux d’infestation constatés.
Il apparaît que face aux attaques d’animaux ravageurs (insectes, nématodes (vers) et autres acariens), d’agents pathogènes – champignons ou bactéries – et de plantes adventices (les « mauvaises herbes »), le bio, exempt de pesticides de synthèse, est plus apte à déployer des mécanismes naturels de défense.
Le résultat dépend toutefois du type d’agresseur : vis-à-vis des plantes adventices, le bio se révèle moins efficace, alors que ses performances sont identiques face aux ravageurs et même supérieures pour les pathogènes.
Selon les chercheurs, cette étude montre que « l’agriculture biologique offre une voie pour réduire l’utilisation de pesticides de synthèse sans pour autant augmenter les niveaux d’infestation par les ravageurs et les pathogènes ».
Une conclusion qui, après la récente condamnation par la justice américaine de la firme Monsanto – poursuivie par un jardinier atteint d’un cancer qu’il attribue au glyphosate –, donnera des arguments supplémentaires aux antipesticides. Et qui interroge sur l’incapacité persistante de la France à diminuer sa consommation de produits phytosanitaires.
(Source : Pierre Le Hir, Le Monde, 21 août 2018.)
Méditerranée et changement climatique
Les paysages des régions méditerranéennes vont considérablement changer dans l’avenir sous l’effet des changements climatiques. Peut-on imaginer à quoi ils ressembleront ? Sommes-nous en mesure de limiter ces transformations ? Peut-on appeler la « nature » à la rescousse ? L’ethnobotaniste Pierre Lieutaghi partage ses enseignements et réflexions.
https://reporterre.net/Le-changement-climatique-va-bouleverser-les-paysages-mediterraneens