Eaux glacées a suivi les débats et travaux qui se sont succédés durant plus de trois ans autour de la question complexe et alambiquée du « droit à l’eau ». Ce concept généreux avait été inscrit dans la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, sans pour autant pouvoir se traduire par la moindre application concrète. Trois ans plus tard force est de constater que les intérêts égoïstes l’ont emporté sur les grands principes dont se parent les promoteurs du « droit à l’eau ». Le dossier ci-après permet de suivre toutes les étapes de ce qui demeurera comme un triomphe des lobbies et du cartel de l’eau. Car pour qui veut lire, aucune équivoque. Veolia, Suez et Saur ont dicté leur loi au politique dans cette affaire. Ils entendaient bien faire payer aux usagers, et aux seuls usagers, la prise en charge des plus démunis, indispensable par ailleurs, face au poids grandissant de la facture d’eau pour les populations en situation de précarité. A cette aune, puisque le projet de loi qui prévoit de faire supporter aux seuls usagers, à hauteur de 80 à 100 millions d’euros par an, le coût de cette mesure doit être examiné à la rentrée prochaine, continuer à parler de « droit à l’eau » dans ces conditions relève de l’imposture. L’affaire dépasse très largement les frontières de l’hexagone. L’instrumentalisation du "droit à l’eau" est un enjeu décisif pour l’avenir des multinationales de l’eau françaises.
Tous les acteurs de cette sinistre farce vont continuer à nous enfumer jusqu’à la rentrée et l’examen du projet de loi au Parlement, en nous assurant, la main sur le coeur, que "Mme Jouanno s’est engagée à faire passer le volet préventif de la loi, et donc à permettre que les ménages dont la facture excéderait 3% de la capacité contributive soient aidés..."
C’est ici que gît l’imposture.
Une imposture que les medias ne dénonceront aucunement, non par l’effet d’une obscure complicité avec la face obscure de la force, mais par désintérêt, incompréhension, et plus encore parcequ’ils ne savent même pas que le débat a (failli) avoir lieu
Ce qui en dit long sur l’importance de "l’effet médiatique", pour toutes celles et ceux qui y accordent encore un quelconque crédit.
(Cette incise car il est encore à peu près indécidable de savoir à qui profite l’actuel naufrage médiatique, et celui du débat public qui devrait en découler. A l’ennemi ou à nous ?)
L’idée d’une action préventive et d’un seuil de 3% des revenus découle des travaux de l’Obussas, qui prévoyaient la création d’un fonds (d’abord en Ile-de-France, mais le modèle avait vocation à s’étendre), destiné à alimenter la prise en charge "préventive" des foyers dont la facture excédait 3% des revenus, un fonds qui devait nécessairement être abondé par toutes les parties intéressées : services d’eau, publics comme privés, collectivités, et bien sur Veolia, Suez et Saur.
Au lieu de quoi, puisque les Trois Soeurs ne veulent évidemment pas en entendre parler, et ne se sont pas privées de le faire savoir à qui de droit, et d’abord au MEEDDM et au Comité national de l’eau, ce financement du volet "préventif" va être supporté par les seuls usagers !
Déjà ponctionnés par la loi Oudin-Santini, pour ce qui concerne "l’aide aux pays pauvres", selon le même principe.
Et bien entendu sans que jamais lesdits usagers n’aient le moindre mot à dire.
Il s’agit donc ici d’une véritable forfaiture, et l’on ne dénoncera jamais assez l’escroquerie intellectuelle qui est au fondement de cette arnaque.
Pour s’en convaincre, suivre le feuilleton ci-après dont les étapes successives de 2007 à 2010 permettent d’apprécier à quel point le mensonge est consubstantiel aux menées de cette bande de brigands.
Car ici aussi, les entendre parler de "social" avec des trémolos dans la voix, c’est à nouveau Madoff qui donne des cours de comptabilité !
Un enjeu décisif pour les multinationales de l’eau
L’affaire est d’importance et dépasse de très loin le seul cadre franco-français, comme le fait de savoir qui va prendre en charge une partie de la facture d’eau des plus démunis. Ce dont Veolia, Suez et Saur se contrefichent éperdument.
Ce qui est en jeu ici, dans la perspective de "Marseille 2012", apothéose de l’Ecole française de l’eau, et étape décisive pour nos multinationales, c’est de pouvoir faire accroire à la terre entière que la France, et Veolia, et Suez, et Saur, ont inventé un admirable système de redistribution et de "solidarité", garant du "droit à l’eau", et partant garant de fastueux nouveaux contrats qui comporteront désormais cette indispensable clause "sociale", comme va d’ailleurs sous peu le démontrer le nouveau contrat du SEDIF en région parisienne...
Il importe au plus haut point de dénoncer cette mascarade et de faire obstacle à cette escroquerie, sans laquelle les ambitions de nos multinationales auraient désormais grand peine à se concrétiser.
Trois ans de débats sur le "droit à l’eau"
Pour un droit à l’eau effectif
Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 mars 2007
Droit à l’eau : le rôle des municipalités et des collectivités territoriales
Les eaux glacées du calcul égoïste, 31 mars 2007
Droit à l’eau : un tribunal administratif valide un arrêté « anti-coupures »
Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 juin 2007
Belgique/France : deux approches du service public de l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 juin 2007
Tarification sociale de l’eau, le combat continue
Les eaux glacées du calcul égoïste, 27 juin 2007
Tarification sociale de l’eau : le rapport étudié par la FNCCR
Les eaux glacées du calcul égoïste, 3 juillet 2007
Droit à l’eau : les ambiguïtés françaises
Carnets d’eau – Le Monde diplomatique, 11 octobre 2007
Gestion de l’eau (5) : les pauvres et l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 7 mai 2008
Décret autorisant les coupures d’eau : les mauvais coups se font en été
S-eau-S, 8 octobre 2008
La tarification sociale de l’eau, mode d’emploi
Les eaux glacées du calcul égoïste, 1er janvier 2009
Polémique sur la tarification sociale de l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 janvier 2009
Tarification sociale de l’eau : un mémoire de fin d’étude à l’échelle du basin Seine-Normandie
Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 mars 2009
Plaidoyer pour le droit à l’assainissement en France, par Henri Smets
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 mai 2009
L’Observatoire du SIAAP propose un véritable tarif social de l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 juin 2009
Tribune : bientôt une loi contre le droit à l’eau ?
Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 septembre 2009
Tarification sociale de l’eau : S-Eau-S dénonce le scandale de l’actuel système « d’aide »
Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 septembre 2009
Droit à l’eau : les 12 propositions de la Coalition Eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 17 septembre 2009
Le droit à l’assainissement dans seize pays
Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 octobre 2009
Manifeste pour la mise en oeuvre du droit à l’eau
Les eaux glacées du calcul égoïste, 28 octobre 2009
Droit à l’eau : de la loi aux actes
Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 décembre 2009
Tarification sociale de l’eau : l’UMP, Veolia et le Sedif contre les pauvres
Les eaux glacées du calcul égoïste, 8 février 2010
Tarification sociale de l’eau : les pauvres vont payer pour les riches
Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 février 2010
Le « Grenelle 2 » enterre le « droit à l’eau pour les plus démunis
Les eaux glacées du calcul égoïste, 6 mai 2010
Colossale arnaque sur le « droit à l’eau »
Les eaux glacées du calcul égoïste, 13 juin 2010
Droit à l’eau : le dossier d’Eaux glacées
Les eaux glacées du calcul égoïste, 14 juin 2010
Droit à l’eau : le point de vue d’Henri Smets
Les eaux glacées du calcul égoïste, 15 juin 2010
Droit à l’eau : le temps des imposteurs
Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 novembre 2010
Droit à l’eau : dérobades, hypocrisie… et business
Les eaux glacées du calcul égoïste, 5 décembre 2010
La vérité sur le droit à l’eau, par Henri Smets
Les eaux glacées du calcul égoïste, 8 mars 2011