Sur fond de crise de la DSP, la Lyonnaise, avec le diligent soutien de M. Jean-Marie SERMIER, député-maire (UMP) de Dole, vice-président de la FEPL,
s’apprête à créer la première Société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), un nouvel avatar, modernisé, de l’antique modèle de la concession, qui vise à conférer aux grandes entreprises du secteur de l’eau, menacées par le mouvement de retour en gestion publique, une nouvelle rente de situation encore plus extravagante, qui pénalisera bien davantage encore collectivités et usagers du service public de l’eau…
L’initiative intervient dans le contexte particulier de la crise de la DSP dans le secteur de l’eau et de l’assainissement : les opérateurs privés conviennent que le modèle de l’affermage est sérieusement en crise, et qu’une mutation d’une dizaine d’années pourrait conduire à sa quasi-disparition.
De plus les collectivités locales vivent une crise financière sans précédent, qui pénalise leurs capacités d’investissement (neuf ou renouvellement), au moment où « l’effet ciseau » des baisses de volumes facturés semble devenu structurel.
D’où des difficultés croissantes de financement, notamment par les banques. Certains acteurs soupçonnent même les opérateurs de faire pression sur les grands réseaux bancaires pour rendre plus difficile les emprunts des régies, comme en a témoigné M. Alain Vidalies dans les Landes pour un projet d’usine de 15 Meuros.
Veolia se repositionne en prestataire qui veut attaquer, y compris le marché des régies, et privilégie de plus en plus les interventions sous forme de marchés publics à destination de quasi-régies, qui n’assurent en interne que la facturation et la relation avec l’usager.
LDE-Suez semble plutôt chercher à relancer le modèle de la concession, afin de dégager de nouvelles marges en jouant le rôle de banquier, du simple îlot concessif à la SEMOP…
Avec pour conséquence la systématisation d’une nouvelle ingénierie financière destinée à procurer des avantages fiscaux considérables, notamment grâce au mécanisme de l’amortissement de caducité.
Dans ce contexte, la création de la première SEMOP « Eau » à Dôle soulève de nouvelles interrogations :
Alors que les SEMOP sont conçues pour « permettre aux élus locaux de recourir aux entreprises locales et donc comme un outil de redynamisation des territoires » (extrait débat parlementaire), il est prévu que la personne publique pourrait ne pas être l’actionnaire majoritaire (seuil minimal 34% du capital).
Appliquée au secteur de l’eau, cette équation n’ouvre la porte qu’aux grands groupes privés du secteur (Suez, Veolia et Saur), qui pourraient intervenir sous le faux-nez d’une société locale dédiée.
Pour quelle durée de contrat ? La concurrence ne jouant qu’en amont pour la constitution de l’entité mixte, mais pas ensuite pour l’exécution du service à assurer, on pourrait donc voir une société dédiée de LDE-Suez, actionnaire majoritaire d’une SEMOP créée pour une durée de 99 ans, jouer, à la fois, le rôle d’apporteur de capitaux (fortement rémunérés) pour la construction d’infrastructures (usine et réseau), et gérer ensuite ces mêmes infrastructures pour la même durée !
L’idée étant de séduire les collectivités en leur proposant un montage qui peut s’assimiler à du « hors-bilan », et de lisser les coûts (abusifs) de cette externalisation du service public sur une très longue durée (99 ans ?), afin d’assurer le financement indolore de cette nouvelle rente par l’usager du service public…
Dans cette hypothèse, si l’on reprend la « fiction » voulant que dans le cadre d’une concession classique la propriété des infrastructures est censée être transférée pour la durée de la concession à l’opérateur privé, il en découlerait une institutionnalisation du mécanisme de l’amortissement de caducité, qui procurerait des bénéfices fiscaux, et donc financiers, considérables à l’opérateur privé.
Par ailleurs, en l’état, la loi du 1er juillet 2014 laisse ouvert un certain nombre de réflexions et d’interrogations s’agissant de sa mise en oeuvre :
– l’absence d’une étude équivalente à une évaluation préalable qui aurait permis à la personne publique d’avoir une connaissance plus profonde des coûts/avantages d’une telle option ;
– la question de la responsabilité des différents acteurs et en particulier des acteurs privés en particulier en cas de contentieux au stade de l’exécution, dans la mesure où c’est bien la SEMOP qui est contractante de la personne publique, ce qui peut induire des questions de dilution de responsabilité, voire de conflits d’intérêts ;
– la question de l’accès à de tels marchés pour les PME, compte tenu de la mise en concurrence en amont ;
– la question des relations contractuelles de la SEM avec les tiers : elles dépendront notamment de la caractérisation de la SEMOP en tant que pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice.
Dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, l’intervention d’une SEMOP mettrait à mal, enfin, toute possibilité de contrôle par l’Autorité organisatrice des engagements contractuels relatifs à l’exercice de la compétence eau et assainissement, avec les conséquences induites sur les obligations légales relatives, notamment, à l’établissement du Rapport annuel du délégataire et du RPQS.
Vu la taille du marché de Dôle et sa forte implantation locale, je rajouterai la Sogedo aux trois soeurs.