Interrogé par un parlementaire, le ministère de l’économie aura mis plus de dix-huit mois à reconnaître qu’une exonération de charges sociales patronales bénéficiant de plein droit aux salariés de Veolia, Suez ou Saur depuis 2003, en dessous d’un salaire n’excédant pas 2 433,95 €, pouvait également s’appliquer aux salariés d’une régie intercommunale dotée de la personnalité morale, à l’exclusion de ceux des régies dites "à simple autonomie financière", ce que certaines délégations de l’URSSAF refusaient en s’appuyant sur un décret datant de 2015. Encore le ministère se garde-t-il de distinguer aussi nettement les deux catégories de régies concernées en les appelant par leur nom usuel ! La trasparence a ses limites...
Nota : l’exonération, sous condition, de charges sociales patronales a été instituée par la loi dite « Fillon », en 2003…
https://www.legisocial.fr/paie/reductions-de-cotisations-sociales/reduction-loi-fillon.html
– La question écrite n° 14505 de M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), publiée dans le JO Sénat du 27/02/2020 - page 949 :
« M. Alain Milon attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur les distorsions de recouvrement des cotisations par l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) entre les sociétés privées et certaines régies de coopération intercommunale qui exploitent directement un service public d’eau et d’assainissement.
Les régies de coopération intercommunale qui exploitent directement un service public d’eau et d’assainissement sont éligibles à la réduction générale des cotisations patronales (ex « réduction Fillon ») communément appelée « zéro cotisation URSSAF ». Cette réduction consiste à baisser les charges patronales de l’employeur pour les salaires n’excédant pas 2 433,95 €.
Or, certaines URSSAF leur refusent ce bénéfice au motif qu’elles ne seraient pas éligibles, n’étant pas qualifiées d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) par l’institut national des statistiques et des études économiques (INSEE). La loi est pourtant venue les définir comme tels (article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales).
La jurisprudence, quant à elle, a clairement, et depuis longtemps, établi que la nature industrielle et commerciale d’un service public entraîne l’application d’un régime juridique différent d’un service public administratif (SPA) en arrêtant trois critères jurisprudentiels définissant les EPIC (l’objet du service, les modalités de fonctionnement et l’origine des ressources financières).
Pour motiver leur refus, les URSSAF s’appuient sur la circulaire DSS/SD5B/2015/99 du 1er janvier 2015 relative à la mise en œuvre de la réduction dite Fillon, au motif de la rédaction imprécise suivante : « salariés relevant des établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales ».
Ce refus de certaines URSSAF entraîne une distorsion de concurrence entre les régies ne pouvant bénéficier de cette réduction et les sociétés privées exerçant pourtant les mêmes missions (eau et assainissement), et bénéficiant de cette réduction.
Les consommateurs de ces régies sont donc pénalisés en payant un prix de l’eau supérieur à celui qu’ils payeraient si le service était exécuté par une société privée.
Face à cette difficulté rencontrée par de nombreuses régies intercommunales, créées pourtant pour offrir le meilleur prix de l’eau et remplir ainsi une mission de service public au plus près de leurs usagers, il lui demande si le Gouvernement envisage de prendre des mesures de nature à faire disparaître cette distorsion de concurrence afin de garantir aux consommateurs l’égalité devant le prix de l’eau.
La circulaire DSS/SD5B/2015/99 du 1er janvier 2015 pourrait être utilement complétée en précisant que sont éligibles les salariés de droit privés relevant des services publics de l’eau et de l’assainissement cités à l’article L. 2224-11 du CGCT sans distinction du code activité principale exercée (APE) attribué par l’INSEE. »
– La réponse du Ministère auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée, dans le JO Sénat du 09/09/2021 - page 5260 :
« L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale prévoit que sont éligibles à la réduction générale de cotisations sociales sur les bas salaires les « salariés au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation édictée par l’article L. 5422-13 du code du travail » – soit ceux au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation d’adhésion à l’assurance-chômage – ainsi que des « salariés mentionnés au 3° de l’article 5424-1 du même code » – soit les salariés des entreprises inscrites au répertoire des entreprises contrôlées majoritairement par l’État, des établissements publics industriel et commerciaux ou des sociétés d’économie mixte des collectivités territoriales.
De manière générale, les allègements généraux de cotisations sociales ont vocation à soutenir l’emploi dans le secteur des employeurs privés qui exercent leur activité dans le champ concurrentiel, des exceptions étant prévues pour les entités publiques qui du fait de leur objet, de l’origine de leurs ressources ou de leurs modalités de fonctionnement sont placées dans une situation suffisamment comparable, ce ui est le cas des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et des sociétés d’économie mixte (SEM) des collectivités territoriales.
Les allègements généraux de cotisations patronales n’ont en revanche pas vocation à bénéficier aux autres types d’établissements publics, ni a fortiori aux administrations publiques, ce qui reviendrait à conférer aux allègements généraux de cotisations sociales un rôle qui n’est pas le leur et à introduire un effet de circularité peu opportun puisque d’autres ressources publiques devraient alors être mobilisées pour financer ces moindres recettes.
Il convient aussi de souligner que de nombreux autres établissements publics œuvrant dans des secteurs concurrentiels sont placés dans la même situation. Il convient donc de déterminer au cas par cas si ces services d’eau et d’assainissement constituent des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ou des sociétés d’économie mixte (SEM) de collectivités territoriales, l’article L. 2244-11 du code général des collectivités territoriales selon lequel « les services publics d’eau et d’assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial » ne suffisant pas à emporter une telle qualification.
En l’absence de personnalité juridique distincte de celle de la ou des collectivités territoriales pour le compte desquelles elles opèrent, ces régies ne peuvent pas bénéficier des allègements généraux de cotisations patronales.
Si elles possèdent cette personnalité juridique distincte et satisfont aux autres critères permettant la qualification d’établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ou de sociétés d’économie mixte (SEM), elles sont éligibles à ce dispositif. »
Il est quand même surprenant que les principaux "professionnels de la profession" concernés comme la FNCCR ou France Eau Publique n’aient point relevé cette grave distorsion de concurrence et iniquité de traitement ! Est-ce une résultante de la politique de coexistence pacifique qui dure depuis des décennies ?
Cette distorsion est d’autant plus importante que les bas salaires (hors primes) en dessous de l’assiette mentionnée sont légion chez les délégataires de service public. Ça fait du monde... et du bonus.
A moins que ce ne soit un simple oubli de Pénélope lors de la rédaction du dit "amendement Fillon" ?
Elle ne pouvait pas être partout. A moins qu’elle n’ait pris au pied de la lettre le nom de sa revue d’attache, la Revue des Deux Mondes, le monde des fermiers généraux et celui des régies publiques à ne pas traiter équitablement.