Sachant que la réglementation qui en encadre l’existence est très mal appliquée, faute de volonté politique et de moyens, de très nombreux prélèvements illicite sont effectués au vu de tous, dans les ressources en eau disponibles.
« Un agriculteur ou autre désirant effectuer un forage pour prélever une quantité d’eau dépassant un certain seuil doit en demander l’autorisation à la DDTM. Une fois l’autorisation obtenue, il doit avertir la collectivité locale où va se trouver le forage. C’est la théorie. Voyons la pratique. La collectivité locale avertie du forage ne peut pas l’interdire, si tant est qu’elle le veuille. Les forages par des particuliers ne nécessitent pas une autorisation parce qu’on considère qu’ils vont prélever une quantité d’eau en dessous de ce fameux seuil ; il n’y a aucune obligation pour les particuliers à installer un compteur et donc ils peuvent prélever autant qu’ils veulent.
Il n’y a aucune cartographie des forages en France. Certaines CLE ayant réalisé des EVP (études de volumes prélevables) indiquent les volumes prélevés autorisés pour les principaux forages. Cela ne va jamais plus loin.
C’est la police de l’eau qui est censée verbaliser ceux qui ont des forages illicites ou qui prélèvent plus que ce qui leur est autorisé. Sauf que les agents sur le terrain sont en sous-effectif et subissent des pressions de leur hiérarchie et de la FDSEA pour fermer les yeux. Résultat : la plupart des forages illicites ne sont pas localisés et lorsqu’ils le sont il n’y a quasiment jamais de poursuite du contrevenant.
Les Pyrénées-Orientales sont le champion incontesté des forages illicites. Il y en a probablement plusieurs dizaines de milliers sur la nappe du Pliocène. La DDTM 66 a commencé à les répertorier. Un bon nombre sont abandonnés mais continuent à polluer la nappe. Une nappe qui est dans un état quantitatif déplorable (sur-exploitation entraînant l’entrée d’eau salée), mais aussi dans un très mauvais état qualitatif (pollution). La DDTM 66 sous la pression des élus ferme les forages illicites qu’elle découvre mais se garde bien d’embêter ceux qui ont fait ces forages.
L’Espagne aussi compterait plus d’un million de puits illégaux qui servent à assouvir la soif dévorante de l’industrie agroalimentaire. Or, dans le sud de l’Europe, la rareté de l’eau a des conséquences désastreuses, et pas uniquement pour l’environnement comme le montre le cas de Julen, un garçonnet retrouvé noyé dans un puit.
Il existe aussi, on l’a vu, un grand nombres de forages illégaux dans le sud de la France et les autorités françaises ne sont pas beaucoup plus actives que les autorités espagnoles pour les rechercher et les fermer. »
Lire aussi :
Les policiers de l’environnement confrontés aux entraves des Préfets :
Bastamag.
(*) Thierry Uso est membre d’Eau Secours 34, d’ATTAC et de l’European Water Movement.
commentaires
La problématique des forages non déclarés est bien réelle en France avec parfois des milliers ou des dizaines de milliers de forage qui exploite le même aquifère (dont l’essentiel n’est pas déclaré). La nécessité d’avoir une vrai connaissance de ce qui se fait (ouvrage et prélèvement) et à quel endroit est le préalable indispensable à une gestion rationnelle de la ressource.
On peut par contre déplorer que l’auteur de cet article connaisse aussi mal son sujet.
Tous les forages, nouveaux ou anciens, doivent être déclarés, en mairie lorsque les prélèvements sont <1000 m3/an ou auprès de la Police de l’eau (en général la DDT ou DDTM) : rubrique 1.1.1.0 de la nomenclature Eau (Loi sur l’Eau). Les prélèvements, eux, sont à déclarer en même temps lorsqu’il dépasse 10 000 m3/an. Une demande d’autorisation est à déposer lorsqu’on atteint 200 000 m3/an ou 5 % du QMNA5 lorsque les prélèvements sont dans une nappe alluviale.
Les forages doivent être réalisés dans les normes et l’arrêté du 11/9/2003 précise bien que l’ouvrage doit être équipé d’un compteur, que le regard doit dépasser du sol, être étanche et cadenassé (...)
Pour les particuliers, c’est la mairie qui a le pouvoir de contrôler la conformité des installations et des débits exploités (depuis 2009), mais dans les faits, rares sont les collectivités qui assurent ce travail pas très populaire.
Il n’est pas possible de faire des forages partout : les périmètres de protection autour des captages existants et certaines zones prévues dans les documents d’urbanisme permettent l’interdiction de l’installation de forage. La déclaration préalable aux travaux, qui est bien sur obligatoire, doit permettre de vérifier cela.
Il y a bien sûr des inventaires et cartographies des forages déclarés (Banque de données du sous-sol, inventaire national des forages domestiques) mais ils sont par définition incomplet puisque bon nombre d’ouvrage sont réalisés sans être déclarés (la peur de devoir payer quelque chose un jour...). La seconde base de donnée, alimentée de manière volontaire par les collectivités, n’est pas publique, ce qui pose problème.
Certains territoires ont interdit ou tentent d’interdire la réalisation de nouveaux forages (avec pour le moment un succès limité).
Les agents de la Police de l’eau sont bien sûr très nettement en sous-effectifs, comme dans la plupart des services de l’Etat (non remplacement des départs à la retraite, manque de volonté des gouvernants, ou méconnaissance du problème). Pour les agents que je côtoie au quotidien, les éventuelles pressions de la FDSEA sont nulles et/ou sans effets. Il n’empêche que le contrôle se fait très peu et qu’il n’y a que très peu de PV.
Dans le 66, ça m’étonnerais bien que la DDTM ferme quoi que ce soit (peut-être le département ou les collectivités locales), déjà qu’ils ne sont que très peu présent sur le terrain par manque de moyens humains et financiers. Et puis faire des travaux chez un privé, c’est pas évident en général.
Le problème reste pour le moment entier, mais il me semble qu’il faudrait avant tout réussir à obtenir l’information de tout de qu’il se fait de la part des foreurs. Après il faudra avancer...
le remède serait donc pire que le mal ? C’est la doctrine écologiste qui depuis 15 ans, en s’opposant farouchement à l’usage des eaux superficielles, a encouragé le recours aux forages, qui plus est, subventionnés sur fonds publics. C’est assez cocasse maintenant de déplorer qu’il existe des forages légaux, illégaux et privés sans besoin d’autorisation, sans reconnaître sa responsabilité dans l’explosion de cette mode.