Vice-président (PCF) au Logement et à l’habitat du Conseil général du Nord, président de la CLE du SAGE de la Sensée, administrateur de l’Agence de l’eau Artois Picardie, membre du Comité de Bassin Artois Picardie et du Comité National de l’Eau, Charles Beauchamp a très justement dénoncé lors de la séance du Comité de bassin Artois Picardie du 5 juillet 2013 la peudo « tarification éco-solidaire de l’eau » mise en place dans le Dunkerquois il y a quelques mois, par Lyonnaise des eaux, à grand renfort de propagande mensongère...
« Le droit à l’eau est de moins en moins une réalité pour beaucoup de nos concitoyens.
Le prix de l’eau ne cesse d’augmenter dans le bassin Artois – Picardie, avec un prix de l’eau moyen en 2012 de 4,26 euros/m3, soit une progression de 3,19 % par an depuis 1994.
Le nombre de dossiers FSL pour impayés d’eau explose dans le département du Nord.
Le nombre de coupures d’eau est en hausse, laissant des familles dans le désarroi. Cette pratique est d’ailleurs indigne du XXIème siècle.
Des associations s’élèvent contre de telles pratiques, des élus s’y opposent par la prise d’arrêtés « anti – coupure », vite cassés par la justice.
La précarité grandissante ne peut laisser indifférents les hommes et les femmes de progrès, et des propositions sont formulées.
La force de ces protestations et de ces propositions inquiètent sans doute les multinationales de l’eau, et les conduit à promouvoir des initiatives dites « éco- solidaires ».
Une tarification « éco-solidaire » n’a de sens que si elle est appliquée dans le cadre d’une gestion publique de l’eau, où le profit n’existe pas. Dès lors que la gestion de l’eau est déléguée à une multinationale, nous pouvons avoir de forts doutes sur l’éco-solidarité affichée qui s’avère plutôt être un écran de fumée !
Et en effet, la Lyonnaise des eaux, le délégataire, a tout à gagner dans cette opération, à commencer par le renouvellement de son contrat de délégation de service public et le contournement de l’arrêt « Olivet » (DSP de plus de 20 ans caduque en 2015).
En mettant en œuvre une telle opération et en la valorisant, il apporte des éléments soit-disant positifs, lui permettant de renouveler son contrat sans difficultés.
Dans un article du Monde, le directeur de la Lyonnaise affirmait, lors de la promotion de l’opération mise en œuvre dans le Dunkerquois, que ce nouveau type de tarification va permettre à 80 % des foyers de voir leur facture baisser, tout en maintenant un équilibre financier durable entre la collectivité et la Lyonnaise.
Autrement dit, les marges du délégataire seront toujours les mêmes, c’est essentiel pour lui.
Ensuite les tarifs appliqués selon les tranches vont permettre en fait aux tranches les plus hautes de financer la tranche la plus basse.
En résumé les moins pauvres vont payer pour les plus pauvres.
Il s’agit donc d’une solidarité forcée entre les abonnés, sans que le délégataire ne soit soumis à contribution.
Au contraire, les profits du délégataire resteront les mêmes puisqu’il a la main sur la manœuvre des curseurs des trois tarifs et peut à loisir les ajuster afin de préserver ses marges.
Aussi, la première tranche est limitée à 75 m3 d’eau par an et par foyer.
Combien de foyers ont-ils une consommation aussi basse ? Quelle est leur composition ? Rappelons que la consommation moyenne annuelle par personne est de 55 m3.
Ensuite, le tarif de cette première tranche est 0,86 € par m3, alors que le tarif préalable moyen est de 1,01 € par m3.
Enfin, seuls 8600 foyers, allocataires de la Couverture maladie universelle (CMU), sur 84 000 foyers concernés par ce nouveau contrat, sont supposés bénéficier du volet social de l’affaire, et payer 32 centimes les premiers 75 m3.
Il est quasiment certain que ces foyers, des familles souvent composées de plus de 4 personnes, dépasseront allègrement le volume de 75 m3.
Des régies ont déjà expérimenté le tarif social, avec une vraie gratuité des premiers mètres cubes indispensables à la survie. La régie publique des Lacs de l’Essonne l’a mise en œuvre, et la baisse de 37 % annoncée est réellement de 37 %.
Il aurait fallu s’inspirer de l’expérimentation d’une régie publique au lieu de s’intéresser au cas de la Lyonnaise des eaux, qui n’apportera jamais tous les éléments nécessaires à la bonne compréhension de la démarche et des enjeux.
Ainsi, pour mieux analyser le bien fondé de cette opération avec la Lyonnaise des eaux, il faudrait commencer par rendre public et transparent son contrat de délégation !
Le droit à l’eau ne peut vivre qu’à partir d’un véritable service public de l’eau, et si le revenu de la population était suffisant et décent, nous ne débattrions pas de ces dispositifs. »
Suite à la lecture de votre article, il me parait utile d’apporter à vos lecteurs quelques compléments d’information :
• le contrat signé entre le Syndicat Mixte d’Alimentation en Eau potable de la Région de Dunkerque (SMAERD) et Lyonnaise des Eaux n’est pas concerné par l’arrêt Olivet puisque ce contrat a une durée de 12 ans. Il a été signé en 2005 et se terminera en 2017. Or l’arrêt Olivet concerne, comme vous le dites parfaitement, les contrats de plus de 20 ans conclus avant le 2 février 1995 ;
• la discussion sur la tarification éco-solidaire avec le SMAERD a eu lieu après la renégociation quinquennale de 2012 qui n’avait pas pour but de renouveler le contrat celui-ci n’étant pas arrivé à son terme. Les choses se sont donc faites en 2 temps :
– dans un 1er temps, la renégociation quinquennale, a eu pour objectif de faire le bilan des missions effectuées par Lyonnaise des Eaux, de recaler les objectifs du délégataire selon les ambitions de la collectivité, et enfin d’adapter les recettes du délégataire aux nouveaux objectifs que lui assigne la collectivité ;
– dans un 2ème temps, après signature de l’avenant de renégociation de contrat, nous avons mené avec le SMAERD les études et discussions sur la nouvelle tarification « éco-solidaire », qui s’est effectivement faite à recettes constantes, mais ceci après la renégociation de nos recettes. Dans ce cadre, et contrairement à ce que vous écrivez, c’est le Syndicat qui fixe les trois tarifs éco-solidaires puisqu’il est le seul à posséder le pouvoir décisionnel ;
• les Comptes rendus Annuels des Résultats d’Exploitation (CARE) établis chaque année par notre société sont élaborés en concertation avec le directeur financier de la Communauté Urbaine de Dunkerque avant publication et avant certification par les commissaires aux comptes. Tout comme le contrat de délégation, ces éléments sont à la disposition du public ;
• enfin, il convient de préciser que le choix de la mise en place d’une nouvelle tarification d’un service d’eau, qu’elle soit progressive, sociale ou écologique est un choix strictement politique. Cette réflexion peut être menée par toute collectivité indépendamment de son mode de gestion. Dans ce type de démarche, Lyonnaise des Eaux est partenaire des collectivités pour les accompagner et les conseiller dans leurs réflexions.
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez d’autres précisions sur notre contrat avec le SMAERD et/ou sur la tarification « eco-solidaire » mise en place à Dunkerque.
Renaud Camus, directeur régional des opérations de Lyonnaise des Eaux