L’Institut national pour la recherche en agriculture (INRA) vient de tenir les 10, 11 et 12 juillet à Bergerac, en Dordogne, la 25ème édition d’un événement original, sous forme de deux jours de réflexion collective, qui laissent très largement la place au dissensus et aux pas de côté.
Organisées chaque année en juillet, les Controverses européennes ont pour originalité de mettre en débat le devenir de l’agriculture, de l’alimentation et des territoires ruraux comme nulle part ailleurs en Europe.
Chaque édition convie experts de renom, agriculteurs, élus, représentants de la société civile, enseignants, à instruire collectivement un sujet : « Productions, marchés, consommation. Pourquoi prôner la coexistence ? » ; « Quels mondes construisent les normes ? »
En 2018, pointant une « panne d’avenir » face aux incertitudes et à la complexité croissante du monde, lors même que scénarios et autres prospectives semblent se multiplier, ici pour 2050, ailleurs pour 2030 ou 2100, les organisateurs se sont interrogés : ces récits de futurs possibles sont inaudibles ? Qui les élabore et comment ? Qui s’en empare et pour quoi faire ? A quels horizons sont-ils pertinents ? Quelles controverses les traversent ?
Parmi les sujets proposés : Une agriculture zéro phyto, mais pour quand exactement ? Alimentation et science-fiction. Pays méditerranéens : après le printemps, les conjectures. Que penser des prospectives européennes ? Autant de questions qui, à travers interventions, débats, forums et tables rondes, ont été explorées collectivement par 250 participants issus de tous horizons.
Une troisième journée a de plus été exceptionnellement consacrée à deux cas exploratoires de l’agriculture au futur :
– « Impacts sociaux et économiques du numérique et de la robotique. ». Les technologies du numérique bouleversent d’ores et déjà l’écosystème agricole : métiers, organisations professionnelles, recherches et innovations, enseignement… En rassemblant différents points de vue et en mettant en débat les premières études sérieuses sur le sujet, il s’agissait d’éclairer les acteurs sur les évolutions en cours.
– « Agroécologie : quelles coopérations scientifiques entre Métropole et Outre-mer ? » Face au fort sentiment d’isolement des agriculteurs des Outre-mer engagés dans l’agroécologie, comment recréer une dynamique avec la recherche métropolitaine ? Comment opérer des connexions directes entre les projets de ces producteurs et les acteurs des laboratoires des différents Instituts concernés (Cirad, Cnrs, Inra, Ird…) ?
En présence de M. Alain Rousset, président de la région Nouvelle-Aquitaine, et de M. Philippe Mauguin, P-DG de l’Inra, les débats qui se sont tenus à la Maison des Vins de Bergerac (Cloître des Récollets), ont été à la hauteur des attentes.
Rien de vraiment nouveau sans doute, mais ce qui était singulier c’était d’entendre des acteurs aux affaires (haut fonctionnaires en poste dans des ministères, directeurs de recherche à l’INRA, chercheurs en agronomie, en économie, en développement durable…), poser des constats rien moins que convenus.
Politique agricole commune
Les quelques avancées de la PAC 2015-2020, en matière environnementale, sont totalement remises en cause dans le cadre des débats actuels pour construire la prochaine PAC. Les questions environnementales ont été grandement voire totalement exclues des débats.
Grosse incertitude autour de la poursuite de la PAC après 2025/30. Pour la prochaine session on se rapproche plus « d’un pot commun » : il n’y aurait plus une réelle politique commune mais juste une enveloppe budgétaire commune, à répartir entre les pays, chacun agissant ensuite à sa guise au niveau national.
En terme de prise en compte de l’environnement dans les politiques agricoles, la France apparait aujourd’hui comme un bon élève au niveau européen, c’est dire que cela ne va pas s’améliorer pour la biodiversité et la ressource en eau dans les années à venir. Les bons élèves du passé en matière environnementale comme l’Allemagne changent leur fusil d’épaule pour rester compétitif face aux pays émergents comme le Brésil, l’Inde et la Chine
Agriculture en France
Au niveau de la DCE, des experts ont souligné que la France affichait des objectifs parmi les plus ambitieux au niveau européen, mais qu’en réalité rien n’avait été fait en direction de l’agriculture pour résoudre les problèmes. Les experts sont certains que la France ne pourra pas faire en 5 ans ce qu’elle n’a pas su faire en 10.
Malgré une médiatisation plus importante des démarches d’agriculture durable (type Agroécologie) et la « fausse impression » d’une augmentation de ces modes d’exploitation durables, les tendances nationales laissent entrevoir une « céréalisation » accrue de la France dans les années à venir au détriment de la polyculture et des parcelles en herbe /élevage.
Pesticides
Face à la multiplication des crises climatiques, les assureurs ont commencé à réajuster leurs pratiques. Certains phénomènes ne devraient plus être assurés, ce qui aura pour effet d’augmenter l’utilisation des pesticides en préventif par les agriculteurs. Face aux incertitudes météo, les agriculteurs utiliseront donc des phytosanitaires de manière préventive afin de réduire leur vulnérabilité et limiter les risques. C’est déjà ce qui explique qu’aujourd’hui il y ait une augmentation progressive des volumes de pesticides utilisés même en période sèche.
Il est totalement incohérent de voir que ce sont les mêmes qui vendent les pesticides et qui conseillent les agriculteurs.
Apparemment, pour certaines cultures il n’y aurait pas aujourd’hui d’alternative au glyphosate. La molécule ne serait pas un problème en elle-même mais c’est son utilisation incohérente qui pose des problèmes.
D’importants budgets sont consacrés à la recherche sur les alternatives aux pesticides (des choses intéressantes existent comme la confusion sexuelle des ravageurs…), mais selon des experts on nous fait suivre volontairement le mauvais lièvre car le problème est exclusivement politique : il faut changer nos façons de produire. Problème, la puissance des lobbies au niveau de l’Europe.
L’augmentation de la demande en bio en France et en Europe participe à une augmentation de la déforestation dans les pays en développement qui font du bio au rabais
Aujourd’hui en matière agricole, la demande fait le marché, or les grands groupes, via leurs démarches marketing, et les sommes colossales qu’ils investissent en communication, façonnent les tendances et la demande de demain.
Nouvelles inquiétudes
Les GAFA (ou géants du web) investissent des sommes folles dans l’agriculture (des moyens largement plus développés que certains pays).
On assiste au niveau mondial à une révolution numérique dans le secteur de l’agriculture et du vivant (capteur pour optimiser les intrants, limiter l’utilisation des ressources…) notamment en lien avec les Gafa. L’Europe est très, très en retard sur ce sujet.
Or ce modèle qui se démocratise au niveau mondial apparaît pour certains comme une aberration quand on sait que les métaux rares nécessaires au numérique sont détenus à plus de 95% par la Chine, un des rares pays qui exploite encore ses mines de terres rares. Tous les autres pays ont arrêté au regard des impacts environnementaux.
Note : le compte-rendu des 25èmes Controverses a été établi par un membre de l’EPTB Dordogne, Epidor.
bel article , réaliste malheureusement sur le "on sait mais on ne décide rien ",