La question peut sembler incongrue, tant l’on imagine volontiers que tout le monde en France est raccordé à l’eau potable. Pas toujours vrai, si l’on réside dans un hameau reculé, que l’on emménage dans un nouveau lotissement, ou que l’on fasse l’acquisition d’une bicoque à restaurer dans un coin reculé. Et force est de constater que le raccordement ne se révèle pas toujours aussi simple qu’on le croirait. Mode d’emploi.
Tout particulier peut, à sa demande, être raccordé au réseau de distribution d’eau potable.
Le branchement qui lui sera proposé s’arrête au joint aval d’un compteur qui doit être posé sur son domaine privé, en limite de ce domaine. Sa mise en place est à la charge de la collectivité via son service public de distribution d’eau potable. La canalisation allant du joint aval du compteur à l’installation demeurant à la charge du particulier.
L’arrêt « Carrère » du Conseil d’Etat précise que, pour la distribution d’eau potable, les frais d’extension du réseau sont à la charge de la « collectivité de rattachement ».
Concrètement, le particulier aura tout intérêt dans un premier temps à se procurer le « règlement de service » de distribution d’eau potable de sa collectivité de rattachement – un document qui définit les droits et obligations réciproques de la collectivité et de l’usager -, qu’on peut se procurer en mairie.
Après consultation, il vous éclairera sur les spécificités locales du service.
Ensuite, il faudra faire une demande d’adhésion au service public de distribution d’eau potable (et donc de raccordement) par lettre recommandée avec accusé de réception.
Parcelle bâtie ou non bâtie ?
Attention toutefois à certaines restrictions, comme le distinguo entre parcelle bâtie ou non bâtie.
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Marseille, le 13 avril 2007, (requête n° 05MA00887) a-t-elle précisé les devoirs des collectivités dans ce cas d’espèce.
Le conseil municipal peut, légalement et sans porter atteinte à aucune liberté fondamentale, décider de ne raccorder au réseau que les parcelles supportant des constructions à usage d’habitation.
Le conseil municipal de la commune d’Asco qui avait compétence pour délibérer comme il l’a fait, de manière générale et impersonnelle, sur les modalités de raccordement au réseau communal de distribution d’eau potable rénové à partir de 2000, a pu légalement et sans porter atteinte à aucune liberté fondamentale, décider de ne raccorder au réseau que les parcelles supportant des constructions à usage d’habitation.
La circonstance alléguée tirée de l’absence de pénurie d’eau dans la commune n’est pas par elle-même de nature à faire regarder cette décision comme entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.
Les usagers ne sont pas dans une situation équivalente au regard de l’accès au réseau d’eau potable selon que leur terrain supporte ou non une maison d’habitation.
Le conseil municipal a donc pu légalement opérer une distinction entre les usagers à raison d’un tel critère.
Les circonstances invoquées par les requérants et tirées de ce qu’ils se seraient toujours acquittés régulièrement des factures liées à la consommation d’eau antérieure à la coupure de canalisation intervenue au mois de juin 2003 et de ce que la consommation d’eau de leurs parcelles serait très faible, non plus que, en l’absence de litige quant à une éventuelle autorisation d’y édifier une maison d’habitation, le caractère constructible desdites parcelles, ne sont de nature ni à leur conférer un droit acquis au raccordement de leur propriété au nouveau réseau communal de distribution ni à établir la rupture d’égalité dont ils se plaignent.
L’importance du schéma directeur
Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur a rappelé l’obligation pour les communes d’arrêter un schéma de distribution d’eau potable, dans une réponse à la question d’un parlementaire, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 17 juillet 2008, page 1462.
En réponse à une question écrite de Paul Raoult, sénateur du Nord, le ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales rappellait que l’article 54 de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques pose le principe d’une compétence obligatoire des communes en matière de distribution d’eau potable.
Ce principe est assorti de l’obligation d’arrêter sans délai un schéma de distribution d’eau potable pour déterminer les zones desservies par le réseau de distribution.
Il résulte en outre de cette obligation de desserte que le raccordement au réseau de distribution d’eau potable ne peut être refusé que dans des circonstances particulières telles que le raccordement d’une construction non-autorisée (article L. 111-6 du Code de l’urbanisme) ou le raccordement d’un hameau éloigné de l’agglomération principale (CE, 30 mai 1962, Parmentier, Lebon, p. 912), le refus devant être motivé en fonction de la situation donnée.
En l’absence de schéma de distribution d’eau potable, l’obligation de desserte qui pèse sur la commune peut s’étendre à l’ensemble du territoire communal puisque dans ce cas l’existence éventuelle de zones non-desservies n’est pas prise en compte.
Enfin, le ministère souligne que la commune a pour obligation d’assurer l’alimentation en eau potable de l’ensemble des usagers du réseau situé dans le cadre de son schéma de distribution d’eau potable.
Ce dernier ne peut pas faire apparaître une distinction entre les catégories d’usagers pouvant bénéficier ou non de la desserte puisqu’il ne doit déterminer que les zones desservies par le réseau, pour lesquelles une obligation de desserte s’applique. Pour fixer le type de constructions possibles, en fonction notamment des capacités de distribution du réseau d’eau potable, le plan local d’urbanisme constitue le document de référence.
Attention à l’assainissement
Une fois réglée la question du raccordement au réseau public de distribution d’eau potable, va immédiatement se poser celle de l’assainissement... Collectif ou non collectif ? Nous laisserons de côté (provisoirement) l’ANC, renvoyant le lecteur à la chronique que nous lui consacrons depuis deux ans.
Si l’usager réside dans une zone où prévaut l’assainissement collectif, il n’en est pas pour autant au bout de ses peines, si, par hypothèse, son habitation n’est pas encore reliée au réseau. Dans ce cas il pourra en effet se voir réclamer le paiement de la « Participation pour voirie et réseau » (PVR), dont le montant est parfois important, rançon du modèle de développement péri-urbain qui a fait flores dans l’Hexagone depuis une vingtaine d’années.
La Cour administrative d’appel de Paris a rendu à ce propos un jugement intéressant le 18 octobre 2007, (requète. n° 05PA02572).
Aux termes de l’article L. 34 du code de la santé publique, en vigueur à la date de la délibération en litige : « Lors de la construction d’un nouvel égout ou de l’incorporation d’un égout pluvial à un réseau disposé pour recevoir les eaux usées d’origine domestique, la commune peut exécuter d’office les parties des branchements situées sous la voie publique, jusques et y compris le regard le plus proche des limites du domaine public.
Pour les immeubles édifiés postérieurement à la mise en service de l’égout, la commune peut se charger, à la demande des propriétaires, de l’exécution de la partie des branchements visés ci-dessus (...)
La commune est autorisée à se faire rembourser par les propriétaires intéressés tout ou partie des dépenses entraînées par ces travaux, diminuées des subventions éventuellement obtenues et majorées de 10 pour 100 pour frais généraux, suivant des modalités à fixer par délibération du conseil municipal ».
La participation en litige concerne uniquement les branchements situés sous la voie publique et non le réseau public proprement dit. Par application des dispositions législatives précitées, la commune pouvait légalement demander aux propriétaires riverains de lui rembourser une partie des travaux engagés.
Quelle commune de raccordement ?
Toujours en matière d’assainissement, peut se poser dans le cas d’une maison située dans un hameau isolé la question de son raccordement au réseau d’assainissement d’une autre commune que celle d’implantation.
Le Journal officiel du Sénat a publié dans son édition du 22 novembre 2007, n° 1546, une réponse ministérielle à la question écrite qu’avait posée à ce sujet M. Louis Masson.
Ce type de raccordement est possible mais doit recueillir l’accord des deux communes concernées, puisqu’il s’agit de compétences communales.
En ce qui concerne la redevance d’assainissement, elle est versée à la commune qui est responsable de la collecte, ou à son délégataire.
commentaires
Et que peut on faire si le prestataire refuse de vous raccorder au tuyaux d’eau le plus proche (qui passe carrement sous le terrain en construction) sous pretexte qu’il est privé et qu’il "pourrait" y avoir des probleme de pression, tout en vous invitant a vous relier au tuyaux situé lui a 35 metres de là ???
Dans les deux cas précédents le document qui fait autorité est le "règlement de service" qui définit les droits et obligations des deux parties (la collectivité et vous), donc se le procurer, étudier ce qui vous concerne, puis vérifier que ce règlement est en conformité avec le CGCT.
Merci de votre reponse. D’apres le premiers elements que j’ai trouvé sur le web, la partie privée d’un reseau d’eau commence au compteur d’eau et non pas avant. Donc, la partie qui court sous mon terrain serait donc "publique". Confirmez vous cette information ?
et le lien vers l’arrêt "carrere", on le trouve où, svp ?
Bonjour. Quelles sont les obligations des communes en matière de raccordement à l’eau ? Pour être plus précis : j’ai acheté une maison à "retaper" qui est raccordée, mais selon mon plombier, le raccordement n’est pas suffisant (diamètre tuyau trop petit). Par ailleurs la vanne d’arrêt correspondant à ma maison est en mauvais état, et ne doit pas être actionnée, sinon... Il faut donc couper l’eau du quartier pour effectuer des travaux chez moi. La commune à qui j’ai demandé de m’alimenter avec un tuyau d’un diamètre correspondant à la taille de la maison, me répond que les travaux sont à ma charge, et que ceux-ci doivent être effectués par mon plombier, lequel refuse car "ce n’est pas son boulot" et il ne veut pas avoir de problèmes avec la commune en cas de détérioration de la vanne. A qui puis-je m’adresser pour savoir que faire ? Merci de votre réponse.