Le JO du Sénat a publié dans son édition du 1er décembre 2012 la transcription d’un intéressant débat sur les « retenues de substitution d’eau », faisant suite à une question orale sans débat qui avait été posée au gouvernement par M. Michel Doublet, sénateur (UMP) de Charente Maritime.
La question de M.Michel Doublet, publiée dans le JO Sénat du 01/12/2011 - page 3044.
« M. Michel Doublet attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire sur la situation d’une association syndicale autorisée d’irrigation (ASAI), privée de l’utilisation de réserves de substitution d’eau, suite à l’annulation de l’autorisation de création des réserves par la juridiction administrative, alors que les travaux étaient en cours d’achèvement.
« Le projet de création des cinq réserves de substitution, situées dans le nord-est du département de la Charente-Maritime, esquissé dès 1997, a nécessité pour son aboutissement des études hydrogéologiques, techniques et environnementales conséquentes.
L’étude d’impact réalisée en 2006 avait fait ressortir des effets positifs sur l’environnement : prélèvements en période de hautes eaux visant à diminuer la pression exercée en été sur la nappe phréatique et les rivières, amélioration de l’écoulement des eaux de surface avec des effets induits pour le milieu en aval (marais poitevin), meilleure gestion des apports d’eau pour l’irrigation.
Les travaux n’étant pas totalement achevés, lors de la décision du tribunal administratif, la préfecture de la Charente-Maritime a tout de même demandé à l’ASAI de les achever et mettre en eau le fond pour tenir la bâche, tout en n’autorisant pas le remplissage total des réserves.
Au vu de la situation de déficit hydrique au printemps 2011, l’ASAI a demandé l’autorisation d’utiliser l’eau des réserves, demande refusée.
Pour sauver leurs exploitations, les agriculteurs ont décidé d’utiliser l’eau, générant un nouveau contentieux. Actuellement, une nouvelle étude d’impact est en cours. De même une nouvelle enquête publique va être nécessaire, avant l’obtention d’un nouvel arrêté d’autorisation.
Dans le même temps, l’ASAI ne peut pas faire de déclaration de fin de travaux qui conditionne le versement des subventions. Sans autorisation pour l’utilisation des réserves la situation financière des agriculteurs sera insupportable.
En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour sécuriser juridiquement la réalisation des retenues d’eau, dont les montages sont particulièrement complexes, et limiter les délais de recours, sachant que les nuisances éventuelles ont été évaluées par les études préalables d’incidence. »
La réponse du Ministère chargé des transports, publiée dans le JO Sénat du 25/01/2012.
« M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de la situation ubuesque que connaît l’Association syndicale autorisée d’irrigation, l’ASAI, regroupant douze agriculteurs, qui se retrouve privée de l’utilisation de réserves de substitution d’eau à la suite de l’annulation de l’autorisation de création des réserves par la juridiction administrative.
Le projet de création de cinq réserves d’eau situées dans le nord-est du département de la Charente-Maritime, esquissé dès 1997, a nécessité, pour son aboutissement, d’importantes études hydrogéologiques, techniques et environnementales.
L’étude d’impact réalisée en novembre 2006 avait fait ressortir des effets positifs sur l’environnement : prélèvements en période de hautes eaux visant à diminuer la pression exercée en été sur la nappe phréatique et les rivières, amélioration de l’écoulement des eaux de surface avec des effets induits pour le milieu en aval, c’est-à-dire sur le marais poitevin, ainsi qu’une meilleure gestion des apports d’eau pour l’irrigation.
La réalisation de ces cinq réserves, dont le coût a été estimé à 5,3 millions d’euros hors taxes, a bénéficié d’un cofinancement : à hauteur de 37 % pour les exploitants agricoles, de 25 % pour les agences de l’eau, de 17 % pour le conseil général et de 18 % pour l’État.
Ce projet a reçu les autorisations administratives nécessaires : arrêté préfectoral du 19 mars 2008, permis d’aménager en 2008 et permis modificatif en 2009.
À la suite d’une saisine contentieuse d’associations environnementales, l’arrêté d’autorisation de création de réserves d’eau a été annulé par le tribunal administratif en janvier 2010, au motif qu’il manquait un document dans l’étude d’impact, en l’occurrence l’inventaire de la faune.
Or, lorsque la juridiction administrative a rendu sa décision, les travaux étaient en cours d’achèvement. Malgré cette décision, la préfecture de la Charente-Maritime a enjoint l’ASAI d’achever les travaux et de mettre en eau le fond pour tenir la bâche, tout en n’autorisant pas le remplissage total des réserves, alors que les professionnels ayant réalisé lesdits travaux avaient conseillé aux propriétaires de remplir la réserve pour protéger la membrane et éviter tout dégât à la bâche, au risque de rendre le dispositif non opérationnel. L’ASAI a donc rempli les réserves pendant l’hiver, en informant les services de l’État.
Considérant la situation de déficit hydrique au printemps 2011, l’ASAI a demandé au préfet de la Charente-Maritime l’autorisation d’utiliser l’eau des réserves, demande qui a été refusée. Toutefois, pour sauver leurs exploitations, les agriculteurs ont décidé de passer outre à ce refus et ont utilisé l’eau. Les services du département de la Charente-Maritime n’ont donc pas eu d’autre choix que de verbaliser, même si d’aucuns reconnaissent la situation ubuesque. Les réserves contenant de l’eau, pourquoi ne pas autoriser l’irrigation à titre temporaire ?
Aujourd’hui, l’ASAI ne peut pas déposer de déclaration de fin de travaux, un document qui conditionne le versement des dernières subventions de l’agence de l’eau et du conseil général de la Charente-Maritime.
La part des douze agriculteurs concernés représente un emprunt de 1,9 million d’euros, dont le remboursement doit intervenir en décembre 2012. Sans autorisation provisoire d’utilisation pour 2012, la situation financière des agriculteurs sera catastrophique.
Je tiens à préciser que les agriculteurs se sont engagés depuis plusieurs années dans une agriculture plus respectueuse de l’environnement et moins consommatrice en eau. Ils sont conscients que la sobriété dans l’utilisation de cette précieuse ressource sera de mise dans les années à venir.
Les futurs projets de réserves d’eau dans notre département seront plus modestes. Toutefois, le projet dont je parle aujourd’hui existe et il faut donc trouver une solution viable pour les agriculteurs qui ont lourdement investi.
Le plan d’adaptation de la gestion et des soutiens à la création de volumes va dans le bon sens, mais il faudrait qu’il soit rapidement mis en œuvre.
Je me félicite de la disposition introduite par l’Assemblée nationale dans le cadre de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, visant à permettre aux chambres d’agriculture de se porter maître d’ouvrage pour les projets de retenues d’eau ayant pour finalité l’irrigation agricole.
Aussi, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour sécuriser juridiquement la réalisation des retenues d’eau, dont les montages sont particulièrement complexes, pour encadrer les délais d’instruction, pour limiter les délais de recours, pour permettre aux exploitants l’utilisation de l’eau en réserve au moins à titre provisoire et pour simplifier la complexité réglementaire, dont la rigidité empêche toute approche pragmatique des situations locales.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, actuellement retenu, qui m’a chargé de vous répondre.
Vous avez interrogé le ministre de l’agriculture sur les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour sécuriser juridiquement la réalisation des retenues d’eau, dont les montages sont particulièrement complexes, et limiter les délais de recours, sachant que les nuisances éventuelles ont été évaluées par les études préalables d’incidence.
Ces difficultés ont été clairement identifiées et ciblées dans le plan de création de retenues d’eau sur cinq ans, annoncé par le Président de la République, le 9 juin 2011, à l’occasion d’un déplacement en Charente. L’objectif est de mieux assurer l’équilibre entre besoins d’irrigation et ressources.
Ce plan prévoit de confier la maîtrise d’ouvrage de ces retenues aux chambres d’agriculture, dont les compétences seront étendues à cet effet, et de réexaminer les délais de recours, afin de sécuriser juridiquement les conditions de leur mise en place.
Parallèlement, dans les zones où des tensions fortes existent sur la ressource en eau, l’implantation de cultures plus économes en eau sera encouragée. Pour ces zones, le Président de la République a ainsi fixé un objectif de développement de 14 000 hectares d’ici à cinq ans.
Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire ont décliné concrètement ce plan en novembre dernier à l’occasion d’une réunion du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’Environnement.
Les modifications législatives requises pour faciliter la maîtrise d’ouvrage des retenues d’eau sont soumises à l’examen du Parlement. Sur un plan réglementaire, un décret portant sur la suppression des possibilités de recours une fois les retenues mises en service est en cours de signature. Une réflexion est parallèlement conduite pour clarifier le cadre réglementaire applicable à ces retenues.
Les préfets ont été localement sensibilisés pour activer la mise en œuvre du plan et le Gouvernement a engagé les agences de l’eau à accompagner le financement des retenues.
Monsieur le sénateur, l’ensemble de ces actions devraient permettre de lever les inquiétudes que vous avez exprimées et de simplifier le cadre applicable à la construction de tels ouvrages.
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse.
Toutefois, je souligne que ces réserves d’eau sont actuellement toujours bloquées. Aussi souhaiterais-je que le plan que vous venez d’évoquer soit rapidement mis en place, afin de mettre un terme à la situation épouvantable que j’ai qualifiée d’« ubuesque » : les agriculteurs se retrouvent vraiment confrontés à de graves difficultés. »