Le Lobby de l’eau organise à nouveau à la fin du mois de juin prochain, une semaine durant, son “ûber-chic” université d’été dans l’un des hauts-lieux mythique de l’intelligentsia française, au Centre Culturel International de Cerisy, dans le Cotentin, entre Saint-Lô et Coutances, à une vingtaine de kilomètres de la Manche.
Intitulé « Rationalités, usages et imaginaires de l’eau », ce colloque de 7 jours se tiendra du samedi 20 juin au samedi 27 juin au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle, un château enchanteur.
L’événement dit tout de l’époque.
Dans les années trente du XXème siècle, la fine fleur de l’intelligentsia française, autour de la NRF, affluait en Bourgogne, Gide, Paulhan…, qui rendirent mythiques les Décades de Pontigny…
Dans l’après guerre, les propriétaires actuels de Cerisy, petits enfants du fondateur des Décades, persévèrent dans leur être, cette fois en Normandie, poursuivant « Un siècle de rencontres au service de la pensée »
En 2015, l’événement, sponsorisé par la Chaire Industrielle "Rationalités, usages et imaginaires de l’eau" de l’Université Jean Moulin Lyon 3 - Lyonnaise des Eaux Rhône-Alpes, va rassembler des dizaines d’universitaires français et étrangers de haut vol.
Soft power et hégémonie culturelle.
Implacable. Imparable.
Le programme ?
« Comprise par la science et maîtrisée par la technique, l’eau serait aujourd’hui "conquise". Cette conquête, assurant l’accès généralisé à une eau propre et en quantité suffisante, du moins sous nos latitudes, soulève de nouvelles questions : nous a-t-elle rendus aveugle à la poétique et au symbolisme qui la concerne, diminuant ainsi les puissances de l’imagination et de la raison pratique face aux défis de la durabilité ?
Ce colloque explorera la nature de cette tension qui connaît la dérive du mépris de "l’eau usée" ou la fascination orphique du grand bleu ; tension fraternelle avec le milieu environnant qui oppose l’explication objective de l’eau en H2O à la compréhension de l’eau comme figure poétique ; tension entre justice sociale et justice environnementale ; tension entre l’eau maîtrisée et l’eau rêvée ; tension entre les intérêts économiques des grandes entreprises internationales responsables de cette conquête et la réclamation de justice écologique et sociale de la part des communautés comme des cultures au sein desquelles ces entreprises travaillent.
Au cœur de notre moment écologique, pouvons-nous développer un nouveau paradigme de rationalité de l’eau — plus complexe que celui qui a étayé sa conquête — capable d’intégrer aux sciences de l’ingénieur les apports de la poésie, de la philosophie, et des sciences humaines, cela au service d’une intelligence pratique renouvelée ? ».
On appréciera dès lors à leur juste valeur les présentations de quelques interventions :
- Cécile RENOUARD : Multinationales et biens communs mondiaux : enjeux éthiques
« Cette présentation introduira la table ronde sur le thème "multinationales, éthique et cultures de l’eau", par une mise en perspective des responsabilités des entreprises multinationales, en tant qu’institutions politiques, à l’égard des biens communs mondiaux comme l’eau. Le secteur de l’eau permet de mettre en évidence différents enjeux éthiques concernant à la fois la gestion équitable (publique, privée ou partenariale) de ce bien commun, l’extension dans l’espace et dans le temps de la responsabilité des acteurs, enjeux qui sont indissociables d’une réflexion sur les moyens culturels et politiques d’y parvenir. L’analyse sera étayée par des recherches de terrain menées sur le PPP de Veolia à Nagpur et sur des projets liés à la commercialisation d’eau en bouteilles par Danone en Indonésie et au Mexique. »
Table ronde, animée par Cécile RENOUARD (Multinationales et biens communs mondiaux : enjeux éthiques), avec Sarah BOTTON, Agathe EUZEN, Pascale GUIFFANT, Pierre VICTORIA et Marie-Hélène ZERAH.
- Pierre-Alain ROCHE : Le consentement à payer pour les services d’eau et d’assainissement : un enjeu aussi culturel et symbolique
« La perception est-elle différente selon l’autorité organisatrice et selon que les opérateurs sont publics ou privés, locaux, nationaux ou multinationaux ? Cette intervention ne s’appuie pas sur des résultats de recherche, mais formule un questionnement issu de diverses expériences de l’intervenant. Le consentement à payer pour les services publics d’eau potable et d’assainissement pourrait a priori être considéré comme naturellement dominé par l’appréciation par les ménages du rapport qualité-prix du service et par leurs contraintes financières. Dans un service monopolistique qui n’offre pas de choix à l’usager, ces appréciations incluent cependant des dimensions politico-culturelles que cette intervention va questionner : valeurs d’équité et ambiguïtés véhiculées par le droit universel d’accès à l’eau, image de bien donné, gratuit, sacré, relation politique à l’autorité organisatrice, relation avec la notion de profit, sentiment de spoliation par un acteur économique non limité géographiquement au périmètre du service apporté, transparence de l’usage des fonds, évolution de la perception du service rendu au fur et à mesure qu’il devient plus quotidien, plus banal et devient perçu comme allant de soi. »
- Pierre-Alain ROCHE : Réflexion autour du conflit du barrage de Sivens dans le Tarn : retour d’expérience d’une mission hybride de médiation et d’expertise.
« Retour d’expérience personnel d’un des deux "experts" mandatés pour favoriser une issue au conflit sur le barrage de Sivens, cette intervention abordera les points suivants : aspects généraux et contexte de l’histoire des conflits concernant la gestion de l’eau en Adour-Garonne, genèse du projet initial de Sivens, déroulement des procédures administratives et décisions de financement du projet, émergence du conflit, basculement dans une crise avec la ZAD et le décès de Rémi Fraisse, comportement des acteurs durant la mission et rôle de celle-ci, entre expertise et médiation, projet de territoire et pistes de résolution. Il s’interroge ensuite sur les leçons qui peuvent en être tirées quant à l’exercice de la démocratie. Il s’interroge sur le réalisme d’une démocratie "plus que parfaite", où des procédures idéales et idéalement conduites, dans des délais adéquats, seraient de nature à conforter la reconnaissance de la légitimité de la décision publique. Ne faut-il pas plutôt considérer que les systèmes humains ne peuvent échapper à une certaine imprévisibilité et à des défaillances dont il s’agit surtout de limiter la fréquence et les conséquences et s’attacher à ce que les pouvoirs publics cherchent à identifier les signaux faibles annonciateurs d’une pathologie ? »
Il est recommandé d’avoir lu le rapport de la mission téléchargeable sur le site du CGEDD préalablement.