Dans sa dernière livraison, le Canard Enchaîné relate que Eaux et rivières de Bretagne vient de saisir la Commission européenne, dénonçant l’usage systématique d’un subterfuge grossier pour tenter de dissimuler la pollution massive des eaux cotières par les rejets fécaux issus des porcheries et des poulaillers industriels.
« Enfin une bonne nouvelle ! Tous les vacanciers qui, pour cause de Covid, se sont rabattus cette année sur les plages françaises, ont barboté dans une eau irréprochable. Du moins à en croire le dernier bilan officiel.
« En 2019, 93% des sites de baignade qui ont fait l’objet d’un contrôle sanitaire ont été classés d’excellente ou de bonne qualité. Ces résultats mettent en évidence une amélioration par rapport à 2017 (90,9%) et 2018 (92,6%) », annonce triomphalement la DGS dans son communiqué du 29 juillet.
Mais voilà, une association de défense de l’environnement vient de saisir la Commission européenne. Elle accuse la France de « fraudes répétées dans le classement des eaux de baignade ». Et dénonce une carambouille qui expose à des risques sanitaires les baigneurs, rassurés par des classements optimistes et mal informés par des affichages minimalistes d’interdiction.
Dans sa plainte, consultée par le Canard, Eaux et rivières de Bretagne décortique une manip qui semble institutionnalisée sur le littoral breton : la fermeture préventive de plages en cas de menace de pluie.
Petit rappel, depuis 2006, tous les membres de l’Union européenne sont tenus d’analyser régulièrement la qualité microbiologique de leurs eaux de baignade et de les classer selon quatre catégories définies par Bruxelles, qui vont « d’insuffisante » à « excellente ».
Les pollutions accidentelles de moins de 72 heures appelées « pollutions à court terme » dans le jargon bruxellois ne sont pas comptabilisées dans le classement des eaux de baignade, à condition que la cause soit clairement identifiable et toutes les leçons tirées pour que l’incident ne se renouvelle pas.
Or, en Bretagne, à chaque fois qu’il pleut, ce qui n’est pas rare, les rivières charrient, jusque dans la mer, des pollutions fécales issues des porcheries et des poulaillers industriels.
Pour que ces épisodes pluvieux impactent le moins possible le bilan annuel des eaux de baignade, l’astuce consiste donc à considérer la pluie comme une pollution à court terme et à fermer préventivement les plages concernées.
Du coup les analyses réalisées pendant les soixante-douze heures de fermeture n’entrent pas dans la notation.
L’interdiction de baignade est signalée par l’affichage d’un arrêté municipal sur de discrets panneaux avec, la plupart du temps, un motif incompréhensible pour le quidam : « ruissellement de la pluie sur le bassin versant ».
En prime, en accusant la pluie, pas besoin de remédier à la véritable cause de la pollution, à savoir l’épandage massif, l’été dans les champs, de lisier de cochons et de fientes de volailles. Sous le sable chaud, les bactéries fécales… »
Le Canard Enchaîné, page 5, mercredi 26 août 2020.