Eaux glacées vous offre son grand quizz de l’été. Les boues d’épuration sont-elles des déchets, dont l’utilisation est soumise à d’épouvantables contraintes qui conduisent à un engorgement croissant des filières qui en permettaient l’élimination, ou un séduisant compost paré de toutes les vertus d’une époque dont le « green-washing » figure le fier emblème ? Le (ou la) gagnant(e) de notre grand quizz sera nommé(e) conseiller(e) es-boues au Meeddat, près Jean-Louis Houdini.
Il ne vous aura pas échappé que notre fière annonce est grosse d’une entourloupe que votre sagacité conduira à repousser d’un revers de manche. Halte-là, l’affaire mérite que l’on s’y penche de plus près.
C’est en croisant fortuitement hier à l’Assemblée, où l’on dissertait du Siaap et de la refonte de la station d’Achères, l’un de nos plus éminents spécialistes de l’organique que l’empoisonnante question nous est revenue en mémoire.
Voyez plutôt.
Les dix millions de tonnes de boues d’épuration produites chaque année en France, qui donnent chaque année un million de tonnes de « matières sèches », sont réglementairement des déchets, au titre des :
– Décret du 8 décembre 1997 “épandage de boues de stations d’épuration”
– Arrêté du 8 janvier 1998 “épandage des boues de stations d’épuration”
– Circulaire du 14 mars 1999 “épandage de boues de stations d’épuration”
– Circulaire du 18 avril 2005 “épandage de boues de stations d’épuration.”
Traduire ça devient la croix et la bannière de s’en débarrasser puisque les incinérateurs n’ont pas bonne presse, que leur stockage est quasiment devenu impossible, Directive européenne oblige, et que nos agriculteurs se font avoiner par la grande distribution, qui histoire de se refaire une beauté après les catastrophes sanitaires en rafale des années 90 ont édicté des « Chartes » qui clament urbi et orbi qu’elle n’écoule pas dans ses rayons des produits ayant été élevés... aux métaux lourds.
Du coup c’est devenu littéralement infernal de pérenniser la filière de l’épandage et chaque enquête publique se transforme en chemin de croix.
Heureusement, la France, fille aînée de l’Eglise, est terre de miracles.
Depuis 2004, les « composts » issus de boues d’épuration urbaines peuvent faire l’objet d’une commercialisation lorsqu’ils répondent aux critères définis dans la norme d’application obligatoire NFU44095 relative aux composts contenant des matières d’intérêt agronomique,issues du traitement des eaux.
Vous ne suivez plus, moi non plus, d’où notre quizz.
Les boues sont donc des déchets, assujettis à d’épouvantables contraintes, puisque les décrets, arrêtés et circulaires précités n’ont pas été abrogés, et sont dans le même temps du compost, si conforme à la norme précitée.
Qui promulgue les décrets, arrêtés et circulaires : l’Etat.
Qui promeut la norme, une institution privée : l’AFNOR.
Déchet ou compost ?
Comment le déchet peut-il se transformer en compost ?
Le gagnant mérite bien vous le verrez d’être adoubé conseiller es boues de l’ami Houdini.
Soyons juste, là ce n’est pas lui mais ses prédécesseurs qui ont béni le tour de passe-passe.
Pour vous forger une opinion éclairée, voir ci-après :
– Le Guide des boues rédigé pour l’Association des maires de France en 2007.
– L’arrêté « compostage » du 22 avril 2008.
Bon bain...
Voir aussi l’annexe du "Guide des boues" sur le site de l’AMF
Et puisque l’on en parle, voir aussi l’article de l’ami Gérard Borvon sur
la nouvelle taxation des boues de stations d’épuration : le domaine du n’importe quoi.
commentaires
Bonjour.
Trouvant l’analyse un peu légère, je me permets trois courtes remarques :
1/ Il ne vous aura pas échappé qu’avant d’être normalisées comme compost, les boues doivent avoir été... compostées.
2/ Bien que ce soit l’AFNOR qui élabore et publie la norme, l’Etat la "rend d’application obligatoire", dans le jargon - l’avalise, autrement dit. Cf. par exemple le lien ci-après sur Adminet.
3/ Entre autres préconisations, la norme fixe un certain nombre de critères de composition des boues utilisées pour la fabrication du compost, outre ceux portant sur la composition du compost lui-même.
Bien cordialement.
Merci beaucoup pour cette remise en perspective. Il ne vous aura pas échappé que mon questionnement (ironique) portait sur la rationalité économique de la coexistence des deux filières, sans même creuser plus avant sur la pirouette "réglementaire". Dit autrement, si les boues utilisées pour la fabrication du compost ne répondent pas aux normes, qu’en fait-on ? Et cela ne fait-il pas peser le risque de jeter l’opprobre sur la filière boues"tradi" ? Bien cordialement.
Noter aussi deux informations évoquées lors de la réunion de la Commission assainissement de l’ASTEE du 13 mai 2008 :
« (...) Dans le cadre de la directive Déchets, EUREAU a proposé un amendement pour exclure les boues recyclables en agriculture du statut de déchets.
La commission européenne préparerait un appel d’offre pour l’évaluation des risques associés à la ré-utilisation des boues en agriculture et/ou d’autres filières. »
Bonjour,
Pour information et pour ceux qui s’intéressent au SIAAP, son directeur vient de lancer son blog : http://www.seineavaldemain.siaap.fr/blog/