Une anthropologue française a consacré quinze ans de sa vie à étudier l’histoire d’un barrage édifié à la fin de la seconde guerre mondiale dans la vallée de la Dordogne, et l’impact sur les populations affectées, qui s’est transmis de génération en génération. Ce beau livre à ému le président de la République.
Ce livre est le fruit d’un long travail, effectué avec les derniers survivants directs d’un barrage construit il y a 60 ans. L’auteure a conduit les enquêtes dans une perspective durable : tous les entretiens ont été réalisés avec les Archives Départementales de la Corrèze et du Cantal. Trente et un témoins directs, qui avaient entre 29 et 10 ans à l’époque, ont été enregistrés. Une quarantaine d’heures d’entretien est stockée dans la base de données, avec des photos d’archives privées, des dossiers d’expropriation, etc.
L’exemple de Bort est mis en perspective avec celui d’autres populations déplacées à travers le monde (barrage des Trois Gorges, Belo Monte, Assouan etc.). L’auteure souligne l’avancée des politiques publiques grâce à la résistance des habitants de Port-Dieu (62 foyers expropriés, sur les 140 familles déplacées par le barrage de Bort).
Ils ont résisté et ils ont obtenu de se déplacer ensemble avec la création d’une nouvelle commune sur le plateau à Confolent. Ils ont ainsi créé une nouvelle politique publique, appliquée grâce à l’appui politique d’Henri Queuille.
L’ouvrage évoque aussi d’autres avancées des normes internationales actuelles : il ne serait plus possible aujourd’hui de déplacer les gens de cette façon-là, en créant autant de ressentiment, transmis sur deux à trois générations. Les témoins prennent le temps d’expliquer le lourd fardeau constitué par la perte des terres de leurs ancêtres et la démolition de leurs maisons si chèrement acquises et entretenues avec tant d’attention... Leur témoignage à une portée universelle.
L’ouvrage a plu à François Hollande ! L’auteure a donné une conférence au Conseil Général de la Corrèze à la fin janvier, or le Président de la République était à Tulle et lui a demandé de lui envoyer "l’étude" à l’Elysée !
Armelle Faure a choisi d’étudier l’impact humain des grands barrages, au Burkina Faso (auquel elle a consacré sa thèse de doctorat à l’EHESS), puis dans d’autres pays d’Afrique et d’Asie et à Madagascar, ainsi que sur l’impact d’autres infrastructures qui causent l’expropriation des populations. Elle a aussi travaillé parallèlement depuis 14 ans sur les barrages français, en particulier dans la Vallée de la Dordogne.
Ce très beau livre est illustré par les photos de la jeune photographe toulousaine Adelaïde Maisonabe, et par les photos de l’époque de G. Sully.
D’après le Professeur T. Scudder (World Commission on Dams), cet ouvrage est une "première", du point de vue qualitatif (il n’y a pas d’analyse quantitative dans ce livre).
Le livre :
« Bort-les-Orgues, les mots sous le lac : récits et témoignages d’avant le barrage. »
Auteur : Armelle Faure, Adelaïde Maisonabe
Edition : Privat
Collection : Patrimoine régional
« Le barrage de Bort-les-Orgues est fêté pour sa prouesse technologique, mais on a trop longtemps oublié l’existence des familles rurales qui vivaient là avant sa construction. L’expropriation et la démolition de leurs maisons ont été un sacrifice dont la nostalgie persiste. Cet ouvrage veut réparer cet oubli, en rendant hommage à ces populations déplacées par l’hydroélectricité à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces témoignages rapportent la vie rurale, celle des fermes, des travaux, des fêtes et du commerce, organisés autour des trois petites gares englouties. On découvre le choc qu’a constitué le déplacement obligatoire et la douleur transmise aux descendants. Bort-les-Orgues, les mots sous le lac retrace une aventure humaine, sensible, et témoigne - avec force - de l’attachement d’une population à sa région. »
Contact :
Dr Armelle Faure
Anthropologue
Mel : Armelle.Faure@wanadoo.fr
commentaires
Alors là, si le camarade Stormovik se réveille, nous sommes quasiment à la veille de la prise du Palais d’Hiver, imaginez à quel point ces encouragements peuvent me conduire à redoubler d’excès !
Ah ça a ému François Hollande ?
A quand l’étude sociologique sur les dépossédés de NDDL qui tirera une larme du président normal ?
Sinon M. Laimé chapeau pour avoir levé le lièvre de l’onema en premier ! Et excellent article également dans Carnets d’Eau au sujet des "problèmes" du conseil privé en DSP... ce type d’analyse reste trop rare. Continuez !