La renégociation, en 2006, du contrat de distribution d’eau potable s’était traduite par un avenant obligeant la Lyonnaise des Eaux à restituer 232 millions d’euros au service de l’eau, et donc aux usagers bordelais. Le Conseil de la Communauté urbaine vient de décider de poursuivre l’offensive sur le contrat d’assainissement. Cette fois ce sont 74 millions d’euros qui sont en jeu.
Le contrôle, intervenu au 1er trimestre 2007, de l’exécution du contrat d’affermage de l’assainissement a également été fructueux. Il a révélé des profits supérieurs de 74 millions d’euros au point d’équilibre financier du contrat, tel que négocié en 2000. Au point que le président de la CUB, à l’époque Alain Rousset, déclara « La rentabilité du contrat est exceptionnelle pour l’entreprise et scandaleuse pour la Communauté urbaine ».
Ces « surprofits » n’apparaissaient pas dans les comptes-rendus annuels de la Lyonnaise des Eaux. Seul le contrôle de la comptabilité générale a permis de montrer la surévaluation des charges affichées dans les comptes-rendus financiers établis par le délégataire. Entre autres, il a été établi que le tarif de la redevance payée par les usagers prenait en compte des intérêts de financement des investissements en réalité …autofinancés. Il n’y a sans doute pas qu’à Bordeaux que les délégataires pratiquent ainsi.
Ce montant de 74 millions d’euros pourrait être supérieur puisque la communauté urbaine ne dispose toujours pas des tableaux d’amortissements des investissements annoncés par Lyonnaise des Eaux.
Outre le contrôle annuel qu’impose le code général des collectivités , cet audit comptable participait à la révision quinquennale prévue au contrat. Cette révision périodique est une garantie pour les parties mais aussi pour les usagers. Elle aurait dû se traduire par un avenant entrant en vigueur en janvier 2006…
La Lyonnaise des Eaux n’a pas manifesté un zèle excessif à cette renégociation. Manifestement elle espère un renversement de la majorité de gauche du conseil de communauté après les élections municipales de mars prochain. Son directeur local n’hésitait pas dès la mi-novembre à déclarer « Il me semble peu probable que nous puissions parvenir à la signature d’un avenant au contrat avant les prochaines municipales. Les élus en décideront mais ils ont d’autres priorités »
Il est vrai que le délégataire n’avait pas eu à se plaindre des avenants indolores et insipides signés par M. Alain Juppé quand il présidait la communauté urbaine de Bordeaux (Avenant de 1996 pour l’eau et de 2000 pour l’assainissement).
Indolores, parce qu’ils ne remettaient pas en cause l’énormité des profits faits sur le dos des usagers (492 millions d’euros pour l’eau sur un chiffre d’affaires de la délégation de 1 800 millions, assurant une rentabilité des capitaux investis de 29 % pour une activité bénéficiant d’un monopole spatial et temporel de 30 ans).
Insipides, parce qu’ils maintenaient le modèle économique sur lequel sont bâtis ces contrats, modèle qui veut que plus le délégataire « vend » d’eau plus il gagne d’argent. Et vive le développement durable…
Toutefois les contrôles comptables approfondis pratiqués depuis seulement fin 2005 ont également abouti à remettre en cause le travail fait, ou plutôt non fait, à l’occasion de ces avenants.
De plus ce qui s’est passé ce matin pourrait aboutir à des changements importants. Après plusieurs mois de négociations, particulièrement peu actives de la part de la Lyonnaise, les élus ont pris acte des désaccords existants. Le conseil de communauté, sous la présidence du socialiste Vincent Feltesse a décidé :
– De saisir la commission de conciliation prévue par le contrat. Composée de 3 membres, le premier désigné par la CUB, le second par le délégataire et le troisième par les deux premiers, elle dispose de 3 mois pour rendre un avis sur le « juste prix » de la redevance d’assainissement. Sa proposition pourra être acceptée par les deux parties. Dans ce cas, un avenant interviendra. Si seule la CUB accepte l’évaluation proposée, elle pourra fixer unilatéralement le tarif de l’assainissement, le délégataire pouvant attaquer cette délibération devant la juridiction administrative.
– Une baisse de 3,8% de la redevance assainissement à compter du 1er mars 2008. Cette baisse complète la suppression de l’augmentation de tarif de 6,12% qui était prévue au 1er janvier 2007. Au total, c’est une baisse de près de 10 % dont bénéficient les usagers.
Fait notable, ces deux délibérations ont été adoptées à l’unanimité.
Au total, ce sont près de 17 millions d’euros sur les 74 qui sont rendus aux usagers, en attendant plus.
Ces résultats, encore insuffisants, ont été rendus possibles :
– d’une part, par l’action de l’association d’usagers TRANS’CUB qui a obtenu la mise en place de la commission de contrôle financiers des délégataires de services publics (Eau, assainissement, déchets, transport, parcs de stationnement),
– d’autre part, grâce à la volonté politique des deux derniers présidents de la CUB, MM. Rousset et Feltesse, qui ont soutenus ces contrôles.
Comme précisé, par le président de la CUB, cette procédure n’exclut nullement la possibilité pour la collectivité de rompre par anticipation le contrat avant son terme initial de décembre 2012.
À suivre…
Lire :
Les eaux glacées du calcul égoïste, 14 décembre 2006
Bordeaux (2) : nouveau bras de fer entre Suez et la CUB
Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 avril 2007
Bordeaux (3) : après le contrat de l’eau, Suez-Lyonnaise épinglé sur celui de l’assainissement
Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 février 2008