Selon les premiers retours des collectivités locales et des professionnels, la baisse de la consommation d’eau potable a été comprise entre 3 et 4 % l’an dernier en France. Un chiffre bien supérieur au recul moyen annuel de 0,5 % à 1 % observé depuis deux décennies.
La sécheresse de l’été 2022, qui a frappé les esprits, a sans doute joué un rôle dans les comportements des consommateurs d’eau potable.
Les chiffres officiels ne seront connus que dans plusieurs mois, lorsque toutes les données remontant des collectivités locales (qui assurent la gestion de l’eau dans l’Hexagone) auront été consolidées. Mais la tendance qui se dessine d’après les premiers retours montre une évolution inédite : la consommation d’eau potable aurait baissé en France de 3 à 4 % en 2023.
Une « enquête flash » menée par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), auprès de collectivités représentant 13 % des volumes facturés en France, arrive à une baisse de 3,2 %. Cette estimation est confirmée par la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), qui évalue le recul moyen des volumes consommés à 3 % en 2023, « avec des baisses pouvant aller jusqu’à 10 % dans certains territoires », indique Aurélie Colas, sa déléguée générale.
« C’est du jamais-vu !, souligne Régis Taisne, directeur du cycle de l’eau à la FNCCR. Depuis vingt ans, la baisse annuelle au niveau national est plutôt comprise entre 0,5 % et 1 %. » Dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse, où les chiffres sont déjà connus, la consommation d’eau potable a même reculé de 3,7 % en 2023, précise-t-il.
Cette évolution reste toutefois difficile à interpréter, l’évolution de la consommation des différents usagers (agriculteurs, ménages, industriels, centrales électriques) en 2023 n’étant pas encore connue. Selon Aurélie Colas, « on constate une forte baisse chez les industriels, qui ont investi dans des équipements plus économes, mais aussi chez les particuliers ».
La sécheresse de l’été 2022, qui a frappé les esprits, a sans doute joué un rôle. « On peut imaginer que les messages martelés dès le début de l’hiver 2022 , sur la rareté de la ressource et la possibilité d’une nouvelle sécheresse en 2023, ont produit des effets sur les comportements », veut croire Régis Taisne. Alors que les baisses étaient jusque-là liées à l’utilisation d’appareils, électroménagers par exemple, plus économes, « il y a eu une prise de conscience après la sécheresse de 2022 et les usagers se sont engagés dans une trajectoire de sobriété dont l’ampleur a surpris », assure Aurélie Colas.
Autre explication, les arrêtés sécheresse qui se sont multipliés l’an dernier : la situation préoccupante des nappes phréatiques au printemps a conduit le gouvernement à prendre des arrêtés de restriction d’eau dans de nombreux départements, interdisant certains usages (arrosage des pelouses, remplissage des piscines, lavage des voiries) et imposant à certains industriels de réduire leur consommation.
Mais la baisse pourrait aussi être trompeuse, s’inquiète Régis Taisne. « Selon certaines sources, le nombre de forages de prélèvement d’eau dans la nature a fortement augmenté à la suite de la sécheresse. Or tous ne sont pas déclarés », avance-t-il. La consommation des personnes privées ayant eu recours à de tels forages pour remplacer l’eau potable utilisée jusqu’alors serait ainsi décomptée des relevés officiels. « Nous n’avons pas d’éléments à ce stade pour mesurer s’il s’agit d’un phénomène marginal », poursuit le spécialiste.
Pour les professionnels, la tendance de 2023 ne doit en tout cas pas freiner les efforts nécessaires de sobriété. « Il ne faut pas tirer trop d’enseignements d’un chiffre sur une seule année, et surtout ne pas en déduire trop vite que les comportements ont changé structurellement », alerte de son côté Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, une autre association représentant les collectivités locales.
Le gouvernement, via le "Plan Macron", a fixé un objectif de réduction des prélèvements d’eau de 10 % d’ici à 2030 dans le Plan eau annoncé en mars 2023 , qui demandera un véritable effort supplémentaire.