Un citoyen Saint-Affricain, professionnel de l’eau, témoigne des tribulations qui ont conduit une société anonyme à prendre le contrôle de l’eau dans sa commune, poursuivant les alertes qu’Eaux glacées n’a cessé de multiplier depuis la création des SemOp.
« Voila, c’est fait !
Saint Affrique (12400), petite commune de l’Aveyron est la 14ème commune Française à avoir cédé son service public de gestion de l’eau potable à des banquiers-actionnaires, via la SA SAUR.
Un point sur le sujet me paraît formateur pour les prochaines communes, qui seraient confrontées à cette nouvelle forme d’économie institutionnelle que nos politiques souhaitent mettre en place.
En tant que professionnel de l’eau, je suis, avec la plus grande attention, les évolutions du devenir de notre patrimoine hydraulique depuis 30 ans.
A mon grand désespoir ma propre commune s’est engagée dans cette voie.
Ma surveillance, s’est donc transformée en résistance.
Pour moi, ce type de gestion est avant tout l’aboutissement d’un long processus de désintégration des services techniques municipaux aux profits de prestataires privés.
Cette fuite des savoirs s’explique par l’appauvrissement des compétences technologiques de nos communes, orchestrée sciemment par nos élus, qui se sentent dépassés par la multiplication des normes, contraintes et responsabilités liées à ce domaine.
Saint Affrique n’a pas échappé à cette fuite en avant, après 20 ans de délégation de service avec la société Veolia, elle a du se résoudre à faire un choix au 1er janvier 2018.
Epaulée dans son choix par la société Egis, groupe d’ingénierie et de montage de projets d’exploitation, filiale à 75% de la Caisse des dépôts, celle-ci a fourni une étude comparative sur les différents modes de gestion possibles pour Saint-Affrique.
Leur conclusion est sans appel.
Au vu de l’incompétence sur le sujet des services techniques municipaux et aux besoins d’investissement pour la remise en état des réseaux laissés à l’abandon par le précédant prestataire (Veolia), une SEMOP leur semble inévitable.
Ce conseil, qui ressemble plus à une sanction, n’a pas ému le maire. Celui-ci a très vite perçu les avantages qu’il pourrait tirer de cette situation.
Après une présentation fallacieuse du projet à la population et des conditions d’attribution que je qualifierais de « rocambolesques », la SA SAUR s’est vu attribuer 60% des parts de cette nouvelle société.
Bien que l’étude des statuts constitutifs de cette société anonyme laisse pantois les professionnels qui l’ont parcouru, ces derniers ont été enregistrés !
Après avoir personnellement tenté d’alerter la population, nos élus, les professionnels, la Chambre Régionale des Comptes… j’ai commencé les recours légaux à ma disposition, je dois reconnaître que ce sujet bénéficie d’une omerta totale.
Néanmoins, ces sujets sont soumis à de grandes fluctuations et dans les années à venir de profonds changements semblent inévitables.
Nos élus sont donc amenés à faire des évaluations au « doigt mouillé » voire des « paris » sur l’avenir de leurs services publics.
Ce manque de visibilité à long terme pousse nos élus à prendre des décisions d’ordre général sur rien de bien précis, en privilégiant avant tout l’impact électoral que celles-ci pourraient avoir.
L’application de la loi NOTRe et le transfert de compétence « eau potable et assainissement » prévue pour le 1er janvier 2020 (quelques mois avant les élections municipales) en sont l’exemple le plus atypique.
Les remous qu’ils provoquent auprès de nos élus semble annoncer une longue période d’incertitude et favorisera, sans aucun doute possible, des incidents d’ordre sanitaire, financier, électoral…
L’attentisme de notre gouvernement sur le sujet est particulièrement préjudiciable aux décisions indispensables, voire urgentes, que doivent prendre nos élus, afin de pérenniser la gestion de leurs services publics.
Je serais tenté de leur conseiller de s’affranchir de ces directives floues, voire incohérentes, pour gérer le devenir de leurs services publics d’eau potable et d’assainissement, dont ils seront responsables auprès de la population, mais en aucun cas coupables auprès des administrations tutélaires.
Bien évidemment, cette analyse de la situation m’est personnelle et n’engage que ma crédibilité sur ces sujets. »
Jean Lhermitte (*) est un citoyen Saint Affricain.