Le choix du futur mode de gestion du Syndicat des eaux d’Ile-de-France n’en finit plus de susciter des remous. A l’approche du 11 décembre 2008, date à laquelle les 142 délégués qui y représentent autant de communes d’Ile-de-France sont invités à voter pour ou contre l’option d’un renouvellement de la délégation de service public détenue par Veolia depuis 1923, un « débat dans le débat » anime les rangs de la vingtaine de délégués rattachés au groupe « Communistes et partenaires », qui se sont prononcés, à l’instar des délégués PS, pour un retour à la gestion publique du syndicat. Mais quelle forme de gestion publique ? M. Gilles Poux, maire de la Courneuve, Vice-Président du Syndicat des Eaux d’Ile-de-France depuis le 15 mai dernier a rendu public le 18 novembre un texte auquel vient de répondre M. Jacques Perreux, Vice-président (PC) du Conseil général du Val-de-Marne. Au-delà des apparences, cet échange exprime en creux des divergences d’approche qui, si elles n’évoluaient pas vers un consensus, qui semble pourtant en voie se dessiner, pourrait peser lourd le 11 décembre prochain...
Le texte de M. Gilles Poux :
« Le futur choix du SEDIF à propos de son mode de gestion suscite un important et légitime débat, tant la question de l’appropriation sociale de la gestion des ressources en eau est un enjeu majeur.
Mais de grâce, arrêtons les anathèmes et les caricatures.
La première question qu’il me paraît nécessaire de poser est : « Est-ce que les 140 communes qui ont construit ce syndicat en 1923 pour permettre aux 4 millions d’abonnés d’avoir en permanence une eau de qualité, une sûreté d’approvisionnement, ont failli ? »
A l’évidence, non, les chiffres sont là. 93 % des usagers sont satisfaits et toutes les études techniques montrent le haut niveau de prestation, comme la fiabilité du réseau.
Dans ce résultat, les élus communistes ont su jouer leur rôle et je pense particulièrement à Jean-Pierre Brard, mon prédécesseur, qui a contribué à faire évoluer cet outil afin que les élus et les citoyens, le maîtrisent tout en portant avec succès l’exigence d’une réduction du prix de m3 d’eau.
La deuxième question concerne les processus de décision en cours : « Y-a-t-il un coup de force ? »
Franchement je ne le pense pas. Quel que soit le choix que feront les 140 délégués le 11 décembre 2008, celui-ci se fera au bout d’un vrai processus démocratique. Alors que le contrat qui lie le syndicat à Veolia arrive à terme le 31 décembre 2010, c’est dès 2006 que la réflexion a été lancée.
Ce processus a commencé par une mise à plat de la gestion actuelle en toute transparence avec l’appui d’un cabinet indépendant.
Toutes les pistes de gestion à venir ont été mises en débat, des séances d’information et d’échanges avec les délégués ont été organisées, comme des réunions du comité syndical pour faire le point en lien avec le travail d’expertise du cabinet d’audit. Des rencontres avec les associations d’usagers, notamment l’UFC-Que Choisir se sont tenues. Les différents groupes, dont le nôtre, ont organisé des séances de travail, des délégués ont pris l’initiative de rencontres publiques, de séances exceptionnelles de Conseils municipaux.
Au final, on peut dire que jamais dans la vie du syndicat, une telle volonté de participation citoyenne n’a été à l’ordre du jour. J’ai la faiblesse de penser que le travail des élus communistes n’y est pas pour rien.
On peut même ajouter que rarement dans les décisions stratégiques des différentes syndicats intercommunaux, des conseils municipaux ou généraux de telles pratiques soient à l’œuvre.
La troisième question a trait à la position réelle des élus communistes et partenaires.
Celle-ci s’est appuyée sur notre détermination à porter l’exigence d’un grand service public national de l’eau.
Car oui, l’eau n’est pas une marchandise, cela suppose donc de sortir sa gestion de la sphère des marchands.
Cela nous interpelle, sur la bataille politique en faveur de la nationalisation des deux grands groupes Français (Veolia et Suez) afin de redonner à la puissance publique, les outils techniques indispensables à la maîtrise et au développement de la production de l’eau, qui manque aujourd’hui.
Parallèlement, nous avons œuvré pour que sans attendre cette échéance, le choix à venir n’hypothèque pas une mutualisation entre les quatre syndicats de la Région parisienne.
Enfin nous avons posé avec force l’exigence d’une baisse du prix du m3 d’eau grâce à un meilleur contrôle des prestations et l’arrêt des marges scandaleuses que réalise Veolia, la mise en place d’une tarification sociale, rendant ce bien accessible à tous.
C’est au regard de ces ambitions transformatrices et face à l’absence de solution satisfaisante aujourd’hui, que notre groupe a pris position (17 pour et 3 abstentions), en faveur d’une régie publique avec marché public, ce qui nous conduira le 11 décembre 2008 à voter contre le choix proposé d’une régie intéressée.
La dernière question pourrait être « le 11 décembre 2008, sera-t-il la fin de l’histoire ? »
Je ne le crois pas. Nous aurons alors, quelle que soit l’issue du vote des délégués, deux ans de travail pour préparer la mutation à venir. Un autre travail commencera pour permettre quelle que soit la décision prise, de mettre en place une gestion plus démocratique, plus transparente, plus efficace et plus rigoureuse sur le plan financier.
Même si, sur ce dernier point, il ne faut pas oublier que pour 1m3 d’eau moyen vendu à 3,98 €, le SEDIF pèse pour 1,843 €, la différence trouvant sa source dans les taxes et redevances pour le traitement des eaux usées.
C’est cet esprit de responsabilité qui anime notre travail et qu’attendent de nous les usagers. »
La réponse de M. Jacques Perreux :
« Cher Gilles,
Permets-moi de réagir publiquement et fraternellement, à ce que je perçois être une évolution de ta position dans le domaine de la gestion de l’eau.
Evolution ! En effet, quelque temps avant les municipales, tu avais selon tes dires, tenu à exprimer dans un débat à mes côtés, ta prise de parti en faveur d’une gestion en régie directe publique pour le SEDIF.
Aujourd’hui, alors que cette perspective est offerte et que nous pouvons faire évoluer le rapport de forces, tu nous proposes la nationalisation des multinationales de l’eau et tu nous dis que le processus de décisions en cours est vraiment démocratique.
Tu comprendras que ta position ne soit pas très compréhensible pour beaucoup de militants engagés dans ce combat.
Nationalisation ? Serait-ce là, la nouvelle position du PCF ? Depuis des décennies, jamais à l’occasion d’une élection nationale, présidentielle ou législative, le PCF n’a défendu ce point de vue. Jamais non plus, lorsqu’il a participé au gouvernement et avait la possibilité de le faire entendre.
De plus, quand bien même la nationalisation serait une perspective imminente (sic)… en quoi cela devrait-il retarder la ré appropriation sociale au plan local, sans attendre un grand soir, si les conditions le permettent ?
C’est comme si, la bataille pour un véritable service public national de santé empêchait les maires communistes de construire ou moderniser des Centres Municipaux de Santé !
Chaque jour des services publics, que ce soit de l’eau potable ou de l’assainissement, font la preuve de leurs capacités à être moins coûteux pour l’usager, et plus innovants que la délégation au privé. C’est le cas dans des grandes villes comme Le Havre, Strasbourg…, dans des départements comme le Val-de-Marne ou la Seine-St-Denis. Grenoble, Cherbourg, Castres, sont passés du privé au public sans ambages et avec avantages …et aujourd’hui c’est le tour de Paris.
Pourquoi ce qui s’est passé à Paris ne pourrait-il pas se passer au SEDIF ?
En effet, le groupe socialiste s’est prononcé sans équivoque pour la régie publique directe. Pourquoi le groupe communiste et partenaires opterait-il, lui, pour une « régie à marchés publics », qui perpétuerait sous un nouvel habillage réglementaire la rente de situation colossale de Veolia ?
Tu le sais, ces dernières années ont apporté leurs cortèges de scandales dans le domaine de l’eau. L’entreprise Veolia, pour ne citer qu’elle, défraie souvent la chronique pour ses dérives financières. Il n’y a pas que dans le dernier James Bond que les agissements des multinationales de l’eau sont associés à la corruption, la répression et des bénéfices d’un montant inadmissible.
Partout dans le monde, des peuples, des communautés, des militants doivent se battre parce que la privatisation de leur eau signifierait la limitation du droit à l’eau, l’augmentation des maladies hydriques et de la facture.
Beaucoup d’entre eux attendent des milieux progressistes français qu’ils agissent pour une gestion en régie publique de l’eau dans le pays qui sert de modèle à l’exportation du trop fameux partenariat public - privé.
Certains voudraient nous diviser entre gestionnaires et idéologues. L’attaque n’est pas nouvelle de la part de la droite. Pour elle la défense du service public relève de l’idéologie tandis que la défense des profits relève sans doute d’une loi naturelle… Ne laissons pas faire cela.
L’offensive ultra-libérale à laquelle participe à plus d’un titre Monsieur Santini, doit rencontrer une riposte unie.
J’ai bien noté que tu as annoncé que les élus communistes voteraient contre le choix proposé d’une régie intéressée.
C’est essentiel et comme beaucoup, j’espère que le vote des élus au SEDIF sera public tant il est normal que les citoyens connaissent les positions prises en leur nom.
Cher Gilles nous divergeons sur l’appréciation du déroulement du processus en cours, même si comme tu le notes, des avancées ont eu lieu. Il reste qu’elles ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Tu le sais bien, le temps des élus n’est pas le même que celui des citoyens.
De plus de nombreux délégués ne siègent au SEIF que depuis mars et ont donc besoin de temps pour maîtriser les dossiers et les études.
D’autre part les citoyens et associations qui s’intéressent à cet enjeu avaient tous en tête que le renouvellement du contrat du SEDIF se posait en janvier 2011 et non en décembre 2008, ils ont donc le sentiment – on peut le comprendre - d’être pris de vitesse alors que de nombreux débats sont prévus et nécessaires.
En fait, cette exigence démocratique et écologique, de citoyenneté et de transparence, est une chance car elle est la condition pour que l’eau soit vraiment notre bien commun. Encourageons la ensemble.
Bien fraternellement à toi. »