Quant une législation est bricolée aussi hasardeusement que celle de l’ANC, les pataquès ne tardent pas à se multiplier. Dans le registre l’ANC fera bientôt figure de cas d’école, comme en témoignent le flot de questions adressées par des parlementaires à M. Jean-Louis Borloo et NKM, qui n’en peuvent mais. On comprend que certains maires aient renoncé à briguer un nouveau mandat pour n’avoir pas à trancher en matière d’ANC…
Voyons d’abord l’épineuse question du raccordement à l’égout qui, quand il s’est trop longtemps fait attendre, a souvent conduit des particuliers à se doter d’une installation d’ANC.
C’est M. Jean-Louis Masson, sénateur (non inscrit) de la Moselle, qui interpellait en ces termes les ministres :
« Si une maison est située à l’écart du chef-lieu d’une commune, et beaucoup plus près de la commune voisine, peut-elle se raccorder au réseau d’assainissement de cette dernière ? Le peut-elle en particulier si le maire de la commune d’implantation s’y oppose ? Et si elle le peut, à quelle commune la redevance d’assainissement doit-elle être versée ? »
Réponse du ministre de l’Ecologie, du développement et de l’aménagement durable :
« Oui, le raccordement d’une maison isolée au réseau d’assainissement d’une commune que celle d’implantation est possible, mais il faut alors l’accord des deux communes concernées, puisqu’il s’agit d’une compétence communale. Quant à la redevance d’assainissement, elle devra être versée à la commune qui sera responsable de la collecte, ou à son délégataire. »
(JO Sénat Q 2007 n° 46).
On souhaite bon courage aux impétrants qui s’aventureront à priver « leur » commune de la précieuse taxe, lors même que celle-ci rechigne à les raccorder depuis des années…
Permis de construire : réforme bâclée
La récente réforme du permis de construire, qui a supprimé l’obligation de joindre dans les demandes de permis les pièces que la loi n’autorisait pas à demander, a mis en évidence une faille de la LEMA du 30 décembre 2006.
En réponse à une question de M. Thierry Repentin, sénateur de Savoie (socialiste), publiée au Journal officiel du Sénat du 13 décembre 2007, le MEDAD reconnaissait la faille.
Le contrôle des systèmes d’assainissement ne peut à l’évidence être effectué à priori, il ne peut être réalisé qu’après installation. La question du contrôle des systèmes d’assainissement individuel est donc un vrai problème mais il n’est pas lié, selon le MEDAD, à la réforme du permis de construire.
Reste que la loi sur l’eau n’autorise pas un contrôle à priori des installations d’assainissement individuel ; elle prévoit seulement un contrôle technique lors de la mise en service du dispositif. Conformément à ce principe, l’autorisation de mise en service d’un système d’assainissement non collectif est accordée par la commune ou par l’établissement public de coopération intercommunale compétent, à l’occasion d’un contrôle de l’installation, et non préalablement à la réalisation des travaux.
Conscient que l’absence de contrôle à priori puisse créer des difficultés, les services du MEDAD, en liaison avec ceux des autres ministères, réfléchissent donc aux « éventuelles évolutions législatives qui pourraient être soumises au Parlement ». Un groupe de travail s’est ainsi réuni pour la première fois le 17 octobre 2007.
Et le MEDAD de préciser :
« La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 prévoit que les modalités de l’exécution de la mission de contrôle des installations d’assainissement non collectif seront définies par arrêté interministériel. Cet arrêté est actuellement en cours de rédaction et abroge celui du 6 mai 1996 relatif au contrôle. La loi définit le contrôle des installations réalisées ou réhabilitées et ne prévoit pas celui des installations en projet. Ainsi lorsqu’un propriétaire présente une demande de permis de construire comportant un projet d’assainissement non collectif, aucun avis n’est alors formulé sur l’installation. Le service d’assainissement risque cependant de délivrer quelques mois plus tard un avis négatif nécessitant une modification de cette installation. Or le législateur a souhaité que le contrôle de l’assainissement non collectif permette de progresser dans la qualité des installations. Le service d’assainissement est donc fondé à intervenir au moment où l’installation est en cours de réalisation. Des réflexions sont actuellement en cours pour mieux articuler l’intervention des différents services. »
Ce qui n’épuise pas le débat !
En effet le contrôle de la conformité des installations d’ANC lors de l’instruction du permis de construire fait de plus en plus problème puisque l’avis du service d’assainissement n’est pas une obligation.
De plus, les documents obligatoires pour cette instruction au titre du permis de construire sont insuffisants pour juger de la conformité (un simple plan masse), et il n’est pas possible (toujours au titre du permis de construire), de demander « légalement » des documents supplémentaires : une étude de sol par exemple…
Il est évident que sur le terrain il est impératif que le service d’assainissement soit consulté pour toute demande de permis et que la procédure d’instruction au titre de la conformité de l’installation soit menée en parallèle à celle du permis de construire.
Bon courage…
Zonage et raccordement : valse hésitation
Le grand bazar prend décidément de plus en plus d’ampleur quand on prend connaissance de la réponse du Medad, publiée au Journal officiel du Sénat du 3 janvier 2008, à la question écrite posée par M. Joël Bourdin, sénateur (UMP) de l’Eure, et publiée au JO du Sénat le 5 juin 2007.
Là on touche au sublime :
« L’obligation d’assainissement des eaux s’applique même aux propriétaires situés dans des zones prochainement équipées d’assainissement collectif. Les propriétaires de logements situés dans des zones d’assainissement collectif non équipées doivent être dotés d’un assainissement autonome. Il n’est pas possible de déroger à l’obligation de traitement des eaux usées. Il appartient au maire de veiller à limiter les situations où les propriétaires doivent supporter successivement une installation d’assainissement non collectif et leur raccordement à l’assainissement collectif, en s’assurant de la cohérence des zonages effectués sur sa commune et de la programmation des équipements d’assainissement collectif. Pour les propriétaires contraints de supporter le coût de l’assainissement non collectif avant la création du réseau public de collecte, le maire peut proroger, sur une durée pouvant atteindre dix ans, le délai de raccordement afin de leur permettre d’amortir leur installation d’assainissement non collectif. »
Traduction : ma commune ne m’a pas raccordé, mais j’ai supporté le coüt du raccordement des autres (chanceux) habitants. Je me suis équipé d’une installation d’ANC (à mes frais), mais mon domicile est situé dans un zonage collectif, et je serai donc raccordé un jour… Mais pas tout de suite, sinon je paierais deux fois, donc on va encore reculer la date de mon raccordement au collectif, jusqu’à dix ans…
Bon courage !
Le dossier de l’ANC
Assainissement non collectif (1) : les usagers vont trinquer, 4 mai 2007 :
Assainissement non collectif (2) : les difficultés commencent, 4 juin 2007 :
Assainissement non collectif (3) : Point de vue du Syndicat de l’ANC des Vosges, 12 juin 2007 :
Assainissement non collectif (4) : le grand bazar, 10 juillet 2007 :
Assainissement non collectif (5) : les arrêtés d’application de la LEMA, 26 septembre 2007
Assainissement non collectif (6) : les micro-stations d’épuration, 23 octobre 2007
Assainissement non collectif (8) : comment réduire la facture ?, 8 novembre 2007
Assainissement non collectif (9) : recherches tous azimuts, 16 novembre 2007
Assainissement non collectif (10) : comment financer les SPANC ?, 23 novembre 2007
Assainissement non collectif (12) : les usagers continuent à trinquer…, 4 janvier 2008