Pourquoi la désormais tristement fameuse usine Alteo de Gardanne, ex-Péchiney, qui rejette depuis cinquante ans dans la Méditerranée des quantités colossales de polluants qui ont provoqué, et continuent à causer, des dégâts considérables à l’environnement, n’a-t-elle jamais payé à l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse l’intégralité de la redevance “pollution”, dont elle aurait du s’acquitter, conformément à la Loi sur l’eau du 30 décembre 2006 ? Un jeune député PS vient de relancer ce scandale dans le scandale, en adressant le 11 octobre 2016 une question à Ségolène Royal.
Attention, dossier explosif. Cinquante ans de rejets polluants en quantité astronomique dans la Méditerranée. Un laxisme consternant de l’Etat qui a, non seulement laissé faire, mais au nom de la “défense de l’emploi” violé continument ses propres lois.
Jusqu’au bras de fer entre l’Archaïque Monsieur Valls et Ségolène Royal, qui a récemment défrayé la chronique, quand l’actuelle ministre de l’Environnement a accusé le Premier ministre d’avoir imposé une “dérogation”, qui permet à l’industriel de poursuivre son saccage de l’environnement pour 6 années supplémentaires…
Mais un autrre volet de l’affaire était resté dans l’ombre.
Jusqu’à ce qu’une remarquable enquête du tout aussi remarquable journaliste Julien Vinzent, du site marseillais Marsactu (bravo Julien !) ne lève le voile dès le 23 février 2012 sur un autre scandale dans le scandale :
“Les rejets de boues rouges moins taxés. Et après ? »
Une investigation qui n’a malheureusement pas eu l’écho qu’elle méritait.
A lire et relire absolument.
Le même Julien Vinzent y revenait dans un autre article de Marsactu le 28 juin dernier, titré :
« UNE TAXE POUR POLLUTION QUI POURRAIT GRIMPER »
« Autre hasard du calendrier pour l’usine d’alumine, l’agence de l’eau est en train de calculer sa redevance pour les nouveaux rejets, qu’elle paiera à partir de 2017. “Il devrait y avoir une baisse, estime Eric Duchenne. On rejette moins donc mathématiquement on va payer moins”.
Ce n’est pas ce qui semble se tramer à l’agence de l’eau qui décide du prix à payer en fonction du volume et de la nature du rejet.
Selon nos informations, il a été proposé la semaine dernière de relever les plafonds des redevances pour quatre paramètres dont la toxicité dite aiguë et les matières en suspension.
Jusqu’ici Alteo bénéficiait d’un joli cadeau de l’ancien député et actuel maire de Bouc-Bel-Air Richard Maillé, qui lui permettait de minorer ses redevances grâce au fait que ses rejets soient “loin dans la mer”.
Au lieu des 12 millions d’euros théoriques, elle a ainsi payé 2,6 millions d’euros en 2012.
Avec son nouveau type de rejet, elle espérait bien se délester d’une grande partie de cette redevance. Or Alteo devrait, selon les premières estimations, payer 1,7 puis 2 millions d’euros pour ses rejets de 2016 et 2017.
Surtout, l’agence de l’eau a décidé de faire financer des analyses des rejets à la sortie du tuyau. Une première dans ce dossier en plus de soixante ans à déverser des résidus de fabrication dans la mer. Mais le tout doit encore être validé à la rentrée. »
(Vraie galère pour Laurent Roy, ex-DEB, qui a succédé à Martin Guespereau à Eau RMC…)
La question de Christophe Premat à Ségolène Royal
Et c’est donc cet autre volet du scandale de la pollution aux boues rouges d’Alteo-Gardanne qu’a relancé le 11 octobre 2016 le jeune député (PS) des Français établis hors de France (3ème circonscription), Christophe Premat, en adressant la question suivante à l’actuelle ministre de l’Environnement :
“M. Christophe Premat attire l’attention de Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur l’harmonisation de la redevance sur l’eau et sur le contrôle de l’application de la taxe sur les activités polluantes.
Selon le code de l’environnement, la politique de l’eau a pour objectif la « gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ».
Elle est soumise à des obligations de résultats par plusieurs directives européennes, notamment les directives « nitrates » et « eaux résiduaires urbaines » de 1991, et la directive cadre sur l’eau (DCE) de 2000.
En France, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) est un opérateur national chargé de la police de l’eau, il agit aux côtés des agences de l’eau qui collectent auprès des usagers des taxes appelées « redevances » et qui les distribuent sous forme d’aides financières.
En février 2015, le rapport annuel de la Cour des comptes pointait le fait que des garanties devaient être fournies lorsque des aides étaient octroyées (point 5 du rapport).
Toutes les aides données aux industriels devraient pouvoir se traduire par une amélioration de la transparence et des montages financiers.
C’est le cas par exemple de l’entreprise Alteo qui a bénéficié d’une baisse majeure de 11 millions d’euros concernant la taxation de la redevance sur l’eau lors de la loi de finances rectificative de 2012.
Par la suite, il y a eu rejet d’effluents liquides à compter du 1er janvier 2016, même si l’autorisation de proroger le rejet des boues rouges a été accordée à la fin de l’année 2015.
En outre, le point 6 du rapport de la Cour des comptes (émet un) doute sur le bien-fondé des coopérations européennes et internationales. L’évaluation des agences et de leurs fonds pourrait être améliorée.
M. le député souhaiterait savoir si ces pistes se traduiront par un suivi des dépenses de ces agences ainsi que par une modification des redevances.
Il aimerait savoir s’il serait possible dans le même temps d’avoir une communication sur le taux appliqué de la taxe de redevance sur les activités polluantes.
En effet, pour ce taux d’application, aucune information n’est disponible alors que dans le cas de l’usine de Gardanne, la présence de métaux lourds a été reconnue.
En effet, l’entreprise précédente Péchiney utilisait déjà le procédé de rejets en milieu marin et avait même réalisé une étude sur ce sujet en 1992 (courrier du ministre Michel Barnier fin 1993 au député Jean Tardito suite à la saisine du maire de Cassis du 20 octobre 1993)."
Manifestation de Greenpeace à Gardanne
Greenpeace manifestait le samedi 16 octobre 2016 à Gardanne pour rappeler la gravité de la situation : "Altéo continue de déverser des rejets toxiques en mer et maintient à ciel ouvert des rejets solides toxiques, avec l’accord de l’Etat français".
L’association rappelle que depuis les années 1960, 30 millions de tonnes de boues rouges ont été rejetés dans la mer Méditerranée, la pollution allant bien au-delà du point de rejet et s’étendant vers le Var à la faveur de courants marins.
Greenpeace demande l’arrêt pur et simple de rejets toxiques en mer tant que les propriétaires de l’usine ne proposeront pas une solution plus performante, ainsi que le confinement des rejets solides.
Pour en savoir plus le blog La Loupe de Simiane Collongue à l’origine des questions au Gouvernement.