L’affaire des boues rouges de l’usine Alteo de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône n’en finit pas de provoquer des remous. Alors que de nouveaux recours sont en passe d’être défendus par plusieurs associations, une très discrète consultation “publique” vient d’être mise en oeuvre par le ministère de l’Ecologie. Close depuis le 2 janvier, elle camoufle l’habillage du scandale dans le scandale, celui des redevances “allégées” que l’usine reverse à l’Agence de l’eau Rhône-Méditerrannée, et prépare tout aussi subrepticement un changement des méthodes d’analyse de la qualité des rejets… Un grand classique. Faute de mettre un terme à la pollution, on casse le thermomètre, et toute comparaison entre l’avant et l’après devient impossible…
Quatre associations de défense de l’environnement (FNE, FNE PACA et FNE 13), la LPO, Surfrider Foundation et Sea Shepherd, ont annoncé le 4 janvier 2017 avoir déposé un nouveau recours devant le tribunal administratif afin d’attaquer l’arrêté préfectoral du 28 décembre 2015, imposé par Manuel Valls à Ségolène Royal, qui a autorisé l’industriel à continuer son rejet sous forme liquide en mer, en dépassant les seuils imposés par la législation pour 6 paramètres. Et lui accordant donc un délai de 6 ans pour améliorer la qualité de (et non stopper totalement) ses rejets et se mettre en conformité vis-à-vis de la convention de Barcelone.
Elles entendent ainsi œuvrer à ce que des mesures soient prises dès maintenant pour la protection et la sauvegarde de la Méditerranée, en demandant l’annulation pure et simple de l’arrêté mentionné.
http://civicrm.fne.asso.fr/civicrm/mailing/view?reset=1&id=4987
Car, comme vient de le rappeler Carole Filliu-Mouhali, dans la longue enquête publiée par Bastamag le 4 janvier,
Notons par ailleurs que le 7 décembre dernier l’association l’Echo des Calanques, fort active pour défendre le parc national, a écrit au nouveau Premier ministre Bernard Cazeneuve à propos de l’affaire ALTEO, courrier reproduit dans son dernier bulletin.
L’affaire Altéo/Gardanne s’invite à la Primaire...
Et Ségolène Royal de rappeler sur Europe 1 le 4 janvier 2007 l’épisode des boues rouges au cours duquel elle s’est publiquement opposée à celui qui était encore Premier ministre. En septembre dernier, Manuel Valls n’a pas voulu retirer l’autorisation que l’Etat a donnée à l’entreprise Alteo de rejeter des substances toxiques dans le parc national des Calanques. Une position à laquelle s’est farouchement et publiquement opposée Ségolène Royal qui accuse aujourd’hui l’ancien Premier ministre d’avoir cédé aux lobbys.
Sur France 2, elle poursuit :
"Il faut faire preuve de beaucoup de courage, résister aux différents lobbys. Ce n’est pas toujours ce qui a été fait. Souvenons-nous de l’accord qu’a donné Manuel Valls pour le rejet des boues rouges en Méditerranée par exemple, sur un chantage à l’emploi qui n’a pas de sens parce que détruire la nature, c’est détruire l’emploi."
Une consultation pour un enterrement ?
Tout cela est bel et bien bon. Sauf que dans le même temps, la mobilisation des « ressources administratives » semble en passe d’aboutir à de nouveaux miracles.
Il y avait déjà eu celui d’un innocent amendement, qui avait permis à Alteo, véritable « fraudeur environnemental », d’échapper à l’essentiel des redevances dont elle aurait du s’acquitter auprès de l’Agence de l’eau RMC.
C’est donc par le biais d’une très discrète « consultation publique » que le pan redevances de notre affaire rebondit. Et là, on vogue de surprise en surprise.
Déjà, il y a insuffisance d’information du public, voire tromperie sur l’objet du texte.
L’intitulé de la consultation est le suivant : "Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux modalités d’établissement des redevances pour pollution de l’eau et pour modernisation des réseaux de collecte » :
Ce qui pourrait laisser à penser à des innocents un peu bêtas que la modification touche toutes les pollutions, particulièrement les pollutions urbaines rejetées par les réseaux de collecte.
En réalité, la modification ne touche que la pollution non domestique, c’est à dire industrielle. L’intitulé de la consultation induit donc en erreur sur l’objet du texte.
Après ça se gâte. Le texte de présentation de la modification proposée est lui carrément mensonger : "Cet arrêté vise à ajuster les méthodes d’analyse de la toxicité aigüe pour certains rejets afin de mieux la caractériser."
Or l’arrêté ne concerne qu’un seul rejet : celui d’ALTEO !
La consultation ne présente pas correctement l’objet du texte : elle n’est donc ni franche ni loyale.
Bon, tout s’explique. Pour tenter de s’extraire du bourbier, de brillants esprits ont imaginé de changer le thermomètre. Et l’on va donc mettre en œuvre de nouvelles méthodes d’analyse des rejets, évidemment ultra-performantes et révolutionnaires.
Et c’est ainsi que la mobilisation des « ressources administratives » témoigne que les pratiques poutiniennes bien établies ont déjà droit de cité dans l’Hexagone, ce qui éclaire brutalement la séquence présidentielle qui s’ouvre.
Ajoutons que l’affaire est d’autant plus explosive qu’Alteo, héritière d’une très longue lignée d’entreprises industrielles françaises, publiques puis privées, a engagé depuis l’été 2016 des négociations exclusives avec le groupe industriel français Imerys, aux fins de lui vendre trois autres usines spécialisées dans la fabrication d’alumine, en France et à l’étranger. Mais assure vouloir se "recentrer" sur Gardanne (et ses boues rouges), ce qui augure bien sur de nouveaux rebondissements à venir...
Surtout si l’on considère, ce qui est au fondement de toute cette affaire, et dont personne ne parle, les applications éminemment stratégiques des alumines de spécialité...