Colère en Bretagne : l’amendement présenté par le député (UMP) Marc Le Fur au printemps 2010, est devenu le décret 2011-63, paru au Journal Officiel, mardi 17 janvier 2011 !
« Quand il y a une enquête publique sur les extensions d’élevage, notre commune émet systématiquement un avis défavorable à cause des excès d’azote dans les sols, a indiqué Mme Yvette Doré, maire d’Hillion (Côtes-d’Armor) à la Gazette des communes.
Si on dispense les agriculteurs d’enquête publique, les projets passeront confidentiellement. L’enquête publique sert à débattre, à informer les citoyens. L’été dernier, M. Le Fur m’avait fait remarquer que ces enquêtes coûtaient cher aux agriculteurs. Mais l’Etat ferait mieux de les aider en prenant en charge ces frais administratifs ! »
Chaque été, les algues vertes s’amoncellent et pourrissent en haut des grèves d’Hillion, une commune où travaillent une quinzaine d’agriculteurs. « On ne peut travailler sur un plan de prévention des algues vertes et en même temps accorder des autorisations systématiques pour les bâtiments d’élevage, dénonce Mme Doré. Il y a une incohérence ! »
Irresponsabilité
Rudoyés par la concurrence des porchers allemands, les éleveurs français réclamaient, depuis déjà plusieurs années, un tel assouplissement administratif.
« Penser régler la crise que vivent les éleveurs, par cette supercherie environnementale est dramatique et irresponsable, » écrit Thierry Burlot vice-président (PS) de la région Bretagne en charge de l’environnement, et président de la communauté de Lanvollon-Plouha (Côtes-d’Armor).
En juin 2010, cette disposition avait suscité l’ire de nombreux élus bretons et le report d’un comité de suivi du plan de lutte gouvernemental contre les algues vertes. Le calme était revenu avec la saison touristique et les déclarations de Bruno Lemaire en tant que ministre de l’agriculture et de Chantal Jouanno en tant que secrétaire d’Etat à l’environnement.
Sur la plage de Binic, le premier avait annoncé que le décret serait préparé « avec les agriculteurs et les collectivités locales, notamment la région [Bretagne] » ; la seconde avait promis que le texte « sera soumis à l’avis du conseil scientifique du plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes ».
Passage en force
Eaux et rivières de Bretagne a relevé que le décret a été publié sans les consultations promises par le gouvernement, « contre l’avis du Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques, et malgré le contentieux européen en cours contre la France à propos de la directive nitrates ». Membre de France Nature Environnement, Eaux et rivières regroupe un millier de personnes, une centaine d’associations locales et 200 collectivités bretonnes.
« C’est scandaleux ! commente Jean-François Piquot, porte-parole d’Eaux et rivières. Alors qu’il faut une enquête publique quand deux entreprises de la métallurgie ou de la papeterie se regroupent sur un site, ce n’est plus le cas pour l’agriculture industrielle ! De fait, ni les élus, ni les citoyens n’ont plus leur mot à dire sur l’aménagement de leur territoire. »
Le décret 2011-63, paru au Journal Officiel le 20 janvier 2011
Le communiqué de la Préfecture de Bretagne
Le communiqué d’Eau et rivières de Bretagne
L’analyse juridique d’Eau et rivières de Bretagne, 22 juin 2010