L’organe central de la légitimation théorique (et pratique !) de la délégation des services publics à des opérateurs privés lance une violente offensive pour accroître l’emprise du secteur privé sur les domaines qui lui échappent encore. L’un des plus influents « think-tank » français vient d’annoncer l’ouverture prochaine d’un portail internet grand public sur la qualité des services publics locaux. L’initiative va recevoir le soutien des « pouvoirs publics » (de la France d’après). Histoire d’entrer en fanfare dans cette nouvelle ère historique, le même IGD vient de proposer au Secrétariat général des affaires européennes, dépendant du gouvernement, qui l’a bien sur accepté, de travailler en commun à l’élaboration d’une directive européenne sur les concessions, que la France tentera de faire adopter, lorsqu’elle présidera l’Union au second semestre 2008.
L’Institut de la gestion déléguée dont le site internet s’adorne d’un glorieux « The French PPP Institute » et l’association France Qualité Publique, autre groupe de pression qui a déjà une longue histoire viennent d’annoncer de concert qu’ils préparent l’ouverture d’un portail internet grand public ayant pour thème la qualité des services publics locaux.
Tiens, on pensait que c’était de la responsabilité du service public d’informer, voire de rendre des comptes aux usagers, sur la qualité dudit service public, voire sur le bon usage de l’argent public. On se trompait.
"Il n’existe pas encore de véritable portail permettant aux usagers de consulter des informations sur la qualité des services publics locaux que ce soit dans leur commune ou de manière générale en France", explique-t-on à l’IGD.
Qu’on ne s’y trompe pas, cette annonce anodine préfigure une offensive sans précédent contre les services publics. Dès lors qu’un lobby privé s’arroge le pouvoir de « noter » les services publics locaux, on imagine sans peine de quel côté penchera le fléau de la balance. Vive le privé, et haro sur l’abominable service public !
Quatre secteurs de la gestion publique locale seront particulièrement traités : l’eau, les déchets, l’éducation nationale et la santé.
Vous avez bien lu, l’un des plus importants lobby français va distribuer bonnes et mauvaises notes aux services publics locaux de l’eau, des déchets, de l’éducation nationale et de la santé !
Pour ce faire le site « mettra à la disposition des internautes d’importantes ressources documentaires dans le but d’expliquer le fonctionnement des services publics dans leurs différents modes de gestion. »
Ici ce qui importe ce sont évidemment les « différents modes de gestion », suivez mon regard.
Là où l’affaire est tout de même forte de café c’est que l’IGD nous assure que « grâce notamment à un partenariat avec service-public.fr, le site possèdera toutes les fonctions d’un véritable portail internet ».
Traduire que service-public.fr, dans la France d’après, c’est Vivendi, Suez, et consorts. On le pressentait, c’est fait. Enfin presque, puisque le projet ne verra le jour que l’année prochaine.
Et ce n’est pas tout, pourquoi s’arrêter en si bon chemin…
En parallèle, un nouveau groupe de travail de l’IGD consacré à la gestion participative s’attelle à la création d’un « observatoire des services publics locaux ».
En s’appuyant sur le futur portail, il favorisera l’accès des usagers à l’information sur les services publics locaux. En outre, le groupe de travail fera des préconisations dans le but d’améliorer le fonctionnement des commissions consultatives des services publics locaux.
Obligatoires depuis février 2003 dans les communes de plus de 10.000 habitants, elles auraient, selon l’IGD, un bilan très mitigé.
Enfin, le groupe de travail organisera dans les mois prochains une conférence citoyenne sur le thème de la participation des usagers à la gestion des services publics locaux.
Comme dans le même temps nos amis du « Cercle Français de l’Eau », les mêmes, appellent à grands cris à une concertation renforcée, afin de « bâtir la confiance entre les acteurs de l’eau », l’affaire semble décidément bien (mal) engagée.
Qu’on se le dise, ils ont gagné et désormais tout passera par eux.
Amis usagers, bon courage. Quand on sait qui siège au comité d’orientation et d’évaluation de l’IGD, on comprend vite qu’on va avoir à faire à forte partie.
Et ce n’est pas tout, histoire de « gagner plus », nos amis de l’IGD passent la surmultipliée (ils doivent s’être mis au vélo et au footing). Et nous annoncent dans la foulée, comme le relate aujourd’hui Localtis que la France pourrait profiter de la présidence de l’Union européenne, qu’elle exercera au cours du second semestre 2008, pour faire adopter une directive sur les concessions.
"Nous avons eu sur le sujet des contacts préliminaires avec la Commission européenne", indique le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui pilote le dossier à Paris.
"Aucune position n’est arrêtée ni rédigée" poursuit l’administration, qui est dans l’attente des orientations du nouveau gouvernement.
L’Institut de la gestion déléguée (IGD) souhaite être associé à la définition de la position française. La fondation a donc proposé au SGAE de l’aider techniquement. Ce dernier n’y serait pas opposé.
Par ailleurs, l’IGD a écrit au commissaire en charge du marché intérieur, M. Charlie McCreevy, afin de lui exposer l’état d’avancement de ses travaux : les experts réunis par l’IGD espèrent parvenir dans le courant de l’été à une définition consensuelle des concessions.
Suite à la parution en avril 2004 de son livre vert sur les partenariats public-privé et à la consultation qui s’en est suivie, la Commission s’est prononcée en novembre 2005 pour une initiative législative destinée à clarifier le droit des concessions.
En octobre 2006, le Parlement européen a apporté son soutien à ce projet.
"Cette initiative est centrale car elle permettrait d’aboutir progressivement à une reconnaissance et une harmonisation intracommunautaire des concessions. Ce mouvement serait également très utile au niveau international pour clarifier les pratiques, en référence à une solution qui aurait le mérite d’exister", affirme l’IGD.
Encore heureux qu’on va vers l’été, à ce train là la rupture s’annonce fracassante.
Le dossier des PPP :
Adieu services publics : L’institut de la gestion déléguée redessine la France d’après
Les eaux glacées du calcul égoïste, 30 mai 2007
Les PPP sont nuisibles et minent la démocratie
Carnets d’eau, 8 septembre 2007
Carnets d’eau, 25 octobre 2007
AUDIO : le rôle des multinationales dans la gestion de l’eau en France
Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 octobre 2007
Mobilisation internationale contre les PPP
Carnets d’eau, 16 novembre 2007
Les PPP, nouvelle offensive de privatisation de l’action publique
Drôle d’En-Droit, Gilles J. Guglielmi, 11 janvier 2008.
A SONG :
commentaires
Sur le site igd, les liens utiles listent les sites des membres fondateurs par secteur d’activité. Très lisible et édifiant. Brig80
Bonjour
élu du dyndicat des eaux SIEF de Haute Savoie qui arrive en fin de contrat avec Suez je recherche les coordonnées des collectivités revenues en régie publique des eaux afin de les interroger et trouver les arguments susceptibles d’inciter mes collègues à opter pour ne pas renouveler la DSP
merci de votre aide
Bonjour,
Quelqu’un a-t-il répondu à votre requête ? Avez-vous trouvé des arguments pour inciter vos collègues à ne pas renouveller la DSP ? Pour quelles raisons préférez-vous le retour en régie ?
Quelle a été la décision prise ?
Je m’interesse à cela car j’ai comme mission d’aider une collectivité à choisir son mode de gestion de l’eau potable à la fin de son contrat de DSP.
Merci pour vos informations.
« […] à ce train là la rupture s’annonce fracassante. »
Oui, terreur sur toute la ligne !
La liste des membres laisse « rêveur » :
http://www.fondation-igd.org/html/ligd/inst/memb/