Créé par l’animateur du fantomatique ex-pôle écologique du PS, la Fabrique a mué en quelques années en discret think-tank « transcourant », qui se caractérise par le refus de toute subvention publique, remplacées par des donations d’entreprises. Les 14 mesures que la Fabrique a présentées le 16 février dernier dans la perspective du prochain quinquennat traduisent bien dès lors l’approche dépolitisée et très « techno » qui empreint ses travaux. Mais l’ordonnance a aussi le mérite de s’interroger sur le « comment faire », totalement absent de l’ensemble des programmes de campagne.
« Le débat écologique, quand il existe, repose trop souvent à notre avis sur des postures, des principes ou des objectifs de long terme », déplore la Fabrique en avant-propos de sa synthèse.
Ainsi il ne suffit pas de fixer des objectifs de rénovation énergétique des logements. Il faut aussi préciser la manière de les atteindre. Autre exemple : les objectifs d’incorporation de produits écologiques ou de proximité dans la restauration collective n’ont de sens que si l’on définit les critères de sélection.
La Fabrique entend montrer l’exemple. C’est la raison pour laquelle elle suggère aux candidats « 14 idées et mesures concrètes originales, percutantes, de niveau présidentiel et structurantes », selon Géraud Guibert, président du think tank.
- 1 : La fin de la pauvreté énergétique.
Cette mesure cible 1,6 million de ménages dont plus de 15 % des revenus sont consacrés aux factures énergétiques. L’idée est de fixer une obligation de rénovation minimale avec l’interdiction, au terme du quinquennat, de louer ou de vendre un logement non-conforme. La mise en œuvre s’accompagnerait d’un accompagnement spécifique, via un guichet unique, et de la mobilisation des moyens financiers disponibles. Le coût est estimé entre 1 et 3 milliards d’euros par an.
2 : Une marque nationale pour la rénovation énergétique.
Cette mesure ne concerne pas seulement les situations de pauvreté énergétique, mais tous les ménages. L’idée est de lancer un programme national de rénovation énergétique des logements. Il serait identifié par une marque et un logo afin de donner de la visibilité aux professionnels, produits et outils concernés. Mais surtout d’envoyer un message positif à la population. Cette mesure s’appuierait sur la généralisation accélérée des carnets numériques de suivi et d’entretien des logements, introduits par la loi sur la transition énergétique. Et d’un signal économique : constituer des réserves financières à destination de travaux énergétiques, alimentées par les propriétaires lors de chaque transaction immobilière, et bénéficiant d’un avantage fiscal.
- 3 : Une loi de transition vers la mobilité durable.
Cette loi redéfinirait le service public de transport en intégrant les enjeux de santé, d’environnement, d’urbanisme… Elle prendrait plusieurs mesures structurantes. Avec un choix clair : abandonner le programme de lignes TGV pour accorder la priorité aux trains du quotidien. Mais aussi faire de l’Agence de financement des infrastructures de transports Afitf une vraie agence de financement de la transition vers la mobilité durable, comme l’Ademe pour l’énergie. L’idée est également de créer des micro-hubs d’intermodalités et un pass intermodal national unique. Ou encore de simplifier la gouvernance des transports autour de 3 niveaux : État, Régions, métropoles. La fiscalité du secteur des transports serait revue en basculant vers une redevance sur les facteurs de pollution et d’usure de la route. Par exemple, par des taxes poids lourds régionales.
- 4 : Des contrats État-métropoles sur la voiture en ville.
Il ne s’agit pas de supprimer la voiture en ville, mais d’en optimiser l’usage grâce aux leviers existants. Voiture électrique, plan vélo, autopartage, paiement à l’usage des parkings… De nombreuses solutions sont disponibles. Pour les généraliser, l’idée est de proposer aux métropoles des contrats avec l’État assortis de financements.
- 5 : Une vraie PPE électrique.
La Fabrique écologique défend la publication d’une programmation pluriannuelle de l’énergie spécifique pour le secteur électrique. Avec un principe : pour toute unité supplémentaire d’énergie renouvelable électrique, une unité en moins d’une autre source (nucléaire, charbon, gaz).
- 6 : Une pleine compétence régionale.
L’idée est de confier aux Régions une compétence globale pour le développement des énergies renouvelables décentralisées. L’éolien en mer ne serait pas concerné. Les Régions joueraient ainsi un rôle pilote pour l’adaptation des réseaux de distribution d’énergie à la montée en puissance des renouvelables. Elle pourrait expérimenter un supplément régional aux mécanismes de soutien, tarif d’achat ou complément de rémunération. Il serait financé par un supplément régional de contribution au service public de l’électricité.
- 7 : Des négociations collectives territoriales.
Le think tank propose de créer par la loi un statut général pour des « négociations collectives environnementales dans les territoires ». L’idée est de décentraliser les débats multipartites sur les questions écologiques. Chaque collectivité aurait le droit et un cadre pour mener sur son territoire des négociations sur un sujet donné avec les principaux acteurs concernés. Une place particulière serait donnée aux lanceurs d’alertes. Ces négociations déboucheraient sur un document dénommé « convention collective environnementale » récapitulant les engagements de chacun.
- 8 : La reconquête des sols.
Plutôt que de freiner l’artificialisation des sols, le but est de lancer une reconquête agro-écologique et naturelle des sols artificialisés. Par exemple, en rendant obligatoire dans les documents d’urbanisme l’identification des sols pouvant revenir à l’état naturel.
- 9 : La transparence dans les cantines scolaires.
Un décret obligerait les cantines scolaires à classer par catégorie les produits servis aux élèves : « biologique », « de qualité », « de proximité », « autres produits ». Des chartes de référence seraient définiels localement après concertation, notamment pour définir ce qu’est un produit de proximité.
- 10 : Un dossier scolaire éco-citoyen.
De la maternelle à la terminale, chaque élève consignerait dans un dossier ses expériences d’éducation à l’environnement. Sur cette base, les élèves passeraient un entretien de 10 minutes lors des épreuves diplômantes, comme le brevet et le baccalauréat, pour exposer le bilan qu’il tire de cet apprentissage.
- 11 : Un réseau d’éducation à la biodiversité.
Il s’agit de montrer la biodiversité. Ne pas se contenter de discours abstraits, mais créer un réseau de lieux permettant un apprentissage concret de la biodiversité. Dans un premier temps, 10 lieux de ce type serait mis en place par département.
- 12 : L’affichage de la durée de vie.
La Fabrique écologique propose de rendre obligatoire l’affichage sur l’ensemble des produits de leur durée de vie estimée. Cela passerait par une labellisation Afnor. Et commencerait par une expérimentation sur l’électroménager.
- 13 : Un plafonnement des niches fiscales.
Le comité pour la fiscalité écologique, mis en place après la Conférence environnementale de 2012, se verrait confier une mission : passer en revue les niches fiscales défavorables à l’environnement. Le but est ensuite de plafonner le montant de ces niches, et de baisser progressivement ce plafond.
- 14 : Une modulation du prix du carbone.
Il s’agit de fixer une double trajectoire pour le prix du carbone. D’abord en demandant à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de l’Environnement de déterminer le prix des combustibles nécessaires pour permettre à la France d’atteindre ses objectifs de baisse de consommation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, d’instaurer un mécanisme pour moduler la « taxe carbone » en fonction de l’évolution des prix des énergies fossiles.
Voir les 14 propositions de La Fabrique écologique :
http://media.wix.com/ugd/ba2e19_1d9df970aa47457fba8c5f7d539e05a8.pdf