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Eau et gaz de schiste : comment lutter ?

21 juin 2011

par Marc Laimé - eauxglacees.com

De nombreux collectifs se mobilisent partout en France afin de contrecarrer les projets d’exploration et de recherche des gaz et huile de schiste, après la délivrance de très nombreux permis d’exploration à des multinationales dont les technologies de « fracturation hydraulique » inquiètent à juste titre tous les défenseurs de l’environnement. Plutôt que d’inciter des collectivités locales à prendre des mesure d’interdiction, qui seront très probablement annulées par les préfectures, il serait plus judicieux de rechercher toutes les dispositions réglementaires régissant la gestion de l’eau, qui pourraient être très valablement opposées aux multinationales compradores. Revue de détail.



De nombreux collectifs s’attachent à identifier tous les textes qui interdiraient l’usage des « eaux industrielles »…

Cette définition ne correspond pas vraiment à la problématique.

Au-delà des pouvoirs de police du maire touchant à la salubrité publique, qui pourraient servir de base à des arrêtés municipaux interdisant toute campagne de recherche, il serait plus utile de rechercher toutes les dispositions réglementaires qui concernent la gestion de l’eau au sens large, dont un grand nombre sont opposables aux tiers, et qui entreraient en contradiction avec la délivrance des permis, basée sur les dispositions du Code minier…

Fracturation hydraulique et DCE

L’angle d’attaque sera donc la Directive-cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000, qui impose à la France, comme à tous les états-membres, de "rétablir un bon état écologique et chimique de toutes les masses d’eau à l’horizon 2015"...

A partir de là c’est simple : un quelconque projet d’extraction de gaz de schiste contredit-il les objectifs de qualité des eaux assignés par la DCE ?

Le projet d’extraction de gaz de schiste risque-t-il de perturber la qualité d’une des masses d’eau identifiées dans le cadre de la DCE, qui serait proche du site concerné ?

La France compte 574 masses d’eau souterraines et 11 523 masses d’eau de surface dont 94 % sont des cours d’eau. Pour la gestion administrative de l’eau, le pays est subdivisé en comités de bassin qui ont chacun à charge de définir, sur leur territoire, les grandes orientations pour une gestion équilibrée de la ressource en eau ainsi que les objectifs de qualité et quantité à atteindre, et de mettre en place les programmes de mesures correspondants. La mise en œuvre pratique en est confiée aux Agences de l’eau et comités de bassin qui ont vu leurs missions révisées et étendues en ce sens.

Des dérogations à l’objectif d’atteinte du bon état d’ici 2015 sont possibles sous réserve de justifications. La DCE a instauré une démarche pragmatique de progrès, par cycles de gestion de six années 2009-2015, 2015-2021, 2021-2027...

En mars 2010, la France rendait compte à la Commission européenne de la mise en œuvre de la DCE, les données transmises incluant une évaluation de l’état des eaux en 2009, l’affectation à chaque masse d’eau d’un objectif, et une estimation détaillée par bassin du coût des actions nécessaires pour l’atteinte de ces objectifs.

Sur l’objectif du bon état des masses d’eaux de surface, la France présente un bilan 2009 de 45 % conformes (état écologique et état chimique) et assure que les deux tiers le seront d’ici 2015. Ce qui corrobore l’objectif ambitieux fixé dans le cadre du « Grenelle de l’environnement » qui s’est déroulé à l’été 2007, de deux tiers des masses d’eau de surface au bon état d’ici 2015.

Cependant, les ONG environnementales se montrent sceptiques et des interrogations subsistent notamment quant au financement des mesures à mettre en œuvre. Outre les problèmes propres à chacun, les territoires de bassins sont en effet tous confrontés à deux obstacles majeurs : les pollutions diffuses, majoritairement d’origine agricole, et la modification de la morphologie des cours d’eau.

Le retrait de substances pesticides dangereuses décidé dans le cadre du « Grenelle » doit permettre des gains en matière de qualité de l’eau. Mais cette pollution est le résultat d’une politique agricole hyper-productiviste et pose la question de notre système de production.

On note par ailleurs que le niveau de nitrates va en augmentant dans certaines zones et que plus de 50 % du territoire français est classé en « zone vulnérable », ce qui constitue une raison majeure de non atteinte de l’objectif.

La lutte contre les pollutions agricoles et l’enjeu morphologie représente plus de 70 % des dépenses du programme de mesures français 2010-2015 sans que la question de savoir qui va payer soit résolue au niveau national.

Quant aux eaux souterraines, ce sont aujourd’hui seulement 14 % qui sont recensées en bon état écologique et 29 % en bon état chimique.

Des dérogations ont donc été demandées par la France pour atteindre les objectifs de la DCE :

 près de 36 % des masses d’eau de surface font l’objet d’une dérogation pour le bon état écologique, en cohérence avec les chiffres du Grenelle et 17 % font l’objet d’une dérogation pour leur état chimique,

 ce sont là aussi 36 % des masses d’eau de surface qui font l’objet d’une dérogation pour le bon état chimique.

Les actions clés identifiées dans les programmes de mesure pour la mise en œuvre des mesures de prévention et de restauration ont un coût global estimé à 27 milliards d’euros pour la période 2009-2015. Le prochain bilan d’étape doit être présenté à la Communauté européenne en 2012.

Guide pratique

Pratiquement, dans ce cadre général, il faut identifier à chaque fois la (ou les) organismes de gestion de l’eau dont dépend votre collectivité.

Dans le Sud-est nombre des collectivités et territoires concernés dépendent de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (Eau RMC), et c’est à partir de la qu’il faut orienter les recherches.

Chacun des dispositifs évoqués ci-après recouvre en effet des programmes, objectifs, plus ou moins contraignants, mais qui visent tous à préserver la qualité des ressources en eau, à prévenir les pollutions et tous autres troubles pouvant affecter la ressource, aux plans quantitatif comme qualitatif.

C’est donc en appréciant à chaque fois si, oui ou non, la collectivité visée par un permis est concernée par telle ou telle mesure qu’il sera possible d’identifier les problèmes que pourrait provoquer un projet de recherche engagé sur la base de la délivrance des permis que vous contestez…

De manière pyramidale il faut donc prendre connaissance des dispositions contenues ou édictées par :

 le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) de votre bassin (RMC) et son programme de mesures (PDM) ; les dispositions du SDAGE sont en effet opposables aux tiers.

 le Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), sous déclinaison du précédent.

 la Commission Locale de l’eau (CLE) ;

 les éventuels « contrats de rivière », « contrat de baie » ou « contrat de nappe » ;

 les dispositions spécifiques aux Zones de répartition des eaux (ZRE) : zones dans lesquelles des précautions spécifiques doivent être observées, car les pressions sur la ressource y sont déjà intenses ;

 les Schémas directeurs de l’eau et de l’assainissement, communaux, intercommunaux, voire départementaux ;

 les dispositions locales découlant du programme prioritaire de protection de 507 aires d’alimentation des captages d’eau potable sur le territoire national (Grenelle 2). Là il s’agit de savoir si votre territoire est concerné par l’un des 507 captages prioritaires, ensuite l’argumentaire coule de source…

Voir aussi, en complément, les dispositions arrêtées par :

 les contenus des POS/PLU et SCOT

 le Plan d’action de prévention des inondations (PAPI)

 le Plan de Prévention des risques naturels prévisibles (PPR ou PPRn)

 le Plan de prévention des risques d’inondation (PPRI)

 le Plan de gestion des risques inondation (PGRI)

 le Plan national de prévention des submersions marines, dit « Plan digues »…

Marc Laimé - eauxglacees.com