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Concombre espagnol : la piste du « re-use »

31 mai 2011

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Alors que les hôpitaux allemands sont submergés par les malades, les concombres importés d’Espagne semblent avoir fait un onzième mort lundi. Tandis que la Belgique et la Russie ont décidé d’arrêter l’importation de concombres tueurs, les autorités sanitaires allemandes et européennes recherchent toujours l’origine de la bactérie transmise par la consommation de concombres contaminés. Avec une omission de taille : le fait que l’Espagne utilise massivement depuis des années des eaux usées recyclées pour l’irrigation agricole !



Etonnamment, la piste du « re-use » n’est donc absolument pas évoquée jusqu’à présent.

L’Espagne, et la région d’Alméria, comme le soulignait le 6 septembre 2010 un communiqué de la FAO, sont pourtant aux avant-postes de cette « technologie d’avenir » la ré-utilisation des eaux usées pour des usages agricoles et industriels -, promue depuis quelques années par les majors de l’eau comme le grand marché de demain, promis à une croissance à deux chiffres…

Les autorités françaises soulignent que « le dispositif de surveillance a été renforcé ». Le grossiste importateur en France a rappelé des concombres en Bretagne, distribués en restauration commerciale et collective, mais sans avoir de retour de marchandise.

En Allemagne, en attente de certitudes sur le produit incriminé, le ministère de l’agriculture a déconseillé la consommation de tomates crues, concombres, salades.

En Autriche, les autorités sanitaires ont retiré du marché des concombres, tomates et aubergines provenant des distributeurs espagnols concernés. Ils ont demandé aux consommateurs qui en auraient déjà acheté de les jeter.

Les medias n’ont de cesse de rappeler les recommandations des autorités sanitaires qui martèlent jusqu’à plus soif les règles d’hygiène habituelles : se laver les mains, éplucher les légumes, les faire cuire...

Un peu court quand on connaît les dérives de l’agriculture intensive pratiquée en Espagne, avec les milliers d’hectares de cultures sous serre, les pesticides répandus à outrance, les taux de cancer enregistrés dans les régions concernées, une catastrophe environnementale majeure, rendue célèbre par l’affaire de la « fraise espagnole »…

Dans ce contexte l’absence de toute mention d’un possible lien entre le « re-use » et cette épidémie sans précédent ne laisse pas d’étonner.

Les premiers cas de contamination sont apparus en Allemagne il y a environ trois semaines, avec des centaines de cas d’infection se traduisant par des diarrhées banales ou éventuellement sanglantes, des maux de tête et de vives douleurs au ventre. Les cas sont intervenus particulièrement dans le nord de l’Allemagne.

Aujourd’hui on compterait plus de 300 personnes infectées, trois décès formellement attribués à la bactérie et huit autres en cours d’analyse.

Des cas confirmés ou suspects chez des personnes ayant voyagé en Allemagne ont été rapportés en Suède, aux Pays-Bas, au Danemark, en Grande-Bretagne, en Suisse, en France et en Autriche. L’incubation est de 7 à 15 jours.



Selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), la souche précise de la flambée actuelle est « très rare ».

Il s’agit d’un sous-type de la bactérie Escherichia coli produisant des shiga-toxines. Certaines peuvent provoquer des hémorragies intestinales (entéro-hémorragies), voire, dans 5 à 8% des cas, des troubles rénaux connus sous le nom de syndrome hémolytique et urémique (SHU), surtout chez le jeune enfant et pouvant être mortels.

Pour cette épidémie, la répartition des cas graves est « très atypique », selon l’ECDC, avec une proportion d’adultes de 86%.



Le réservoir principal de ces bactéries est le tube digestif des ruminants. La transmission à l’homme se fait soit par contact direct avec des animaux contaminés ou avec l’environnement contaminé par leurs excréments, soit en consommant des aliments — viande hachée crue ou mal cuite, lait cru mais aussi salades et légumes contaminés par le sol — ou de l’eau contaminée, soit par « contact direct » avec une personne dont l’hygiène ne serait pas rigoureuse.

Selon les autorités, s’il semble que des concombres issus de cultures sous serres en Andalousie soient à la source de la contamination, mais sans certitude « à 100% », « il n’est pas exclu que la contamination ait pu se produire le long de la chaîne de distribution. »

Selon la Commission européenne, « les serres des deux entreprises d’où sont partis les lots incriminés ont été fermées et des échantillons de terre, d’eau d’irrigation et de produits utilisés pour les cultures ont été prélevés.

Des contrôles réalisés sur des lots de concombres d’une des entreprises n’ont rien donné, les résultats de contrôles dans la deuxième devaient être rendus publics lundi. »

Avant même de s’interroger sur l’hypothèse selon laquelle la contamination aurait pu se produire « le long de la chaîne de distribution », ce qui paraît de prime abord étonnant, on pourrait s’interroger sérieusement sur « l’eau d’irrigation » utilisée dans les deux exploitations concernées depuis le début de la mise en production des concombres incriminés.

Quelle est sa provenance ? L’hypothèse du « re-use » est-elle catégoriquement exclue ?

Dans le cas contraire la déflagration serait énorme, et c’est toute la fuite en avant technologique prônée par les apprentis sorciers de la marchandisation de l’eau, dont l’OPA sur le grand cycle de l’eau s’affiche désormais à ciel ouvert, qui serait sévèrement mise à mal.

Marc Laimé - eauxglacees.com