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Pesticides partout, santé nulle part…

15 mars 2011

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Une étude inédite de l’Institut national de veille sanitaire (INVS) vient de révéler que les Français ont plus de pesticides agricoles dans le sang que les Américains et les Allemands. Dix jours plus tôt c’est une étude de l’Inserm qui soulignait l’impact de l’atrazine sur le développement du fœtus. « L’environnement, ça commence à bien faire… »



Les Français devancent les Allemands et les Américains au concours de celui qui a le plus de pesticides dans le sang.

Les concentrations biologiques de plusieurs substances chimiques ont été mesurées, entre 2006 et 2007, par l’Institut national de veille sanitaire (INVS), sur un échantillon représentatif de la population (2000 adultes pour les métaux, 365 pour le mercure, 400 pour les pesticides et les PCB) : les trois conclusions qui en découlent sont alarmantes.

Si les niveaux de plomb, cadmium, mercure, arsenic organique, sont stables ou en baisse, les pesticides, eux, sont présents dans notre sang à des niveaux au moins trois fois plus élevés que dans celui des Américains ou des Allemands.

Ces pesticides sont largement utilisés en agriculture, en horticulture et pour un usage domestique (pour se débarrasser des insectes à la maison, désherber les allées, protéger les plantes du jardin, en finir avec les tiques et les puces de nos animaux de compagnie, ou les poux chez l’enfant).

Par ailleurs, il va peut-être falloir apprendre à aimer les trous dans les vêtements ou changer la ventilation dans les toilettes.

En effet, les substances que l’on retrouve dans les produits antimites ou les désodorisants pour toilettes, véhiculent d’autres types de pesticides, dits "organochlorés". Or le taux de ces produits chimiques dans notre sang est dix fois supérieur à celui trouvé dans le sang des Allemands !

Pire encore, les PCB. Malgré leur interdiction totale dès 1979, ils sont encore largement présents dans notre environnement. Ils se sont disséminés dans l’air, le sol, l’eau, les sédiments, contaminant les plantes, les animaux et enfin les hommes.

Présents à l’époque dans les encres d’imprimerie et les adhésifs, le site du ministère de l’Ecologie rappelle qu’ils ont aussi été utilisés comme huile pour les transformateurs et les condensateurs, ainsi que dans certains radiateurs ou autres équipements électriques. Ils ont servi de lubrifiant dans les turbines et les pompes, le traitement du métal, les soudures, les peintures et les papiers autocopiants sans carbone…

Toujours selon cette étude, la concentration des PCB dans le sang des Français est également plus élevée que chez nos voisins allemands et américains.

La synthèse de l’étude de l’INVS :

Exposition de la population française aux polluants de l’environnement

L’Inserm souligne l’impact de l’atrazine sur le développement du fœtus

C’était l’herbicide le plus utilisé, aux Etats-unis comme en Europe, pour maîtriser les mauvaises herbes dans les champs de maïs. Il a été interdit en Europe, et en France, depuis 2003.

Mais des traces d’atrazine et d’un de ses métabolites (atrazine mercapturate) étaient pourtant présentes dans les urines de 5,5% de 579 femmes enceintes ayant participé à l’étude Pélagie, pilotée par de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), publiée le 2 mars 2011 dans la revue Environmental Health Perspectives

Cette étude a été réalisée entre 2002 et 2006 auprès de plus 3400 femmes enceintes en début de grossesse en Bretagne.

Elle visait à étudier l’impact de l’atrazine ou d’un de ses métabolites (atrazine mercapturate, desethylatrazine, hydroxyatrazine, ou hydroxydesethylatrazine) sur le déroulement de la croissance intra-utérine.

Résultats : des traces de métabolites de desethylatrazine et d’hydroxyatrazine auraient également été respectivement retrouvés dans 20% et 40% des échantillons.

L’étude épidémiologique a permis d’établir qu’une présence marquée d’atrazine dans les urines était accompagnée d’une diminution du poids de naissance et de périmètre crânien.

Une quantité élevée de pesticides dans l’air peut également avoir un impact sur la croissance intra-utérine.

Selon l’enquête, les femmes ayant des traces d’atrazine ou d’un de ses métabolites dans les urines ’’avaient 50% de risque supplémentaire d’avoir un enfant ayant un faible poids à la naissance et 70% de risque supplémentaire d’avoir un enfant ayant une faible circonférence crânienne à la naissance’’, s’inquiète l’association Générations Futures (ex MDRGF) suite à la publication de l’étude.

D’autant que malgré son interdiction, l’atrazine "reste le pesticide le plus présent dans les eaux en France’’, souligne l’ONG.

Si les concentrations restent assez faibles, elles ont malgré tout un impact sur le développement intra-utérin. Il n’existe toutefois "pas d’association évidente entre la présence d’atrazine et le développement d’anomalies congénitales majeures", précisent les chercheurs de l’Inserm.

Pour François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, ’’cette étude nous montre clairement que des doses très faibles d’un herbicide perturbateur endocrinien peuvent avoir des effets dommageables sur le développement du fœtus et donc sur le futur état de santé de l’enfant’’.

L’ONG demande ’’que tous les pesticides pour lesquels un effet perturbateur endocrinien aura été caractérisé soient retirés du marché’’.

L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a également lancé en octobre 2009 une étude pour déterminer les effets sur la santé de l’atrazine (cancer, malformation des bébés naissants, insuffisance de poids des nouveau-nés et des prématurés).

Pesticides : une augmentation inquiétante des dérogations

Selon deux associations ("Pesticides action network" et "Générations futures"), l’Union européenne accorde des dérogations en nette augmentation pour l’usage de pesticides interdits.

Les règles européennes permettent en effet à un produit non autorisé d’obtenir une dérogation pour 120 jours en cas de "danger imprévisible qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens" pour les cultures.

Alors qu’elles étaient au nombre de 59 en 2007, les dérogations sont passées à 321 en 2010 en Europe, dont 74 pour la France.

Les pesticides agricoles infiltrent les maisons

Selon le MDRGF, une nouvelle étude scientifique américaine montre que les pesticides agricoles utilisés dans un rayon de 1250 mètres autour d’habitations finissent par contaminer l’intérieur de ces maisons.

L’équipe menée par Mary H. Ward, du National Cancer Institute, a collecté des échantillons de poussières dans les moquettes et tapis de 89 résidences en Californie et a ensuite analysé les résidus de 7 pesticides très utilisés en agriculture et soupçonnés d’être cancérigènes

Marc Laimé - eauxglacees.com