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Vendée Eau : la gestion privée en question, par Armand Reboux

15 décembre 2010

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Membre de l’association "La facture d’eau est imbuvable" sise aux Sables d’Olonne, Armand Reboux observe depuis des années l’évolution des pratiques des gestionnaires de l’eau dans sa région. A l’heure où le syndicat départemental Vendée Eau se réorganise en diminuant le nombre des syndicats qui le constituent, le diagnostic est sans appel...



"Le syndicat départemental Vendée Eau réforme sa structure : de 22 syndicats intercommunaux qui le composent, il va réduire la toile de moitié. Il s’agit de regrouper les syndicats intercommunaux autour des bassins versants des rivières en leur confiant à chacun une unité de production d’eau.

Il s’agit aussi, pour mettre en place la nouvelle structure, de profiter de l’échéance, à la fin de l’année 2011, de 7 contrats de gestion de l’eau signés avec des sociétés privées.

Quel choix de gestion nos élus vont-ils adopter pour ces nouveaux contrats ? C’est à cette question que les élus devront répondre lors de la réunion du Conseil Syndical de Vendée Eau le 17 décembre prochain.

Ils devraient se déterminer sur le choix entre deux options, l’une la régie, c’est-à-dire une gestion directe par la collectivité, et l’autre la délégation du service public à une société privée. C’est cette dernière option qui va être proposée par les dirigeants du syndicat.

L’eau est un bien public indispensable à la vie. Sa distribution et son traitement sont de la responsabilité des communes. C’est une affaire éminemment politique, c’est-à-dire qui concerne la gestion de la cité et non pas la politique au sens droite/gauche. C’est pourquoi ce bien naturel ne doit pas faire l’objet de profits par les sociétés privées. Aux Etats Unis d’Amérique la gestion de l’eau est publique pour 80 % des volumes distribués et au Canada c’est même 90 %, pays pourtant qui ne sont pas suspectés d’être favorables à un système étatiste. En France c’est l’inverse, 80 % des volumes distribués relèvent de la gestion privée. C’est ce qu’on appelle le système français de l’eau.

Qu’en est-il du coût pour l’usager ? Une commission parlementaire (la commission Tavernier) a montré en 2001 que la facture d’eau en régie était moins élevée de 20 à 24 % que celle du privé. De même, la qualité du service rendu par les sociétés privées qui, contraintes d’accroître leur profit en augmentant leur productivité, demeure généralement moins performante que dans la gestion exercée par les collectivités.

Dans le système de délégation du service public, les tâches et la prestation du délégataire sont définies dans le contrat après négociation avec la collectivité et le prix de ce service doit être actualisé chaque année. Or l’expérience montre que l’application de la formule à partir de laquelle est établie cette actualisation conduit toujours à une augmentation du prix de l’eau supérieure à l’inflation. L’accroissement se multipliant tous les ans, conduit, à la fin du contrat, à des marges bénéficiaires pour le délégataire qui peuvent atteindre 80 % ; résultat qui a été constaté en Vendée.

En délégation de service public, le risque d’exploitation est assumé par le délégataire. Seulement, quand le syndicat met en exergue cet avantage, il oublie de dire que cette décharge de responsabilité n’est pas gratuite mais payée en monnaie sonnante et trébuchante par les usagers. La preuve en est fournie par les rapports des délégataires où dans les charges apparaissent les lignes budgétaires : impôts, provisions non utilisées, frais de siège, bénéfices, qui, au total, peut atteindre 35 %, toutes charges que le service public n’a pas à supporter.

Déjà en Vendée les factures d’eau sont parmi les plus élevées de France comme par exemple aux Sables d’Olonne où les personnes vivant seules avec peu de moyens doivent faire face à un abonnement de 175 euros par an.

Qu’en est-il du personnel dans une régie ? Seuls le comptable et le directeur sont des fonctionnaires tandis que les autres salariés sont rémunérés sous statut privé. Au moment où la précarité de l’emploi s’amplifie dans le pays, la garantie du travail et le maintien du pouvoir d’achat constituent un bien précieux pour les employés du service public. Ils ne risquent pas non plus de s’entendre dire, comme dans beaucoup d’entreprises privées : « Si t’es pas content, tu peux aller voir ailleurs. »

Voilà les raisons pour lesquelles La Facture d’eau est imbuvable a émis un avis défavorable à la proposition d’une délégation du service public faite par le syndicat Vendée Eau lors de la réunion de la commission consultative des services publics locaux."

Armand Reboux, La Facture d’eau est imbuvable.

Marc Laimé - eauxglacees.com