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La France de l’eau à vau l’eau…

20 octobre 2010

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Quelques instantanés qui en disent long sur la période. Le président de la République en Eure-et-Loir jeudi (Gigascoop Eaux glacées dont vous apprécierez la modestie proverbiale). Le « droit à l’eau » qui va finir en nouvelle taxe. Les SAGE plombés par les cabrioles financières des banques. Et les Agences de l’eau qui ne recrutent plus des chercheurs et des techniciens éprouvés, mais des « animateurs de projet ». Comme dirait l’autre, à force on finirait par se laisser séduire par le « Que se vayan, todos » !



A la reconquête de l’Eure-et-Loir

Jeudi M. Nicolas Sarkozy, actuel président de la République, se rendra en Eure-et-Loir à la re-conquête des agriculteurs, dans un département dont les ressources en eau sont si gravement contaminées par des décennies d’agriculture productiviste qu’il faudrait d’urgence investir cent millions d’euros pour assurer la desserte en eau potable « aux normes » de 40 000 usagers, qui reçoivent aujourd’hui une eau non conforme… Il semble bien que l’Etat n’entende pas régler la facture. Préfecture, Conseil général et maires sont aux abois, et déploient des efforts considérables pour financer dans l’urgence des travaux « d’interconnexion » qui ne font que déplacer le problème pour un temps. Comme « l’environnement çà commence à bien faire », on attend avec impatience les martiales déclarations qui ne vont pas manquer de sonner la guerre totale, pas aux pesticides, aux mauvais français qui ne soutiennent pas notre agriculture…

Selon la République du Centre du 20 octobre, "à Bonneval, le président de la République viendra parler de ruralité sur les terres de Joël Billard, auteur d’un rapport à l’origine de la création d’un ministère de l’Espace rural.

La nouvelle n’était pas encore confirmée officiellement, mardi soir, par les services de l’Élysée, mais elle avait largement battu la campagne dunoise : Nicolas Sarkozy est attendu, demain, à Bonneval (Eure-et-Loir).

Pas pour parler des retraites, raillent ses opposants, pour traiter de la ruralité, se félicitent ses partisans.

Et s’il a choisi d’arpenter les terres de Joël Billard, sénateur-maire de Bonneval, ce n’est pas par hasard. Joël Billard est le secrétaire national de la ruralité à l’UMP. Il est l’auteur du rapport qui a encouragé le président de la République à créer le premier ministère de l’Espace rural, à la tête duquel il a nommé Michel Mercier. Le ministre devrait d’ailleurs être du voyage.

Le programme de la visite n’est, pour l’instant, pas arrêté."

Toujours dans La République de ce mercredi 20 octobre, une interview de M. Claude Térouinard, maire de Châtillon en Dunois :

 Quel sujet souhaitez-vous aborder jeudi avec Nicolas Sarkozy ?

 "Je souhaite lui parler, d’un vrai problème, celui de l’eau en Eure et Loir. 40 000 personnes consomment une eau non conforme. Nous devons investir 100 millions d’euros pour réaliser les inter-connections de distribution d’eau et 200 millions d’euros pour renouveler les canalisations. "

Pas un mot sur l’origine de la pollution, pas un mot pour les agriculteurs. Les multinationales du traitement de l’eau ont un énorme marché à leur disposition, merci l’UMP !

Une taxe pour le "Droit à l’eau"

Sur le front du « Droit à l’eau », pour les plus démunis et toutes ces sortes de choses, ça ne s’arrange pas non plus comme en témoigne l’ahurissant article de notre consoeur Célia Fontaine, paru dans l’édition du JDLE du 19 octobre 2010. Voilà des années que l’émouvant petit monde de l’eau se mobilise dans force conclaves, séminaires et diatribes enflammées, aux fins d’inscrire le « Droit à l’eau » dans le marbre de l’Ecole française du même nom, histoire de ne pas se faire sataner la tronche à Marseille en mars 2012 quand nous ferons la leçon à la terre entière. Et voilà-t-y-pas qu’au lieu du « Droit à l’eau » tant attendu, on va se prendre une « taxe » dans les gencives !

Outre que l’exposé des faits est ici totalement biaisé sous l’effet du lobbying effronté que conduisent Veolia et Suez sur cette question, on notera que les mêmes ont donc obstinément refusé de payer un centime pour les pauvres, ce que toutes les « parties prenantes » de l’affaire, au premier rang desquelles l’Etat, acceptent sans plus d’embarras. On s’en souviendra.

Les SAGE plombés par la finance

Tiens et les SAGE, pendant ce temps-là ? Les très glorieux Schémas d’aménagement et de gestion des eaux qui nous amènent vers l’avenir radieux de 2015, 2021, 2027 ? Complètement pourris par l’effet « subprimes » des sulfureuses aménités qui plombent les finances des collectivités locales et de leurs syndicats mixtes…

Eh oui, la comptabilité publique n’autorise pas les placements de liquidités pour les Etablissements Publics, et ceux-ci n’ont pas de trésorerie propre, ils empruntent donc.

Et c’est dans le Territorial n° 118 du 1er avril 2010 (c’est pas une blague) qu’on trouvait matière à s’inquiéter…

(…)

Toutes les familles de produit [financier] ont connu des difficultés. Lorsqu’on analyse a posteriori les différentes familles de produits structurés, il apparaît qu’elles ont toutes connu des difficultés. Les produits avec option sur taux d’intérêts se sont dégradés quand le Libor US a flambé en 2006-2008, ou encore plus récemment avec la chute des Euribor pour ceux qui avaient vendu un floor (les collectivités deviennent « assureuses » de la baisse d’un Euribor : la bonification prend fin quand l’Euribor passe sous une barrière et les frais financiers s’envolent). Les produits de pente ont tous dévissé quand la courbe s’est aplatie puis inversée à compter de 2006. Les produits de change se sont fortement dégradés soit concrètement, soit virtuellement avec la hausse de l’euro.

Dans les deux situations, ce ne sont pas de faustiens fonctionnaires grecs ou territoriaux qui ont imaginé ces machiavéliques montages. Sans minorer leur responsabilité puisqu’ils ont signé ces accords, il faut reconnaître que c’est le monde bancaire qui a provoqué la tentation en concevant des montages financiers visant à séduire les décideurs publics. Comment faire désormais pour que l’intérêt privé des banquiers ne puisse pas primer sur l’intérêt général : c’est le défi d’une réglementation internationale des activités financières promise tout au long de la crise financière mais déjà jetée aux oubliettes.

Quant aux collectivités, à part une charte et un projet de circulaire pour faire illusion mais sans force coercitive, la DGCL semble consacrer son énergie à minorer le problème (pour minorer sa responsabilité historique ?). Si l’administration de tutelle des collectivités pense que les produits structurés ne sont pas un problème, leur non réglementation est dès lors évidente.

On comprend pourquoi le gouvernement Fillon a sauvé le soldat Crédit Agricole il y a quelques mois en pleine crise grecque !

On prendra donc connaissance avec intérêt, en illustration de ce qui précède, d’un extrait d’un PV de Syndicat mixte de bassin, qui conforte hélas nos inquiétudes quant aux SAGE, eux aussi plombés par les Princes noirs de la Finance…

« Finances – Renouvellement de la ligne de trésorerie.

La ligne de trésorerie, ouverte chaque année, arrive à échéance le 12 Décembre 2008. C’est pourquoi, le Président propose de reconduire pour un an, une ligne de trésorerie en cas de besoin.

Le Président précise les différentes propositions des banques et suggère de contracter auprès du Crédit Agricole, une ouverture de crédit d’un montant de 200 000 € dont les principales caractéristiques sont les suivantes : Durée : 1 an, Montant : 200 000 €, Index : EURIBOR 3 mois, Marge : 1.45 % tirage par virement.

Les intérêts sont calculés mensuellement à terme échu (base exacts/360 jours), facturés au trimestre civil sans capitalisation. Ces financements sont exonérés de frais de dossier.

Le Président demande l’autorisation de signer la convention d’ouverture de crédit et d’être habilité à procéder ultérieurement, sans autre délibération et à son initiative, aux diverses opérations prévues dans la convention et reçoit tous pouvoirs à cet effet.

Adopté à l’unanimité. »

Agences de l’eau cherchent GO

Il nous faut d’urgence enjoindre Saint Bernard Barraqué d’enfourcher son destrier et de voler au secours des Agences de l’eau, quasiment vendues à la découpe par des irresponsables !

Voilà ce qu’on a entendu dans une Agence la semaine dernière, quand on s’inquiétait auprès d’une charmante cheftaine du vague à l’âme post-LEMA-ONEMA-RGPP et tout le bastringue.

« Mais tout a changé ! On s’adapte très bien. On est en pleine mutation de personnels et de profils. Désormais les chargés d’intervention, chargés d’étude, inspecteur redevances, chargés d’affaires administratives, sont recrutés en privilégiant leur esprit de synthèse. L’important ce n’est plus tant la science et de la technique, mais les compétences en concertation, jeux d’acteurs, gestion de projet… »

Là, nous nous sommes barrés en courant, convaincus de nous être fait alpaguer par une infiltrée de la bande à Powerpoint, qui n’ont comme on le sait pour seul et unique projet dans l’existence de nous transformer en véritable zombie, tout juste capable d’envoyer un SMS pour dire qu’il termine le « slide… »

Et l’ennui c’est que là, même Saint Barraqué, hormis hurler aux quatre lunes, va pas pouvoir faire grand chose…

Préparation aux comités de bassin

Donc, avant les comités de bassin, entraînez vous !

Existe aussi en version Powerpoint. (avec mélangeur de diapos)

Listons d’abord les concepts-clé à maîtriser...

 habitants, usagers,

 acteurs,

 diagnostic partagé,

 inter-culturel, inter-sectoriel,

 décentralisation,

 citoyenneté,

 proximité,

 démocratie,

 lien social,

 mondialisation,

 local,

 partenariat,

 solidarité,

 projet,

 développement,

 contrat,

 participation.

...valables pour l’eau comme pour la violence dans les banlieues.

On ne s’étonnera donc pas que le "bilan détaillé du Grenelle", rendu public le 22 octobre 2010 par plusieurs associations, soit tout aussi consternant...

Marc Laimé - eauxglacees.com