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Assainissement non collectif (82) : bras de fer de 400 usagers avec la Saur dans les Côtes d’Armor

31 mai 2010

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Créée en 2009 près de Dinan dans les Côtes d’Armor, l’AUSEAD regroupe 400 usagers de l’ANC, bien décidés à remporter le bras de fer qu’ils ont engagé, à raison, contre la Saur et leur communauté de communes qui, comme trop souvent, ne semblent animés que par le souci de rançonner, illégalement de surcroît, des usagers qui n’en peuvent mais.



Tout a commencé avec la signature d’un contrat d’affermage d’une durée de huit ans qui a été signé en juillet 2007 et dont les usagers n’ont été informés qu’en janvier 2009... à la réception d’une première facture de “redevance ANC”, assortie d’un “règlement intérieur du service “public” d’ANC”, pour les plus “chanceux” d’entre eux qui sont fournis en eau par la SEEG. Pour les autres usagers, soit 7 communes sur les 9 du canton, fournies en eau par la Saur, rien de bien repérable puisque leur facture d’eau comportait, en son recto, une simple somme globalisée (eau + assainissement) et... rien d’autre !

D’abord étonnés, puis très vite indignés, plusieurs dizaines d’usagers se regroupent et créent une association. Très vite, dysfonctionnements et abus sont identifiés :

 pas de zonage d’assainissement sur le territoire de la Communauté de communes ;

 pas de parution officielle du contrat de prestation de services, ni de celui de DSP ;

 pas de réunions publiques d’information. Les seules qui ont effectivement eu lieu, sous l’égide de la Saur, portaient sur la phase “visites de diagnostic”, financées par l’Agence de l’Eau, le Conseil général et les communes et de ce fait “gratuites” pour l’usager. Elles remontent à 2005, et depuis lors rien ;

 pas de “règlement intérieur” envoyé personnellement à chaque usager, tel que cela est prévu explicitement dans le cahier des charges ;

 obligation de paiement d’une redevance avant service rendu, au titre des contrôles de bon fonctionnement, ce qui fixait le prix du contrôle à 160€…

 deux à trois visites par installation, voire davantage, d’après la déclaration du responsable de la Saur qui entendait justifier ainsi le “lissage” mis en place... par souci de solidarité sociale avec les foyers en difficulté !

 menaces de “mises en demeure”, relances téléphoniques d’une société de recouvrement de créances, la SOGEDI engagée par la Saur, au domicile des usagers, menacés par courrier, de “débranchement de compteur et de coupure d’eau” et autres joyeusetés, relayées avec zèle par les élus communautaires qui au mieux, ont observé une discrétion remarquable, pour forcer les usagers à payer ;

 découverte dans les locaux de la Communauté de communes d’un dossier de “restitution de l’étude de diagnostic” établi par la Saur, dès après la fin de la phase de “visites de diagnostic”, en juin 2006, dans lequel étaient chiffrés les travaux de réhabilitation des installations jugées “non conformes, en zones à risques”, à savoir 1 673 000 € pour 324 installations (“compétence optionnelle” pour le délégataire !). Cette étude a été présentée à six élus... en juillet 2006, soit un an avant la signature du contrat de DSP, et donc le début des “contrôles de bon fonctionnement”. Elle n’avait jamais été rendue publique, avant d’être révélée au cours d’une AG de l’association.

 parmi les trois “critères de priorité” auxquels la Saur s’est référée pour déterminer les “zones à risques” : “les installations situées dans les périmètres de protection rapprochés et éloignés (sic) de captage d’eau potable” et surtout “le regroupement d’un nombre important (sic) d’installations classées NA dont le nombre (?) génère une plus grande (?) nuisance environnementale”…

Une fois l’association créée, elle organise quatre réunions publiques d’information. Une pétition est rédigée et mise en circulation. L’Ausead demande (et obtient) des audiences auprès des sénateurs, du vice-président du Conseil général, du Satese, de leur député...

Elle fait paraître un grand nombre d’articles dans la presse pour dénoncer la rapidité de la délégation et de la mise en œuvre du SPANC, avant la parution des décrets "amis" dont la Saur se glorifie dans une de ses publicités, le manque d’information des usagers, etc.

Après plusieurs mois de déni des élus et de manifestations de mépris à l’égard des usagers, la sous-préfète, saisie à plusieurs reprises par courrier, intervient pour qu’un avenant soit adjoint au contrat de DSP initial.

L’association enregistre ses premières avancées :

 le responsable de la Saur reconnaît le caractère illégal de la redevance et accepte le principe du remboursement des sommes perçues, y compris des pénalités de retard ;

 le nombre des “contrôles” diminue notablement, ce qui aboutit à une diminution de 36% du chiffre d’affaires de la Saur…

Dans le même temps les usagers échangent une correspondance avec la SOGEDI, qui se retire du circuit. L’association adresse une injonction à la Saur, qui doit s’exécuter et adresse une lettre d’excuses aux usagers qui se voyaient menacés de se faire couper l’eau...

Pendant que les édiles réfléchissent... aux “astreintes financières” qu’ils entendent imposer aux usagers qui refusent le contrôle de bon fonctionnement !

Mais les usagers ne sont évidemment pas satisfaits.

Ils veulent que soit reconnu et dénoncé publiquement, et par une autorité compétente, le caractère abusif, et calamiteux, de la gestion du SPANC par la Saur.

Leur souhait ? Que le groupe soit “bouté” hors de leurs murs, et que soit mise en place une gestion en régie, avec consultation des représentants des usagers dans des commissions ad hoc.

Usagers qui rappellent par ailleurs, encore et encore, que la totalité des installations d’ANC ne sont responsables que de 3% de la pollution diffuse de l’eau, et que cette question doit trouver sa juste place dans une politique volontariste, globale et juste de reconquête de la qualité des eaux bretonnes…

L’Ausead envisageait donc de saisir le Tribunal administratif de Rennes pour dénoncer le contrat de DSP ou, à minima, obliger les élus à assumer leurs responsabilités en (en)cadrant la Saur qui a tendance à prendre ses désirs pour... des textes réglementaires !

Mais le conflit n’en finit plus de s’envenimer.

Après avoir bataillé contre de multiples menaces de la part de la Saur, l’Ausead fait désormais face à une nouvelle menace d’astreinte financière qui viendrait peser sur les usagers qui refusent (selon eux, à juste titre), un contrôle de bon fonctionnement.

Cette fois le coup vient de la présidente de la Communauté de communes qui, refusant toujours tout dialogue, s’appuie sur des articles du Code de la Santé Publique pour justifier son projet…

Un projet d’astreinte financière vient en effet d’être rendu public dans le compte rendu du Conseil Communautaire du jeudi 6 mai dernier, paru dans "l’Hebdomadaire d’Armor".

Elle s’exercerait sur les usagers qui persisteraient à refuser l’accès de leur propriété à la société Saur en charge des « contrôles de bon fonctionnement ».

Il est mentionné que le montant de cette astreinte est égal « au montant de la redevance majoré de 10% », mais qu’il « est possible d’aller jusqu’à 100 % de majoration ».

L’association interpelle donc, à juste titre, la présidente de la Communauté de communes par un courrier en date du 29 mai 2010 :

(...)

Madame la Présidente,

L’annonce d’un projet d’astreinte financière vient d’être rendue publique dans le compte rendu du Conseil Communautaire du jeudi 6 mai dernier, paru dans la presse.

Elle s’exercerait sur les usagers qui persisteraient à refuser l’accès de leur propriété à la société Saur en charge de la mise en œuvre du service d’assainissement non collectif .

Il y est mentionné que le montant de cette astreinte est égal « au montant de la redevance majoré de 10% », mais qu’il « est possible d’aller jusqu’à 100 % de majoration ».

Il est annoncé que c’est par référence à l’article L 1331-8 du code de la santé publique que vous envisagez de faire voter cette mesure par le conseil communautaire ; l’article en question se trouve évoqué dans l’article.

Pour rappel :

« Tant que le propriétaire ne s’est pas conformé aux obligations prévues aux articles L 1331-1 à L 1331-7 … il est astreint au paiement d’une somme au moins équivalente à la redevance qu’il aurait payée au service public d’assainissement (si son immeuble avait été raccordé au réseau ou équipé d’une installation d’assainissement autonome réglementaire), et (qui) peut être majorée dans une proportion fixée par le conseil municipal dans la limite de 100 %. »

Nous nous permettons de vous signaler que vous ne pouvez prétendre vous référer à l’article 1331-8 du CSP pour envisager de faire voter une astreinte financière en conseil communautaire puisque, comme vous en faites état, il est subordonné à l’article L 1331-11.

Or dans cet article (voir ci-dessous) il est fait explicitement mention de diagnostic. (alinéa 2°).

Que nous sachions, les usagers n’ont pas fait obstacle à cette mission de diagnostic qui s’est déroulée du 13 avril 2005 au 16 juin 2006 (et qui a d’ailleurs donné lieu à une présentation du dossier de « restitution des diagnostics » le 20 juillet 2006, dans les locaux de la CCHM, par deux responsables de la Saur).

N’ayant pas interdit l’accès de leur propriété à l’agent de la Saur venu procéder au diagnostic de leur installation, il n’y a donc pas à sanctionner un quelconque « obstacle mis à l’accomplissement de la mission » citée en 2°.

Article L1331-11

Modifié par Loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 - art. 46 JORF 31 décembre 2006

Les agents du service d’assainissement ont accès aux propriétés privées :

1° Pour l’application des articles L. 1331-4 et L. 1331-6 ;

2° Pour procéder, selon les cas, à la vérification ou au diagnostic des installations d’assainissement non collectif en application de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;

3° Pour procéder, à la demande du propriétaire, à l’entretien et aux travaux de réhabilitation et de réalisation des installations d’assainissement non collectif, si la commune assure leur prise en charge ;

4° Pour assurer le contrôle des déversements d’eaux usées autres que domestiques.
En cas d’obstacle mis à l’accomplissement des missions visées aux 1°, 2° et 3° du présent article, l’occupant est astreint au paiement de la somme définie à l’article L. 1331-8, dans les conditions prévues par cet article.

Pour rappel, alinéa III de l’article 2224-8 du CGCT , (mentionné ci-dessus en alinéa 2°)

III.-Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, les communes assurent le contrôle des installations d’assainissement non collectif. Cette mission de contrôle est effectuée soit par une vérification de la conception et de l’exécution des installations réalisées ou réhabilitées depuis moins de huit ans, soit par un diagnostic de bon fonctionnement et d’entretien pour les autres installations, établissant, si nécessaire, une liste des travaux à effectuer.

Pour une information correcte des usagers et des conseillers nous pensons qu’il y a nécessité à lever l’« ambigüité » de vos références réglementaires, en précisant à quel « contrôle » vous faites allusion à 3 reprises dans votre compte rendu et en produisant les textes afférents qui soient réellement conformes à la mesure que vous entendez faire voter en conseil communautaire.

Dans le cas où vous feriez allusion au « contrôle de bon fonctionnement » et bien que cela ne soit pas précisé, nous vous prions de bien vouloir vous reporter à nos deux derniers courriers à la Saur (joints en annexe). Nous les pensons assez explicites car ils font état d’une partie des motifs de contestation que nous opposons à la poursuite de la gestion du SPANC par le délégataire."

AUSEAD - HM : Association des usagers des services de l’eau et de l’assainissement et des déchets - Hardouinais Mené.

Le dossier de l’ANC

Marc Laimé - eauxglacees.com