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Sanary-Bandol : un égout sous la mer

11 avril 2010

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Un reportage tourné en février 2010 par Thalassa a été diffusé sur France 3 le vendredi 26 mars 2010. Intitulé « Coup de gueule un an après. Retour à Sanary suite au coup de gueule d’une sentinelle du littoral », il évoquait le combat des riverains de la Leppe, engagé il y a vingt ans. Car chaque été, les estivants qui se bousculent sur les plages de cette « perle » de la Côte d’Azur baignent sans le savoir dans un véritable cloaque.



La commune de Sanary a construit en 1986 une station d’épuration enterrée, sise sur un promontoire qui fait face à Sanary et Bandol, la pointe de la Cride.

La Chambre régionale des comptes avait réalisé une enquête entre 1993 et 1995, et constaté des anomalies, établissant notamment des mécanismes de surfacturation portant sur la construction et l’exploitation de la STEP.

Conçue pour traiter, en théorie, les effluents de 54 000 équivalent-habitants (EH), la station n’a malheureusement jamais reçu la deuxième rampe qui lui aurait permis d’atteindre cette capacité, mais n’en accueille pas moins depuis lors les effluents des deux communes de Sanary et Bandol, réunis au sein d’un SIVU.

A la fin des années 80 les villes de Sanary et Bandol comptaient 19 000 habitants, aujourd’hui ils sont 26 000.

L’été, la population d’estivants triple la population, qui atteint dès lors plus de 75 000 résidents.

La STEP est alimentée à partir de Sanary et de Bandol par un émissaire principal et 6 émissaires secondaires, qui assurent la collecte des eaux usées, et les transportent jusqu’à la STEP.

Plusieurs de ces émissaires sont sous-marins, et relient les rivages de Sanary et Bandol à la station d’épuration qui leur fait face sur la pointe de la Cride, située à plus de deux kilomètres à vol d’oiseau.

Plusieurs de ces émissaires sous-marins sont cassés, et rejettent des eaux usées directement dans la mer.

L’été, de manière récurrente, depuis plusieurs années, les stations de relevage électromécaniques installées sur ces émissaires, qui pompent les eaux usées pour les acheminer vers la STEP, disjonctent. L’une après l’autre, pompe principale puis pompe de secours sont hors d’usage.

Ces 9 stations de relevage des eaux usées : Station de Galliéni, de Baie de Cousse, de Cécile Sorel, de la Corniche, de la Plage de la Gorguette, de l’ Aricot, de Juliette, de Canolle et du Grand Vallat, sont gérées dans le cadre d’un contrat d’affermage par des agents de la Société des eaux de Marseille, filiale commune de Veolia et Suez.

La remise en route des stations qui ont disjoncté demande trois à quatre jours. Comme les eaux usées continuent à affluer, elles sont alors rejetées en mer par délestage sans être traitées.

Par ailleurs, l’eau issue du traitement des effluents par la STEP est rejetée en mer. Le maire de Sanary a répondu en séance du conseil municipal que ça n’était pas grave car « les bactéries mourraient dans l’eau salée »…

Les boues d’épuration sont transportées par camions vers un site de traitement. Ces transports occasionnent une gêne importante et participent à des émissions importantes de Co2. Les associations d’usagers locales ne parviennent pas à obtenir la moindre information sur cette filière. Est-elle labellisée, bénéficie-t-elle d’une certification ? Existe-il aujourd’hui une traçabilité de ces boues ? Pourraient-elles être valorisées ? Silence radio des autorités.

La STEP est aussi à l’origine d’une pollution en macro déchets du rivage nord de la Pointe de la Cride, où elle est implantée. Il s’agit de petits graviers de couleur rouge stockés par Veolia. Ces tonnes de graviers sont enfermées dans des emballages en plastique qui se dégradent sous l’effet du soleil. Les graviers se déversent maintenant dans la mer.

Compte tenu du désastre, les mairies de Sanary et Bandol doivent régulièrement, au plus fort de l’été, interdire toute baignade, ce à quoi les estivants ne se risqueraient d’ailleurs pas, tant l’atmosphère est empuantie par ces rejets nauséabonds.

Depuis 2005 une association d’usagers demandait au maire de Sanary de porter plainte pour pollution contre l’exploitant de la station, sans succès.

Le Préfet a adressé une mise en demeure au maire de Sanary dans le courant de l’année 2008, en application du « plan Borloo » de remise aux normes impérative de toutes les STEP françaises, sauf à voir la France condamnée à plusieurs centaines de millions d’euros d’amende, pour non respect de la Directive « eaux résiduaires urbaines », qui date de… 1991 !

Une enquête publique a été ouverte du 5 janvier au 5 février 2009 sur la mise aux normes de la STEP.

Le coût des travaux est estimé à 15 millions d’euros, alors que le prix du m3 d’eau atteint déjà 4 euros, supérieur à la moyenne nationale.

Les travaux devront être financés par un emprunt, puisque la ville de Sanary est déjà endettée à hauteur de 2061 euros par habitant.

Compte tenu de « l’historique » du système d’assainissement local, la simple « remise aux normes » de la station enterrée sur un promontoire face à Sanary apparaît chimérique : enterrée sous terre, la STEP actuelle ne paraît pas pouvoir être vraiment modernisée, sans compter le système d’émissaires totalement dégradé qui l’alimente, qui devrait lui aussi être revu de fond en comble. Mais dans ce cas l’enveloppe de 15 millions d’euros pourrait être multipliée par un facteur 5 ou 10…

Plusieurs associations d’usagers et de défense de l’environnement plaident sans succès pour une solution alternative : le raccordement des villes de Sanary et Bandol à la nouvelle station d’épuration de Toulon Cap-Sicie, récemment inaugurée, qui accueille les eaux usées de Toulon, Ollioules, La Seyne et Six-Fours, regroupées au sein d’une même intercommunalité. Elle disposerait d’une marge supplémentaire de traitement de près de 100 000 équivalents-habitants.

Ce qui entrainerait la fermeture de la station d’épuration de la Pointe de la Cride.

Mais Sanary et Bandol n’appartiennent pas à cette intercommunalité.

Le cauchemar sanaryen risque de perdurer. L’infrastructure actuelle du réseau avec ses gigantesques émissaires sous-marins hors d’usage ne permet d’espérer aucune amélioration réelle, même si des millions d’euros sont engloutis dans une pseudo-refonte de la station de la Pointe de la Cride.

Et l’attitude de la municipalité laisse craindre le pire. Sur la plage la plus « côtée » de Sanary, Port-Issol, qui accueille une colonie de posidonies à la valeur patrimoniale inestimable, la ville a discrètement implanté il y a deux ans deux énormes exutoires d’eaux pluviales de 80 centimètres de diamètre, acheminées depuis les hauteurs de la ville, qui s’y déversent par temps d’orage, juste au dessus de la colonie de posidonies qui connait ses toutes dernières années de vie…

On comprend que le dernier « Pavillon bleu » décerné à Sanary date de 1989…

Voir le site de l’Association de défense des Sanaryens

Voir aussi le dossier de l’épuration à Sanary-Bandol du Bandolais.fr

Marc Laimé - eauxglacees.com