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2010 année de la Biodiversité : un poisson d’eau douce sur 4 menacé de disparition en France…

18 décembre 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La publication d’un rapport alarmiste, le 16 décembre 2009, à l’initiative du Muséum national d’histoire naturelle (Institut national du patrimoine naturel) et du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), validé par un comité d’experts de la société française d’ichtyologie, du Muséum, de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques , de l’Université Lyon-1 et de l’UICN, ne doit évidemment rien au hasard. En plein « Copenhague » en déroute, et quinze jours avant l’inauguration en grande pompe de l’Année de la biodiversité, les larmes de crocodile vont à nouveau jaillir. En pure perte, comme à l’accoutumée… Reste qu’un long commentaire posté par un ancien de la Générale des eaux sur le site de Libération, et que nous reproduisons ci-après pour qu’il connaisse l’audience qu’il mérite, dévoile impitoyablement l’origine de l’aggravation catastrophique de la qualité des eaux brutes en France. Un « témoignage de terrain » que l’on souhaiterait entendre plus souvent dans les centaines de colloques où l’armée des experts de l’eau entonnent en chœur, sans y croire une seconde, le célèbre « Tout va très bien, madame la marquise… »



Le rapport révélé par Libération souligne donc que près du quart des espèces de poissons d’eau douce vivant en France sont menacées de disparition. On le consultera donc avec affliction.

La liste rouge des poissons d’eau douce de métropole

Mais c’est le commentaire posté par un ancien de la Générale des eaux sur le site de Libé qui a retenu toute notre attention, et que nous reproduisons donc in extenso, tant il dévoile les dessous du « village Potemkine » de la qualité des eaux, que les lecteurs d’Eaux glacées connaissent trop bien. Agriculture productiviste sans entraves, épuration des eaux usées catastrophique, pollution des eaux pluviales, et on en passe et des pires comme on va le voir…

« Sert a rien de faire un procès d’intention, les listages des espèces menacées, en voie de disparition etc, sont très souvent victimes de confusion médiatique entre la voie de disparition, espèce actuellement menacée mais pas en voie de disparition immédiate, et espèce potentiellement menacées dans les 30-50 ans a venir...

« Le débat écologique a ce niveau est toujours truffé de confusion entre ces 3 états principaux de niveau de survavilité des espèces... Pas la peine donc de mettre le couteau sous la gorge de l’auteur : là ou on puise l’info, il est même possible que cela soit encore plus confus !

« Pour le reste : à quand le procès de l’agriculture, responsable d’une énorme partie du problème avec l’azotage des rivières en masse ? Et d’ailleurs où en sont les applications des bonnes pratiques, comme le respect du maintien de 20 mètres de sous-bois entre une rivière et un champ exploité ? Dans ma région, on ne voit aucun champ qui pratique cela, pourtant il me semble que c’est une pratique qui est rentrée dans la loi à la fin des années 90 ! La plupart des champs dans ma région que je vois, soit ne laissent aucune marge d’absorption, soit bien moins de 20 mètres de sous-bois entre l’aval du champ et la rivière !

« Or pourtant tout le monde le sait : ne serait ce que le respect de cette pratique pourrait diviser par 50% les taux actuels de produits azotés dans les eaux...

« Il y a aussi le problème massif des boues dans les rivières, le labourage des champs est trop intensif en France : or il est pourtant prouvé que la diminution de labourage peu permettre d’augmenter rendement comme impact écologique : le labourage massif apporte beaucoup trop de sédiment en suspension dans l’eau et diminue donc l’oxygène !

« Mais bien d’autres problèmes sont en jeu :

 inefficacité des stations d’épuration, notamment en été lorsque les cours d’eau baissent trop avec la sécheresse, les stations d’épuration crachent parfois dans les petites rivières 50% du débit de la rivière en amont. Comment voulez-vous que des poissons y survivent ? Il serait temps de construire des bassins de rétention et de ne relâcher les eaux uniquement quand le débit des rivières le permet. De plus ça permettrait d’affiner l’épuration en créant des étangs artificiel d’attente... On peut même créer des marais entiers qui servirait d’épurateur final pour réellement envoyer une eau acceptable dans les rivières, notamment en été où l’impact est le pire à cause de la diminution du débit : alors que le débit de la station lui ne descend pas, les gens consomment trop d’eau en été !

 trop de captages l’été en rivière. Politique du maïs à tout va complètement irrationnelle... Pas besoin de faire un dessin et c’est lié au problème d’ailleurs de rivière trop basse recevant du coup un pourcentage trop élevé sur le débit d’eau des stations d’épuration. Dans ce cas là pourquoi ne pas créer des bassins de rétention de l’eau des stations, pour que les agriculteurs irriguent avec cette eau là ? Ils n’auront d’ailleurs même plus a mettre d’engrais azotés, il est déjà présent dans l’eau ...

 industries mal épurées elles aussi. J’ai travaillé comme opérateur à la Générale des eaux, sur des stations d’épuration chimiques pour épurer les effluents de PME régionales. Elles disposent de leur propres stations, et on constate bien des soucis : mauvaise maîtrise du process d’épuration (qui n’est autre que : acidification de l’eau, perclhorure de fer pour briser les grosses molécules et faire un effluent homogène, neutralisation de l’effluent acidifié par de la chaux, floculation par polymères complexes qui agrippent les molécules en suspension pour les alourdir, décantation : rejet vers la station ménagère locale…

« J’ai constaté trop de « je m’en foutisme » au niveau des opérateurs : précision des analyses d’eau quotidiennes discutable, fréquent rejet massif d’effluents ultra pollués lors des curages des filtres à sables finals ou du décanteur... Et donc la mise à néant de l’effort : "On préviendra la Préfecture et ça ira". Ben voyons !

« Le problème étant que la plupart des stations ne disposent pas d’un « by-pass » recueillant l’effluent de curage des installations vers le bassin primaire de rassemblement des effluents de l’usine, l’eau du curage part immédiatement dans la bouche qui rejoint le réseau d’égouts ménagers. Du coup, à chaque curage l’intensité de la pollution rejetée revient à quasiment annuler l’intérêt de la station ! Car se sont deux endroits où se concentrent les pires polluants dans le « process » tout au long de l’année…

« Il faut donc absolument revoir les normes de conception, tout comme il me paraîtrait logique qu’on impose des questionnaires à l’embauche sur les sensibilités réelles environnementales des opérateurs et décideurs de ces entreprises. Que des entreprises se battent sur le marché de l’épuration privée des PME, c’est bien, qu’elles disposent de personnel réellement formé et sensibilisé serait mieux !

« Dernier point, il faut absolument diminuer sensiblement les pollutions lors des apports aux rivières par les réseaux d’eaux pluviales ! Filtration basique, bassin de dépôt et de décantation simple des macropolluants avant rejets (je ne parle pas d’épurer les eaux pluviales, ce qui coûterait trop cher). Et ne pas oublier que les réseaux d’eaux pluviales charrient tout : les mégots de clopes, emballages plastiques, poussières de plaquettes de freins, poussières classiques, etc., bref toutes les saloperies qu’on lâche a terre en ville ! Une filtration empêchant donc le plus gros de la pollution d’arriver aux rivières aiderait beaucoup. Les réseaux d’eaux pluviales charrient beaucoup de fer, issu de la circulation urbaine. Quand ce fer rejoint les rivières sous forme de poussière, il oxyde et donc supprime de l’oxygène dissout dans l’eau : les poissons apprécient !

« Si on agissait ne serait ce que sur ses points, la qualité des eaux exploserait en clarté !

« Et au final on y gagnerait beaucoup en traitement lors des pompages dans les rivières pour faire de l’eau potable. Plus on y balance des merdes, plus c’est cher à traiter si après on veut boire l’eau de la rivière en partie. En général les sociétés des eaux des villes mélangent l’eau traitée de la rivière avec l’eau de la nappe phréatique et une eau de source locale, si elle est disponible pour avoir un mélange pas trop calcaire pour le réseau d’eau potable. Si on prélève uniquement dans la nappe phréatique c’est du calcaire pur imbibé d’eau : guère exploitable si l’eau provenait à 100% de la nappe…

« Il y a aussi actuellement le problème de la pollution médicamenteuse, mais hélas c’est extrêmement coûteux a traiter (aussi coûteux que de dessaler de l’eau de mer car il faut utiliser l’osmose inverse si on veut capter les plus petites molécules chimiques des médicaments,. Les stations d’épurations classiques sont incapables de supprimer les fortes traces médicamenteuses présentes en masse dans les urines, le procédé bactériologique ne s’attaque qu’a la macro-pollution biologique et des produits ménagers facilement biodégradable.

« Arte avait fait un excellent reportage, justement, sur la pollution grandissante médicamenteuse économiquement intraitable. Cela a pourtant de lourdes conséquences environnementales à moyen terme avec l’apparition d’individus asexués ou hermaphrodites chez les poissons et coquillages ! Des espèces donc pourraient disparaître rapidement et d’autres proliférer à foison à cause de ces changements dramatiques sur les appareils de reproduction sexuée !

« Tout comme il est impossible aux sociétés des eaux de garantir une eau sans résidus médicamenteux dans les zones où l’eau potable est captée dans les rivières pour traitement. Et là ça concerne plus que les poissons : ça concerne carrément un problème de santé publique si on est incapable d’en protéger les consommateurs ! »

Marc Laimé - eauxglacees.com