Retour au format normal


« Sors d’ici, Jean Moulin… »

16 décembre 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La collision des deux informations condense à la perfection l’esprit de l’époque. M. Eric Woerth, ministre du Budget, nouveau Tamerlan du service public, se trémousse lamentablement dans un clip musical réalisé par les « jeunesses » du parti au pouvoir. Le même M. Woerth est le grand architecte de la Révision (Régression) générale des politiques publiques (RGPP), entreprise de démolition forcenée du service public et du modèle social français, qu’incarnait au sortir de la Seconde guerre mondiale le programme du Conseil national de la résistance. Collision significative : le site acteurspublics.com révélait le 14 décembre 2009 que le ministère de l’Intérieur recourt au privé pour gérer la carrière des préfets…



Ici l’entreprise idéologique fomentée dès 2002 quand l’actuel président de la République préparait la « Mère de toutes les batailles » depuis le ministère de l’Intérieur se révèle donc sans fards.

La lettre de Guy Moquet, le plateau des Glières, Camus au Panthéon, les mânes de Jaurès et de Blum, la fierté ouvrière, la défense de l’usine… Cynique rideau de fumée répandu par les spin doctors adeptes de la « triangulation », qui fait tintinabuller l’appareil médiatique comme flipper en folie…

« Assistance à la gestion » du corps préfectoral…

Et pendant ce temps là, le ministère de l’Intérieur fait appel à cinq cabinets de conseil spécialisés en ressources humaines pour gérer la carrière des préfets et des sous-préfets, comme le révèlait le 14 décembre 2009 le site acteurspublics.com.

Le ministère a confirmé cette information, en précisant qu’il s’agissait d’un "marché à bons de commandes", donc reconductible éventuellement.

L’avis officiel en estime le coût à deux millions d’euros, indique acteurspublics.com, alors que le ministère assure que la facture sera moins élevée.



Un appel d’offres, lancé le 22 juillet, avait attiré 55 candidats. Après examen, le ministère a retenu cinq cabinets pour une mission dite "d’assistance à la gestion du corps préfectoral", précise le site.


Selon le secrétaire général du ministère M. Henri-Michel Comet, cité par le site, "en aucun cas, le privé n’est là pour se substituer au service de recrutement du ministère, encore moins pour chercher à pousser vers la porte les préfets ou sous-préfets au gré des restructurations".



Le ministère souhaite en fait offrir une véritable "prestation individualisée" aux hauts fonctionnaires, qu’il s’agisse d’accompagner les préfets et sous-préfets qui voudraient valoriser leurs parcours avant de quitter l’administration ou de faire venir les meilleurs profils dans la préfectorale.


Pour recruter de nouveaux profils, il a confié à un chasseur de têtes la tâche de prospecter le privé et à un cabinet de recrutement de mener des entretiens avec des candidats issus de l’administration.
Deux cabinets sont ensuite chargés de l’accompagnement de la mobilité des préfets et des sous-préfets.

Le ministère, indique le site, a déjà tâté le terrain durant l’été auprès de grandes entreprises (SCNF, Areva, France Télécom, Caisse des dépôts) pour faire la publicité des préfets.



Un cinquième cabinet assistera les préfets dans la conduite du changement sur le terrain dans le cadre des réorganisations liées à la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

"Sors d’ici, Jean Moulin..."

Nouvelle collision, qui est à la source de ce billet, le bureau de Jean Moulin sort de l’ombre….

Remisé depuis des années à l’abri des regards du public dans une pièce peu fréquentée de la préfecture d’Eure-et-Loir, le bureau de Jean Moulin devrait bientôt être classé à l’inventaire des monuments historiques. Sa conception soignée, de style Napoléon III, lui confère un certain cachet, mais c’est surtout sa valeur historique qui en fait un meuble à part, relève Anne-Marie Joly, conservateur départemental des antiquités et des objets d’art.

Dès son arrivée à Chartres, l’actuel préfet Jean-Jacques Brot, admirateur de Jean Moulin, a souhaité redonner son lustre au meuble de travail du héros et martyr de la Résistance française.

On imagine déjà comment le cabinet qui va s’occuper de l’avenir du préfet d’Eure-et-Loir va loger le bureau de Jean Moulin dans ses indicateurs de performance !

Comme l’actuel président de la République, après avoir sauvé la planète, tenu la France à l’abri de la crise, et fomenté un plan de relance historique, veut « réformer l’Etat social dès 2010 », et même si nous nous gardons bien évidemment d’émettre le moindre conseil à l’intention des membres du corps préfectoral, nous ne saurions trop leur conseiller de s’intéresser par exemple à l’essor des « dark pools »…

« Sors d’ici, Jean Moulin… », il n’est pas encore trop tard pour virer oligarque.

« Tous ceux qui veulent changer le mon-deeeuuu, venez marcher à mes côtés… »

Marc Laimé - eauxglacees.com