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Catastrophique pollution chimique du Rhône à Lyon

1er mars 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les préfets du Rhône, de l’Ain et de l’Isère ont décidé la semaine dernière, quinze jours avant l’ouverture de la pêche à la truite, « au nom du principe de précaution », d’interdire toute consommation de poisson dans une zone d’une centaine de kilomètres, depuis le barrage de Sault-Brénaz dans l’Ain, jusqu’à celui de Vaugris au sud de Vienne dans l’Isère. L’analyse des poissons, et surtout celle des sédiments a établi qu’ils contenaient des quantités alarmantes de PCB. L’interdiction pourrait durer des mois, voire des années.



Selon le Figaro du 1er mars 2007, qui révèle l’affaire, poissons et sédiments contiennent des polychlorobiphényles (PCB), plus connus sous leur appellation commerciale de Pyralène, longtemps utilisé comme isolant électrique des transformateurs.

Sa toxicité est équivalente à celle de la dioxine pour des consommateurs réguliers de poissons, selon l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

La présence de PCB dans le Rhône est attestée depuis des années. Dans les années quatre-vingt, époque où les normes étaient moins draconiennes, la responsabilité d’une usine de retraitement de déchets de Saint-Vulbas, dans l’Ain, avait été pointée du doigt lors d’un épisode de pollution.

« Aujourd’hui, nos rejets dans l’eau sont très en deçà des normes, nous avons investi en masse », a déclaré au quotidien Henri Petitgand, directeur de la communication du groupe Séché-Tredi qui a racheté l’usine en 2002.

« Tant que l’origine de la pollution n’est pas trouvée, on continuera de nous pointer du doigt », déplore-t-il.

En 2005, des analyses de chair de poissons pêchés dans le canal de Jonage, dans la banlieue de Lyon, avaient de nouveau mis en évidence une contamination. Et conduit les services de l’État à mettre en place un protocole d’analyses et d’enquête réalisés par le Cemagref et la Direction des services vétérinaires.

Ce sont les conclusions de cette enquête qui ont provoqué la semaine dernière l’extension de la zone d’interdiction, et ont décidé la Fédération Rhône-Alpes d’associations de protection de la nature (Frapna) à déposer plainte contre X pour pollution.

Plusieurs centaines de milliers de tonnes de sédiments contaminés

Mais davantage que la contamination des poissons, celle des sédiments inquiète Alain Chabrolle, administrateur de la Frapna : « Nous sommes confrontés à un nouveau type de pollution, car les PCB ne sont pas solubles, ne sont pas biodégradables, ils se scotchent sur les sédiments, une sorte de pollution invisible qui n’a pas de toxicité à court, mais à moyen et long terme. »

Le préfet du Rhône, coordinateur de bassin, a demandé aux collectivités situées plus en aval de pratiquer également des analyses qui pourraient, en cas de résultat positif, conduire à une extension du périmètre d’interdiction de consommer le poisson.

Reste à expliquer, si l’hypothèse d’une contamination ancienne se confirme, pour quelle raison elle resurgit.

Le Cemagref émet l’hypothèse de modifications du régime hydraulique du fleuve dues au changement climatique. Une hypothèse qui inquiète très fortement, à raison de ses conséquences catastrophiques, l’Agence et le Comité de bassin Rhône-Méditerrannée-Corse…

Sans exclure de pollution plus récente. « On finira bien par trouver l’origine » car les PCB portent leur marque de fabrique, précise Henri Petitgand.

L’interdiction de consommation des poissons pourrait durer plusieurs mois, voire des années, car ce sont des centaines de milliers de tonnes de sédiments qui sont contaminés.

La France s’est engagée, Directive-cadre européenne sur l’eau oblige, à rétablir un bon état écologique et chimique de toutes les masses d’eau en 2015.

Plus de poissons à Lyon et peut-être bientôt au-delà, un fleuve durablement contaminé, une nouvelle guerre de l’eau en Bretagne, de vives inquiétudes sur le front de la sécheresse pour l’été prochain, reconnaissait ce matin la ministre de l’Ecologie, Mme Nelly Olin…

Si l’on y ajoute la fronde que suscite la volonté du gouvernement de promulguer à la hussarde avant les élections une trentaine de décrets et d’arrêtés d’application de la loi sur l’eau votée le 22 décembre dernier, çà promet…

Deux mairies portent plainte contre X pour pollution

On apprenait le 23 mai 2007 que les municipalités de Meyzieu et Décines-Charpieu (Rhône) avaient déposé plainte contre X pour pollution du Rhône, le fleuve étant confronté à une pollution sans précédent aux PCB.

Meyzieu et Décines sont bordées au nord par le canal de Jonage, particulièrement affecté par cette pollution, les autorités ayant interdit dès 2005 la consommation des poissons pêchés dans ce bras du Rhône.

L’interdiction a ensuite été progressivement étendue jusqu’à inclure une zone de plus de 100 kilomètres en amont et en aval de Lyon.

"Nous avons déposé plainte pour pollution des eaux et abandon de déchets contenant du PCB, après une délibération de notre conseil municipal le 29 mars", a précisé à l’AFP Serge Pupovac, directeur généraux des services de Décines.

Les PCB, composés chlorés utilisés notamment comme isolant électrique, ont été largement déversés dans le fleuve dans les années 1980. Très peu solubles, ils se sont accumulés dans les sédiments puis dans les graisses des poissons.

Interdits à la vente en France depuis 1987, les PCB sont connus pour entraîner chez l’homme, s’ils sont ingérés régulièrement pendant de longues périodes, des problèmes de fertilité ou des cancers.

Au cours d’un point-presse, les candidats Verts aux élections législatives dans le Rhône ont estimé que cette pollution, dont ils entendent faire "le fil rouge" de leur campagne, concernait probablement d’autres départements.
Le parti écologiste souhaite que les pouvoirs publics lancent une enquête sanitaire approfondie.

Alain Chabrolle, administrateur de la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (Frapna), a assuré à cette occasion que la préfecture avait accepté le principe d’un groupe de travail, chargé de mener cette étude de 2008 à 2010.

Interdiction de consommer des poissons étendue à l’Ardèche et la Drôme

L’interdiction de consommer des poissons pêchés dans le Rhône, du fait d’une pollution sans précédent aux polychlorobiphényles (PCB), a été étendue à l’ensemble de l’Ardèche et de la Drôme, annonceront le 13 juin 2007 les préfectures des deux départements.

Cette interdiction, qui concerne également "les canaux de dérivation et les contre-canaux du fleuve", était déjà en vigueur depuis plusieurs semaines ou mois pour une zone de plus de 100 kilomètres en amont et en aval de Lyon.

Avec cette nouvelle extension, plus de 200 kilomètres du Rhône sont désormais concernés.

Dans leur communiqué, les deux préfectures expliquent que des analyses effectuées dans le nord de la Drôme-Ardèche, "sur 6 espèces de poissons", ont conclu que la concentration en dioxine et PCB était jusqu’à 7 fois supérieure à la norme recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et adoptée par l’Union européenne.

Après des analyses de poissons en février 2005, un premier arrêté, pris en avril 2005, avait d’abord interdit la consommation de poissons pêchés dans le canal de Jonage (Rhône), près de Lyon.

Au fil des analyses faites pour les besoins de cette enquête sur l’origine de cette pollution, l’interdiction a été étendue.

Les investigations sont toujours "en cours", notaient, le 13 juin, les deux préfectures.

En mai, les mairies de Meyzieu et Décines-Charpieu (Rhône) avaient déposé plainte contre X à la suite de cette pollution.

Les PCB, composés chlorés utilisés notamment comme isolant électrique, ont été largement déversés dans le fleuve dans les années 1980. Très peu solubles, ils se sont accumulés dans les sédiments, puis dans les graisses des poissons.

Interdits à la vente en France depuis 1987, ils sont connus pour entraîner chez l’homme, s’ils sont ingérés régulièrement sur de longues périodes, des problèmes de fertilité ou des cancers.

La région s’alarme de la pollution du fleuve

Après l’interdiction de consommer des poissons du Rhône, décidée par les préfets de la Drôme et de l’Ardèche, le président (PS) du conseil régional Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne, a demandé le 19 juin 2007 au préfet de région d’organiser “dans les meilleurs délais” une rencontre avec les élus des territoires concernés par la contamination du fleuve. Le président de région évoque “une pollution sans précédent et qui s’amplifie”.

De nouvelles analyses effectuées récemment dans le nord de la Drôme-Ardèche sur six espèces de poissons ont révélé une concentration anormale de composés chlorés PCB et de dioxine, jusqu’à 7 fois supérieure aux normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

L’interdiction de consommer du poisson, initialement sur 100 kilomètres est étendue à 200 kilomètres en amont et en aval de Lyon. 

Selon Jean-Jack Queyranne, la rencontre aura pour objet de vérifier la mise en œuvre des actions de dépollution déjà programmées et d’examiner des mesures complémentaires. La région et l’Union européenne prévoient 7 millions d’euros entre 2007 et 2013 pour conduire des actions de lutte contre la pollution.

En outre, Rhône-Alpes, avec les régions Paca et Languedoc-Roussillon, est très impliquée dans le plan Rhône, qui vise à restaurer la qualité des eaux du fleuve, en mobilisant les acteurs des territoires riverains.

L’inquiétude croît, le mystère aussi…

Dans son édition du 26 juin 2007 le quotidien Le Monde publie une enquête de sa correspondante régionale, qui ne contribue malheureusement pas à lever le voile sur la pollution dont il est désormais avéré qu’elle souille le Rhône jusqu’à son embouchure…

« (…) Le périmètre s’étend désormais sur 200 kilomètres et pourrait encore être élargi : le Vaucluse, le Gard et les Bouches-du-Rhône attendent les conclusions d’analyses avant de prendre d’éventuelles mesures de protection similaires.

Dans la Drôme, les résultats des prélèvements réalisés sur six espèces de poissons ont montré une contamination allant jusqu’à 59 picogrammes/gramme (pg/g), alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé à 8 pg/g la concentration admissible en dioxine et PCB dans les poissons destinés à la consommation humaine. Le poisson le plus contaminé présentait une dose 40 fois supérieure à la dose acceptable quotidiennement. »

Quant à la dangerosité de cette pollution chimique exceptionnelle, rien de rassurant non plus :

« (…) La contamination se fait par ingestion d’animaux ou de produits d’origine animale contaminés. Les autorités préfectorales font valoir que la "toxicité aiguë des PCB est faible pour l’homme et qu’une exposition accidentelle de courte durée n’a pas de conséquence grave". Les mêmes sources précisent toutefois qu’une exposition aiguë à forte dose est associée à des irritations de la peau et plus rarement des infections hépatiques, neurologiques, des bronchites chroniques, des maux de tête et vertiges et parfois de l’impuissance. Des troubles qui peuvent être irréversibles et entraîner des cancers.

« Des analyses devraient être prochainement étendues à de nouvelles espèces, comme les anguilles, et à de nouveaux polluants, comme le mercure. »

Lire :

Une mystérieuse pollution souille le Rhône

Le Rhône n’est pas une poubelle

A l’occasion d’une réunion du Comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse qui devait avoir lieu le jeudi 28 juin 2007, des élus Verts de la région Rhône-Alpes, Jean-Marc Léculier, membre du bureau de l’Agence de l’eau et Geneviève Soudan, porte-parole du groupe des verts à la région Rhône-Alpes, enfonçaient le clou et diffusaient un communiqué soulignant la gravité de la situation.

« Au nom du principe de précaution, la consommation de poissons pêchés dans le Rhône est interdite sur un secteur de plus en plus vaste de l’Ain à la Drôme depuis le 1er mars 2007.

« Or, il est question de déversements de pyralène contaminant depuis plus de vingt ans les sédiments.

« Le Rhône est une richesse et les élus Verts à la Région Rhône Alpes, depuis 2004, ont œuvré dans le sens de sa protection. (Elaboration d’ un plan Rhône en partenariat avec les autres régions concernées assurant l’aménagement équilibré du Rhône respectueux de l’homme, de son environnement et de ses activités. Accord cadre entre l’Etat, l’Agence de l’Eau et Rhône Alpes quant à la qualité des eaux).

« Depuis février les Verts ont interpellé le Préfet afin que les études nécessaires soient réalisées pour connaître l’origine de cette pollution.
Aujourd’hui les Verts insistent pour que les membres du comité de bassin prennent leurs responsabilités et engagent les démarches nécessaires pour identifier le pollueur, faire cesser la pollution et que le Rhône retrouve sa qualité, pour le bien-être des riverains, comme l’impose d’ailleurs la directive cadre européenne sur l’eau. »

Lire :

Le Rhône pollué par les PCB : un Tchernobyl français ?

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 14 août 2007.

Pollution du Rhône : 10 questions sur un désastre écologique majeur.

Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 août 2007.

« Le Rhône interdit : il est pollué jusqu’à la Méditerranée »

Le Nouvel observateur, 23 août 2007.

Le « couloir de la chimie » sur la sellette

Les eaux glacées du calcul égoïste, 28 août 2007.

Pollution au PCB : après le Rhône en France, la Suisse découvre à son tour l’ampleur de la contamination.

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 30 août 2007.

Le pyralène, poison des poissons du Rhône

Rue 89, 1er septembre 2007.

A SONG :

DIE EINHEITSFRONT – Front des travailleurs

Marc Laimé - eauxglacees.com