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Assainissement non collectif (76) : les nouveaux arrêtés violent-ils le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi ?

6 octobre 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Après avoir pris connaissance du contenu des nouveaux arrêtés, signés le 7 septembre, et en passe d’être publiés au Journal officiel, le représentant d’une association d’usagers de la Drôme soulève la question de la rétroactivité de certaines dispositions qui semblent découler du contenu des arrêtés…



En février 2009 une cinquantaine d’habitants du canton de Bourg-de-Péage (Drôme) et l’AMMEAU (Association des monts du matin pour l’eau, l’assainissement et l’usager), saisissaient la juridiction de proximité rattachée au Tribunal d’Instance de Romans-sur-Isère, afin d’obtenir l’annulation des factures qui leur avaient été adressées, relatives au contrôle de leurs ANC, ou leur remboursement.

Initialement prévue le 7 avril, l’audience de la juridiction de proximité avait été annulée pour des questions de compétences juridictionnelles.

L’audience prévue le 11 juin 2009, lors de laquelle la présidente du Tribunal devait entendre les arguments des deux parties sur la forme (compétences, prescription…), n’a finalement pas eu lieu car l’avocat des usagers a eu un empêchement.

D’ailleurs celle-ci n’avait plus de raison d’être : la partie adverse, après avoir contesté la compétence de la juridiction saisie, s’est déclarée par courrier daté du 18 mai 2009 s’en remettre " à la libre appréciation du juge de proximité au regard des éléments apportés par les deux parties ".

Depuis lors aucune date n’a été fixée pour traiter du fond du sujet…

C’est à la lumière de cette expérience que Franck Chiron, de l’association AMMEAU, réagit aujourd’hui à la publication des arrêtés, rendus publics sur Eaux glacées, et soulève le problème de la rétroactivité de certaines dispositions qui apparaissent découler du contenu desdits arrêtés…

« Concernant l’arrêté relatif aux modalités des contrôles des ANC que vous avez mis en ligne, j’attire votre attention sur le court article 9 :

" Toute opération de contrôle […], réalisée par la commune avant publication du présent arrêté, est considérée comme répondant à la mission de contrôle au sens de l’article L.2224-8 du CGCT ".

Il revêt un caractère rétroactif de bon aloi, enfin je ne suis ni juriste, ni constitutionnaliste.

À force d’évoquer, d’invoquer le principe supérieur de non rétroactivité des lois, j’ai pu sortir de l’esprit des adhérents de l’AMMEAU, l’idée de « mise aux normes. »

Et voilà que les lois, les textes réglementaires, aux lendemains incertains, bafouent un principe fondateur.

On retrouve ce principe à l’article 8 du préambule de la Constitution de 1958 :

" […], et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ".

Les « Lois Scélérates » de la fin du XIXeme siècle sont un contre-exemple.

La violation de ce principe apparaît aussi, me semble-t-il, à l’article L1331-1 du code de la Santé publique :

" Le raccordement des immeubles aux réseaux publics […] est obligatoire dans le délai de deux ans … ", même pour ceux pourvus d’un ANC. Certes il est envisagé des prolongations de délai ou d’exonération de l’obligation de raccordement définie par arrêté (existe-t-il ?). Quid de l’antériorité ?

Pour revenir à l’article 9 évoqué, il me rappelle étrangement l’un des motifs de nos recours que vous aviez mis en ligne. Certes, pourquoi voir le malin partout, quand ce n’est peut-être que le fruit douteux de la coïncidence ?…

Quand les arrêtés seront officialisés, il faudra les décortiquer : il y aura sûrement du grain à moudre.

À l’article 15 de l’arrêté fixant les prescriptions techniques, nous pouvons lire :
" La périodicité de vidange de la fosse toutes eaux doit être adaptée en fonction de la hauteur de boues qui ne doit pas dépasser 50% du volume utile".

Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour augurer qui tirera (grand) profit de cette étonnante formulation.

Et quant à l’arrêté relatif aux contrôles, quelques interrogations supplémentaires :

Art 2 : la distinction (confer 2a, 2b) se fait par rapport au 31/12/1998. Or le L2224-8 parle de "plus ou moins huit ans". D’après notre avocat, cette interprétation serait contestable.

Art 4 : le point c) " vérifier le respect des prescriptions techniques réglementaires en vigueur lors de la réalisation ". Avec des ANC qui peuvent dépasser les 30 ans, belle jonglerie en perspective ! De plus aucune prescription n’est prévue : cela doit être sérieux pour être imprescriptible, n’oublions qu’ici seul le bon fonctionnement devrait être recherché.

Art 5 : c) " vérifier l’adaptation de la filière …", en cas d’inadaptation, qui sera comptable des travaux à réaliser ?

Art 8 : rien n’est dit concernant l’astreinte au paiement d’une somme en cas de refus de contrôle ou non-respect de la mise en conformité : la somme peut atteindre le double de la redevance d’après l’article L.1331-8 du Code la Santé Publique.

Art 10 : " vérification de la réalisation périodique des vidanges ". Dans l’autre arrêté, on trouve les termes " régulièrement " et " périodicité ", le tout accompagné d’un critère physique : un volume utile au moins égal à la moitié du volume de la fosse (confer l’article 15, évoqué ci-dessus). Si périodicité il doit y avoir, elle devrait être particulière à chaque cas ! Car multiplier les vidanges n’a aucun sens quand on recherche le bon fonctionnement, sauf, si on cherche la captation d’un marché…

Annexe 1 : " vérification de la présence de ventilation " pour toutes les installations, ceci a un parfum indéniable de rétroactivité ( j’y reviens, je dois être monomaniaque !).

Concernant l’obligation de faire appel à un vidangeur, nous avions interpellé les parlementaires de la Drôme (une seule réponse sur huit), sur une incohérence : un agriculteur équipé d’une tonne à lisier devrait passer par un professionnel, alors que ce même agriculteur peut être démarché afin qu’il accepte d’accueillir sur ces terres des boues des stations collectives (confer le fonds de garantie créé par la LEMA). S’il y a cohérence, c’est uniquement en vertu d’une logique pécuniaire : il faut apprendre à bien passer par toutes les cases de ce Monopoly, et n’en oublier aucune !"

Contact :

Franck Chiron

chiron.franck26@orange.fr

Le dossier de l’ANC

Marc Laimé - eauxglacees.com