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PCB : le président des pêcheurs professionnels en eau douce harcelé par les gendarmes sur la Loire

29 juillet 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Philippe Boisneau préside le Comité national de la pêche professionnelle en eau douce (CNAPPED), et se bat sans compter depuis plusieurs années pour défendre les intérêts matériels et moraux d’une profession en voie d’être décimée par la crise du PCB. Le 1er juillet 2009, alors qu’il se livrait, en dépit de son handicap physique, à son activité professionnelle sur les bords de la Loire, il a été victime d’une véritable opération d’intimidation conduite par un impressionnant dispositif mobilisant plusieurs véhicules de la gendarmerie. Un scandale de plus dans une crise du PCB dont le bilan apparaît de plus en plus accablant pour les pouvoirs publics.



Le préfet de la Loire interdisait, sombre litanie désormais coutumière, le 5 juin 2009 la consommation et la vente de poissons capturés dans la Loire et trois autres rivières du département, en raison d’une contamination aux PCB (polychlorobiphényles), plus connus sous le nom de pyralène.
« Pour les barrages de Grangent et de Villerest, les analyses confirment la présence de mercure dans les poissons carnassiers au-delà des normes : les espèces brochet, sandre et perche sont interdites à la consommation et à la commercialisation », ajoutait le communiqué de la préfecture.
« La consommation des autres espèces comme le gardon, l’ablette, la carpe, le rotengle ou le silure, est autorisée », précisait-t-on de même source.

C’est dans ce contexte que Philippe Boisneau subissait une véritable intimidation dans la nuit du 1er au 2 juillet 2009. Incident qu’il dénonçait dès le lendemain dans un courrier adressé au Directeur départemental de l’Agriculture et de la Forêt d’Indre-et-Loire, M. Jean-Luc Chaumier.

« Monsieur le Directeur,

« Hier soir, je terminais une séance de pêche à la senne pour capturer de la friture de Loire le long de la plage en aval du pont d’Amboise en rive droite, lot H4. Compte tenu de l’absence de moyens d’accès aux différents sites de pêche, j’utilise un véhicule tout-terrain équipé d’une cuve et d’une bouteille d’oxygène pour y stocker les poissons qui doivent être conservés vivants. Egalement compte tenu de mon handicap (hémiplégie droite), ce travail me serait impossible sans ce type d’équipement. A l’aval d’Amboise, le site de pêche est à plus de 500 mètres de l’accès carrossable le plus proche.

« Vers 23h45, alors que l’action de pêche était terminée et que nous procédions au tri des derniers poissons à relâcher et au pliage de la senne, une rampe de phares puissants nous a éclairés depuis cet accès carrossable. Les phares se sont éteints et nous avons distingué dans la nuit au moins trois autres véhicules qui sont allés se positionner pour bloquer les différents points par lesquels nous aurions pu partir. Nous avons tranquillement poursuivi le travail, quand brusquement des phares se sont allumés autour de nous, avec un cri "contrôle des papiers !". J’ai indiqué que j’étais le responsable des opérations de pêche, décliné mon identité et mon statut de pêcheur professionnel. J’ai expliqué au gendarme qui relevait les informations de ma carte d’identité que j’étais locataire du droit de pêche de l’Etat, et il a retourné ma carte professionnelle dans tous les sens en semblant ne pas comprendre de quoi il s’agissait ! D’un air suspicieux, il m’a alors indiqué qu’il vérifierait tout cela. C’est notamment pour ce motif que je vous adresse ce courriel.

« Puis il m’a indiqué qu’il relevait une infraction à mon encontre. Alors que je lui demandais laquelle, il m’a répondu que je me trouvais avec mon véhicule dans le lit de la Loire, zone naturelle, ce qui était formellement interdit. Je lui répondis que pas du tout, que j’avais le droit d’accéder à mes sites de travail dans les zones naturelles avec mon véhicule. Il m’a indiqué que j’avais tort ou alors que je disposais d’une autorisation que je devais lui présenter. Je lui ai alors indiqué que, d’une part j’étais handicapé, et que d’autre part cette autorisation n’était pas individuelle mais résultait directement de l’article 2 de la loi de 1991 relative à la circulation des véhicules terrestres dans les espaces naturels. Alors qu’il contestait mes propos, je lui demandais l’autorisation de retirer un document de la boite à gants de mon véhicule. Je sortis alors le texte de loi et lui mis sous le nez en lui demandant de lire l’article 2, ce qu’il fit. Après lecture, les gendarmes quittèrent les lieux.

« Tout ceci appelle plusieurs commentaires de ma part. D’une part, une opération de contrôle faisant intervenir quatre véhicules bloquant tous les accès avec une douzaine de gendarmes en intervention de nuit ne peut relever du seul hasard. Il me semble probable que cette opération a été lancée suite à une dénonciation calomnieuse, provenant probablement d’un de nos détracteurs chez les pêcheurs aux lignes. Je rappelle que la brigade nautique de gendarmerie s’est fourvoyée l’année dernière sur dénonciation calomnieuse de pêcheurs aux lignes, ce qui les a amené à saisir indûment une nasse à lamproie (en risquant leur vie !) à mon jeune collègue Nicolas Herault sur la Vienne à l’aval de Chinon. Je pense d’ailleurs faire l’objet d’une surveillance "rapprochée" de certains de ces détracteurs puisque les vols et destructions de matériels de pêche (verveux et nasses, cambriolage de ma toue de pêche et vol des filets qui s’y trouvaient), ont repris de plus belle. L’ensemble de ces faits à l’encontre des pêcheurs professionnels semble constituer une poursuite voire une amplification du harcèlement moral dont nous sommes victimes de la part de pêcheurs de loisirs (et parfois trafiquants de poissons) fanatiques. Mon collègue, régulièrement insulté de loin, et qui a récemment entendu des tirs de carabine proches en Loire après avoir été menacé de mort, et moi-même craignons désormais des attaques physiques. Aussi, je pense qu’une enquête sur l’initiative du contrôle d’hier pourrait utilement renseigner sur ces hypothèses.

« D’autre part, je ne pensais pas que ma personne puisse être perçue comme d’un danger tel qu’il faille envoyer une douzaine de gendarmes en opération de nuit pour me contrôler ! C’est trop d’honneur ! Par contre, compte tenu des débats actuels sur les dommages divers aux milieux aquatiques et aux poissons menacés, tels l’anguille ou le saumon, on aimerait bien que de tels moyens soient mis en oeuvre à l’encontre des multiples infractions à la continuité écologiques des eaux et autres atteintes, et que les trafiquants de poissons et leurs clients restaurateurs en Indre-et-Loire soient l’objet des mêmes prévenances.

« Enfin, pourriez-vous m’indiquer le coût pour les fonds publics d’une telle opération ? En effet, les Ministères nous indiquent régulièrement ne pas avoir les moyens financiers pour accompagner les professionnels de la pêche en eau douce impactés par la crise des PCB et par les mesures de réductions de la pêche de l’anguille. Merci à l’avance pour votre réponse.

"Dans cette attente, je vous prie de recevoir, Monsieur le Directeur, l’expression de ma meilleure considération. »

Le dossier du PCB :

Le Rhône pollué par les PCB : un Tchernobyl français ?

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 14 août 2007.

Pollution du Rhône : 10 questions sur un désastre écologique majeur.

Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 août 2007.

« Le Rhône interdit : il est pollué jusqu’à la Méditerranée »

Le Nouvel observateur, 23 août 2007.

Le « couloir de la chimie » sur la sellette

Les eaux glacées du calcul égoïste, 28 août 2007.

Pollution au PCB : après le Rhône en France, la Suisse découvre à son tour l’ampleur de la contamination

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 30 août 2007.

Le pyralène, poison des poissons du Rhône

Rue 89, 1er septembre 2007.

Pollution du Rhône : la video qui accuse

Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 septembre 2007.

Pollution du Rhône : questions sans réponses

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 septembre 2007.

La mort du Rhône, Etudes, novembre 2007.

The ’French Chernobyl’ that has poisoned the Rhône’s fish

The Guardian, 23 février 2008.

Des taux élevés de PCB trouvés chez des consommateurs de poisson

Le Monde, 29 mai 2008.

Le WWF met en garde contre la contamination de l’homme aux PCB

Le Monde, 29 mai 2008

PCB : les dysfonctionnements de l’Etat

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 27 juin 2008.

PCB : deux poids et deux mesures

Les eaux glacées du calcul égoïste, 27 mai 2009

PCB : les pêcheurs professionnels victimes du ministère de l’Ecologie

Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 juillet 2009

PCB : le président des pêcheurs professionnels en eau douce harcelé par les gendarmes sur la Loire

Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 juillet 2009

Voir :

« Comme un poison dans l’eau », Envoyé spécial, 22 mai 2008

Lire : Fred Pearce, Quand meurent les grands fleuves, Enquête sur la crise mondiale de l’eau, Calmann-Lévy, 2006.

Marc Laimé - eauxglacees.com