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Adoption des Sdage : comment intégrer « l’effet Grenelle » et le « Plan national santé environnement 2 » ?

24 juillet 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Tous les « acteurs de l’eau » français devront avant la fin 2009 « rendre leurs devoirs de vacances », et faire adopter solennellement par les Comités de bassin les nouveaux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), après avoir achevé l’examen des résultats des consultations sur des projets de Sdage qui ont fortement été bousculés par le Grenelle, puis l’adoption toute récente du « Plan santé environnement 2 », rendu public le 22 juillet 2009. Un insondable casse-tête…



Nos fameux Sdage ont été sévèrement « revus » (enfin sans l’être vraiment, c’est compliqué...), pour la simple raison que le Grenelle a totalement modifié les objectifs « d’atteinte du bon état des eaux en 2015 », qui avaient commencé à être élaborés, conformément aux exigences de la DCE, après « l’état des lieux » finalisé en décembre 2004.

Ici une visite attentive de notre « village Potemkine » de l’environnement révèle les impasses qu’aura suscité « l’effet Grenelle »…

En dépit de sollicitations répétées, aucune source officielle ne s’est ainsi aventurée à nous expliquer comment la « magie » du Grenelle aura pu, d’un coup de baguette, faire passer l’objectif, déjà fort peu raisonnable, d’atteinte du bon état de 25% à 30% des masses d’eau en 2015, à celui, totalement délirant, de plus de 65% !

Il est vrai que pour surmonter l’obstacle on nous susurre depuis lors que les montants financiers qu’il auraient fallu mobiliser pour atteindre cet objectif auraient conduit à multiplier par 2 ou 3 le prix de l’eau. Résultat l’horizon 2015 s’efface désormais officiellement, au profit de 2021 ou 2027, ce qui fait déjà mauvais effet quand on a subi depuis tant d’années les mantras des « évangélistes de 2015 ».

Mais on ne mesure vraiment l’ampleur des dégâts qu’en prenant connaissance par exemple de l’avis sur les projets de SDAGE et de programmes de mesures de métropole, présenté par la Direction de l’eau et de la biodiversité de l’alors MEEDDAT, et pas encore MEDDM, au Comité national de l’eau du 22 avril 2009.

Chaque Agence ayant rendu sa copie « post-Grenelle », ce document de 47 pages propose des synthèses des projets de SDAGE, agrémentées, faut être sérieux, de charmants petits tableaux présentant les coûts des mesures 2010-2015 « avant additif », et « après additif », qui font apparaître d’inquiétants écarts, se chiffrant en millions, voire en dizaines de millions d’euros, qu’il va bien falloir imputer… aux industriels ? aux agriculteurs ? aux usagers domestiques ? On imagine l’empoignade !

Bref, à eux seuls ces tableurs en disent long sur les « effets collatéraux » du Grenelle et de tout ce qui en a suivi, jusqu’au tout récent « Plan national santé environnement 2 », qui vient encore d’ajouter des millions à la note…

Cabrioles et brouillards comptables

Au début du mois de juillet, les comités de bassin ont organisé une réunion pour prendre en compte les résultats des consultations autour des projets de Sdage. Conformément à la DCE et au code de l’Environnement, ces schémas directeurs devaient faire l’objet d’une consultation du public, des conseils régionaux, conseils généraux, chambres consulaires, conseils économiques et sociaux régionaux, avant leur adoption d’ici fin 2009.


Le comité de bassin Loire Bretagne a ainsi étudié secteur par secteur les résultats des consultations et les travaux des commissions. Les points qui restent en débat portent sur « la compensation en cas de destruction de zones humides, les règles de gestion quantitatives de l’eau dans les zones déficitaires et la réduction des flux de nutriments dans les bassins littoraux dits "à ulves". »

En clair les algues vertes, dont on va réentendre parler en Bretagne en septembre prochain, à l’initiative d’un collectif associatif fortement remonté face à l’ampleur que revêt désormais le désastre… Rude baptême du feu pour M. Lepeltier.

Concernant les travaux de conformité des agglomérations avec la directive Eaux résiduaires urbaines (ERU), une chose semble certaine, c’est de "prévoir un recours à la convention Borloo afin de mettre en place l’emprunt des agences de l’eau auprès de la Caisse des Dépôts visant à accélérer la mise en conformité des stations d’épuration", commente Paule Operiol, responsable de la communication de l’agence.

Il serait en effet grand temps d’aller emprunter à la Caisse, vu l’engagement de Jean-Louis « Houdini » Borloo et l’agacement croissant de Bruxelles en la matière…

Dans le bassin Rhin Meuse, on joue les premiers de la classe : nulle modification "hormis de légères inflexions à prendre en compte du fait des nouvelles exigences liées au Grenelle", tempère Dominique Frechin, directrice de la communication. Le dossier épineux pour ce bassin reste la question du périmètre du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) de la nappe du Trias inférieur. Cette nappe essentielle en Lorraine est en effet surexploitée dans sa partie sud vosgienne. "Une réduction des prélèvements d’1 million de m3/an y serait nécessaire pour stabiliser le niveau : 191 communes vosgiennes sont concernées", souligne-t-elle.


En Seine Normandie, les modifications sont de l’ordre "du détail", commente Jean-François Bel, membre du comité de bassin, vice-président du conseil général des Yvelines et maire de Montesson.

"Les retours de la consultation sont globalement positifs, seules les chambres d’agriculture ont exprimé un certain mécontentement", ajoute-t-il. A ce jour, une cinquantaine de réponses sur les 161 collectivités n’ont pas encore été prises en compte. Il reste au comité de bassin deux prochaines réunions pour en traiter.

A croire qu’on serait jaloux de Rhin-Meuse ? Pourtant pas de quoi la ramener quand on sait que le « premier des bassins » présente une situation désastreuse en matière de protection des captages…

Pour sa part Adour Garonne insiste à l’envi sur la révision à mi-parcours du neuvième programme (2007-2012) de l’agence. Adour Garonne applique une des redevances les moins élevées de France. En parallèle, le bassin enregistre un retard important par rapport aux exigences de la DERU. Tous les élus, moins une abstention, ont voté le relèvement des redevances, les autres et notamment les agriculteurs se sont abstenus. "Cette décision est certes peu populaire en ces temps de crise, mais pour atteindre le bon état de la ressource, nous n’avons pas le choix", assure Marc Abadie, directeur général de l’agence. Cette augmentation sur trois ans, à raison de 9% par an, concernera l’ensemble des usagers. "Malgré cela, Adour Garonne restera dans les moyennes des prix de l’eau les moins élevés de France", assure-t-il.

Monsieur Abadie s’est par ailleurs distingué il y a peu en communiquant es qualité sur le fait que les services d’eau en régie étaient incomparablement moins chers dans le Sud-ouest que les services délégués à Velio, Suez et Saur, à la grande fureur des susdits qui n’en sont manifestement pas encore revenus. On se demande en effet quelle mouche l’a piqué ?

La Corse depuis son demi-divorce d’avec RMC, fait figure d’exception : adopté en juillet, le Sdage, ainsi que le programme de mesures pour le plan de gestion, seront présentés cet automne au préfet coordonateur du bassin. "Dans le bassin Corse, 80% du bon état des masses d’eau est déjà atteint", annonce Sylvie Lainé, directrice de la communication de l’agence.

Entre le Rizzanese et l’actuelle folie immobilière qui frappe l’île de Beauté, sans parler du Padduc qui l’organise, l’assertion nous paraît pour le moins osée !

Rhône Méditerranée enfin affiche de bons résultats dans 50% des masses d’eau. Pour ce bassin, la réunion n’a pas fait l’objet de grandes modifications. "Nous avons juste prévu de redéployer certains financements, celui par exemple sur les pesticides dans les eaux souterraines et superficielles, en vue d’accélérer les programmes", conclut Sylvie Lainé.

Pour les PCBs on attendra qu’Axelera accélère…

Au total nul doute que des communiqués triomphants du cabinet d’Houdini et de la Direction de la com du même ne saluent le grand œuvre avant la fin de l’année.

Jusqu’ici tout va bien.

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La gouvernance de l’eau est-elle à la hauteur des enjeux ?

« Les débats sur la politique de l’eau montent en puissance actuellement, dans les comités de bassin, où les acteurs économiques ont une force de négociation supérieure à l’usager citoyen, pourtant payeur. La gouvernance par les comités de bassin est-elle à la hauteur des enjeux de la restauration de la qualité des eaux ? »

Hélène Huteau, Novethic, 21 juillet 2009.

Marc Laimé - eauxglacees.com